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CHAPITRE 2 PRÉSENTATION DU PROJET DE RECHERCHE

2.1 Problématique de recherche

Le changement de paradigme qui s’est opéré dans la règlementation sur la gestion des déchets à partir du début des années 90, promouvant la passage d'un statut de déchets à celui de ressources, s’est traduit en pratique pour les municipalités par l'identification d’objectifs de valorisation spécifiques à chaque type de matières. A titre d'exemple, la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 2011-2015 prévoyait un recyclage de 60% des matières putrescibles municipales (résidus alimentaires, résidus verts, boues de stations d’épuration) avec un bannissement de ces déchets des sites d’enfouissement d’ici 2020 (Ministère du Développement Durable de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques, 2012). Or, l'atteinte de cet objectif induit pour les municipalités la mise en place d'une collecte sélective à 3 voies, qui peut conduire à une augmentation des coûts et des impacts liés aux activités de transport (Teixeira et al., 2014).

En outre, la performance de la collecte et du transport est étroitement liée à la quantité de déchets collectée et à la distance parcourue. Ainsi, à partir d’une certaine distance de transport, il devient économiquement intéressant d’inclure un centre de transfert des déchets. Cependant, dans une perspective systémique, si ces quantités sont trop faibles et/ou si les distances sont trop grandes, les bénéfices tirés de la valorisation ne seront pas suffisants pour « rentabiliser » la filière de traitement. De plus, un gisement considéré individuellement peut présenter un rapport tonnage/distance parcourue favorable et aboutir à un bilan de valorisation positif. Pour autant, dépendamment des caractéristiques des autres gisements

présents sur le territoire, l'attrait de collecter et valoriser le premier gisement peut augmenter ou, au contraire, diminuer. Cette dynamique spatiale entre organisation du territoire et performance du système de gestion des déchets pose des défis dans la conception stratégique des filières, et notamment sur la taille de la technologie de traitement. Une des difficultés pour le décideur est en effet de déterminer quels gisements de déchets devront être alloués à un ou plusieurs sites de traitement. En tenant compte de ces contraintes, le décideur doit également adapter, dans la phase de planification, la structure du réseau de transport, dont la hiérarchisation dépend de l'échelle du territoire desservi par un site de traitement.

Actuellement, les outils utilisés pour répondre à ce problème sont les modèles mathématiques d'optimisation et la comparaison de scénarios, utilisant des méthodes d'analyse économique, d'analyse de cycle de vie (ACV) ou d'analyse multicritères (Bastin & Longden, 2009; Eiselt & Marianov, 2015; Pantaleo et al., 2013). Un frein à l'utilisation élargie des premiers est lié à l'élaboration du modèle et à sa résolution qui, pour des systèmes avec un nombre important de variables et de critères de décision, peuvent s'avérer contraignants. Par ailleurs, ce type de modèles peut être perçu comme une « boîte noire », offrant la meilleure solution mais qui, en contrepartie, ne donne pas la compréhension des dynamiques aboutissant à ce choix. Ainsi, l'approche par comparaison est la plus utilisée lorsqu'il s'agit d'aborder explicitement les dynamiques spatiales dans la conception d'une filière de traitement. Elle a été utilisée, entre autres, pour étudier les impacts d'un système centralisé versus un système décentralisé (Longden et al., 2007), pour analyser les économies d'échelles d'une technologie sur un territoire (Pantaleo et al., 2013) ou pour calculer la limite maximale de transport théorique associée à une stratégie de valorisation (Merrild et al., 2012).

Dans cette optique, les études mentionnées précédemment proposent une vision orientée vers la technologie. Par exemple, afin d'identifier la taille d'un ou plusieurs sites, les compromis entre économies d'échelle et distances de transport se font en considérant d'abord les gisements les plus proches, puis en étendant la zone de collecte de manière concentrique, avec au centre la technologie. Cependant, cette approche peut ne pas être appropriée si le territoire à l'étude est composé de gisements ou zones hétérogènes. En effet, dans la

conception d'une stratégie de gestion pour un territoire donné, incluant le mode de collecte et la capacité du site de traitement, tous les gisements devraient pouvoir être considérés simultanément. La tendance actuelle des outils de planification est donc d'axer l'étude des filières de traitement dans une perspective territoriale, évaluant la réponse du territoire à un scénario plutôt que de considérer ses caractéristiques comme de simples paramètres. Actuellement, les approches territoriales développées se concentrent sur deux aspects: 1) l'évaluation des mesures en place pour plusieurs échelles de territoire (municipalité, province, région) selon des indicateurs relatifs aux flux de déchets, comme le taux de détournement et ses variantes (D’Alisa et al., 2012) et 2) la spatialisation des impacts environnementaux qui permet de calculer les impacts d'un système par zone territoriale, en tenant compte de leurs caractéristiques (Nitschelm et al., 2016). En revanche, bien que ces approches permettent d'exprimer une performance spatialisée d'un scénario, et donc de prendre en compte dans l'évaluation l'hétérogénéité du territoire, elles ne sont pas en mesure de donner des indications quant à la structure physique de la filière, telle que la taille privilégiée des sites de traitement. Autrement dit, une lacune existe sur le développement d'une approche territoriale et spatialisée de planification d'une filière de traitement. Celle-ci permettrait l'expression de l'attractivité, sur plusieurs types de critères, de l'ensemble de la filière (collecte, transport et traitement) sur chaque zone territoriale considérée.

Afin de répondre à cette lacune, le projet de recherche s'appuie sur trois hypothèses principales, qui font l'objet des trois articles présentés dans ce mémoire de thèse.

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