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II. 3.1.2.2 Les déterminants précoces de la mentalisation

II.4. PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

L’étude de la résilience est récente en France, comme nous l’avons déjà dit, et depuis quelques années nous voyons croître l’intérêt qui lui est porté, favorisant le développement de recherches (universitaires, recherches-action, etc.). Il est en effet nécessaire de se pencher sur

les processus en jeu dans la résilience. Dans cette recherche, nous avons décidé de travailler dans un cadre de référence psychodynamique, en nous centrant sur des dimensions dynamiques et interactionnelles de la résilience. Nous sommes conscients de n’avoir pas pris en compte la totalité des facteurs susceptibles d’intervenir dans le processus de résilience, comme les aspects socioculturels, cognitifs ou encore écosystémiques. Nous sommes d’avis qu’une recherche intégrant l’ensemble des facteurs de protection serait certainement très importante, mais il nous a semblé judicieux de nous intéresser de manière privilégiée à quelques dimensions, selon nous majeures dans la construction de la résilience. L’approche psychanalytique offre un éclairage dans l’étude des phénomènes de la résilience en termes de processus. D’autre part, même s’il est fait une grande part à l’intrapsychique, celui-ci est toujours considéré en interaction avec l’environnement ; la perspective envisagée est intégrative puisqu’elle prend en compte à la fois les modalités du fonctionnement intrapsychique et la réalité externe.

Dans cette recherche, nous nous intéresserons à des enfants qui, après avoir été victimes précocement de maltraitance au sein de leur famille, ont été placés en famille d'accueil. Parmi ces enfants, certains s’en sortent remarquablement bien, tandis que d’autres conservent des manifestations symptomatiques importantes et des vulnérabilités invalidantes. Nous tenterons alors de montrer le rôle protecteur des mécanismes de défense, d’un espace imaginaire riche et de la mentalisation (facteurs de protection internes), mais aussi de la rencontre et du lien avec un ou plusieurs tuteur(s) de résilience (facteur de protection externe).

II.4.2. Hypothèses théoriques

II.4.2.1. Concernant l’emploi adaptatif des mécanismes de défense

H1 : Un enfant résilient aurait recours à une plus grande variété de mécanismes de défense,

synonyme de souplesse, mécanismes de défense employés de manière adaptative, c'est-à-dire permettant la protection du moi et ainsi donc un dégagement. Inversement, on assistera chez l’enfant non résilient à une faillite des processus défensifs, c'est-à-dire au recours à des mécanismes de défense limités, utilisés de manière rigide interdisant toute possibilité de traitement mental des excitations.

II.4.2.2. Concernant l’étendue de l’espace imaginaire

H2 : La richesse de l’espace imaginaire, combinée à de bonnes capacités d’élaboration de cet

imaginaire, devrait être plus fréquente chez les enfants résilients. Les enfants non résilients auraient soit un imaginaire pauvre, soit un imaginaire trop riche qui viendrait les déborder.

II.4.2.3. Concernant la qualité de la mentalisation

H3 : Une mentalisation de bonne qualité devrait différencier les enfants résilients des enfants

non résilients.

H3a : L’enfant résilient devrait avoir de bonnes capacités de symbolisation et

d’élaboration des pulsions agressives et sexuelles, comparativement à l’enfant non résilient.

H3b : L’activité de liaison affects-représentations serait plus efficiente chez l’enfant

résilient, contrairement à l’enfant non résilient qui ne pourrait effectuer ce travail psychique.

II.4.2.4. Concernant le tuteur de résilience

H4 : Les enfants résilients dont les modèles parentaux sont défaillants, auront rencontré un ou

plusieurs tuteur(s) de résilience qui auront été des cibles identificatoires positives, comparativement aux enfants non résilients qui n’auront pas pu trouver dans leur entourage des cibles identificatoires suffisamment bonnes susceptibles de leur fournir un modèle positif à intérioriser.

DEUXIÈME PARTIE

MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

I.

CHOIX DE LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

Pour mener une recherche en psychologie deux méthodes sont principalement employées : la méthode quantitative et la méthode du cas unique. Si la première est actuellement privilégiée dans le champ scientifique, car plus objective, il n’en demeure pas moins que la seconde suscite toujours un grand intérêt. De plus, comme le remarque très justement Daniel WIDLÖCHER (1995, 1999) ces deux démarches sont complémentaires : « la

méthode inductive quantitative a surtout pour intérêt de vérifier la régularité d’un événement observé, la méthode du cas unique a surtout pour but de découvrir de nouveaux objets de connaissance »224. L’observation de cas singuliers se situe alors en amont de la recherche de validation et de généralisation des hypothèses élaborées à partir de l’étude de ces cas (BOURGUIGNON, BYDLOWSKI, 1995).

Nous nous situons dans ce premier temps de la recherche exploratoire, néanmoins, pour éviter « le réductionnisme à propos d’une réalité aussi complexe à appréhender que la résilience »225, nous avons choisi de procéder à une étude de cas uniques contrastés, qui seront évalués de manière comparative. Cette option méthodologique présente l’intérêt de permettre de « différencier l’ensemble des déterminants impliqués dans le processus de résilience, les différentes formes qu’elle peut prendre […], de construire de nouvelles hypothèses à partir des différences observées sur les palettes opposées de cas uniques résilients et non résilients […] »226. Nous avions débuté la recherche avec un échantillon de 18 enfants, mais nous avons pas dû renoncer à en suivre six d’entre eux pour différentes raisons : certains ne répondaient pas aux critères que nous avons retenus (cf. p. 97-98) ; à d’autres nous n’avons pas pu administrer l’ensemble du protocole de recherche, parce qu'ils ont quitté le service de placement spécialisé ou parce qu'ils présentaient de telles perturbations comportementales qu’il nous a été impossible de procéder aux évaluations. Sur cet échantillon de départ, nous avons ainsi retenu 12 enfants. Certes, nous sommes conscients que le nombre

224 D. WIDLOCHER. « La méthode du cas unique ». Paris : PUF, 1999. p. 199. 225 J. LIGHEZZOLO., C. (de) TYCHEY. op. cit. 2004. p. 94.

insuffisant de sujets retenus pour cette étude ne nous permettra pas de valider des résultats. Mais comme nous venons de le préciser, ce qui nous a semblé important c’était de pouvoir vérifier, dans un premier temps, nos hypothèses en privilégiant l’étude approfondie de plusieurs cas et ainsi donc de les approcher dans leur singularité et leur globalité. D’autre part, cette méthode est au plus près de la pratique clinique, et nous tenons à souligner que la majorité des enfants qui sont placés en famille d’accueil souffre de la séparation d’avec leurs parents. C’est pourquoi la démarche clinique dans sa relation intersubjective nous a semblé la plus appropriée à cette recherche.