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1. Introduction générale

1.6. Problématique et objectifs de la thèse

Les travaux réalisés dans le cadre de ma thèse peuvent être replacés dans le cadre général de la thématique de l’équipe de recherche dans laquelle ils ont été développés. La thématique de recherche de l’équipe "Arbres et Réponses aux Contraintes Hydriques et Environnementales" (ARCHE) du Laboratoire de Biologie des Ligneux et des Grandes Cultures de l’Université d’Orléans (LBLGC, EA 1207, INRA USC 1328) est centrée sur la compréhension des mécanismes physiologiques et moléculaires impliqués dans l’acclimatation et l’adaptation des arbres aux contraintes hydriques et métalliques. L’équipe présente trois axes de recherche : un axe « écophysiologie », centré sur la diversité inter- et intra-spécifique des stratégies de réponse à la sécheresse dans des contextes d’intensité et de durée variées, un axe « épigénétique » centrée sur le rôle des marques épigénétiques comme la méthylation de l’ADN dans la plasticité phénotypique, et un axe « phytomanagement » centré sur l’utilisation des arbres comme outil de stabilisation des sols pollués. Les travaux de recherche sont pour l’essentiel développés sur un modèle biologique : le peuplier.

Le premier arbre dont le génome a été séquencé était un peuplier (Populus trichocarpa Torr. & Gray, clone Nisqually 1 ; Tuskan et al., 2006). Les peupliers sont des Angiospermes appartenant à la famille des Salicacées et au genre Populus. Le genre Populus est composé d’une trentaine d’espèces réparties dans 6 sections botaniques sur la base de critères écologiques et morphologiques (Abaso, Aigeros, Leucoides, Populus, Tacamahaca et

Turanga Dickmann & Kuzovkina, 2008). C’est un arbre à feuille caduque et à bois tendre, à

très forte croissance juvénile, les peupleraies classiques présentant une révolution entre 15 et 20 ans. Il possède un système racinaire traçant et apprécie les sols profond, humide et drainant. On le retrouve naturellement près des cours d’eau et dans les zones humides, et est de ce fait particulièrement bien adapté à des régimes hydrauliques dynamiques. Sur le territoire français, on retrouve le peuplier au sein de deux principaux compartiments : le

33 compartiment sauvage, représenté par les espèces naturelles autochtones comme le peuplier blanc, le peuplier tremble ou encore le peuplier noir, et le compartiment cultivé, représenté par les plantations (peupleraies classiques mais aussi taillis à courtes ou très courtes rotations) (Berthelot & Gavaland, 2007 ; Commission internationale du peuplier 2016, Bastien et al., 2015). En France, le peuplier constitue la troisième essence feuillue récoltée en matière de volume (Agreste, 2012 ; Agreste, 2016). La populiculture est basée sur l’utilisation de variétés clonales, pour la plupart hybrides, l’hybridation interspécifique étant courante chez le peuplier (Stanton, 2009) et conduisant souvent à une hétérosis importante en F1 (Stettler et al., 1988 ; Marron et al., 2006 ; Dillen et al., 2009 ; Zanewich et al., 2018).

Les travaux menés sur peupliers au sein de l’axe « écophysiologie » concernent à la fois le compartiment sauvage et le compartiment cultivé. Dans le premier cas, les travaux sont développés sur peuplier noir (Populus nigra L.) et ont pour objectifs d’identifier les traces d’adaptation locale à l’environnement et d’évaluer le potentiel adaptatif des populations dans le contexte actuel de modifications climatiques. Dans le deuxième cas, les travaux ont pour objectif d’évaluer la diversité génétique existante pour des caractères clés comme la productivité, l’efficience d’utilisation de l’eau et la tolérance à la sécheresse et les liens entre ces caractères afin d’aider à la définition et la sélection d’idéotypes en fonction des itinéraires culturaux.

Mes travaux de thèse s’inscrivent dans la continuité des travaux entrepris au sein de l’axe "écophysiologie", notamment sur le compartiment cultivé. Sur le plan appliqué, l’ensemble des travaux, menés à la fois en serre, en pépinière et en peupleraie, a montré (1) une importante variabilité pour des caractères d’intérêt comme pour l’efficience d’utilisation de l’eau et la tolérance à la sécheresse modérée quels que soient les fonds génétiques étudiés, (2) que les classements entre variétés pour l’efficience d’utilisation de l’eau étaient stables au cours du temps, et (3) qu’aucune relation évidente n’existait entre productivité, efficience

34 d’utilisation de l’eau et tolérance à la sécheresse, suggérant ainsi que la sélection de peupliers à la fois productifs, efficients et tolérants est envisageable quel que soit l’itinéraire cultural (Marron et al., 2005 ; Monclus et al., 2005a,b, 2006, 2009 ; Bonhomme et al., 2008 ; Fichot

et al., 2009 ; 2010 ; 2011 ; Chamaillard et al., 2011 ; Rasheed et al., 2011 ; Toillon et al.,

2013a, 2016 ; Guet et al., 2015a,b). Sur un plan plus fondamental, les travaux ont également montré que la diversité observée entre génotypes pour l’efficience d’utilisation de l’eau était généralement associée à la composante « gestion des flux d’eau » plutôt qu’à la composante « gestion des flux de carbone » (Monclus et al., 2006 ; Fichot et al., 2010 ; Chamaillard et al., 2011 ; Toillon et al., 2013a ; Rasheed et al., 2012 ; Broeckx et al., 2014a ; Verlinden et al., 2015b) et que la résistance à la cavitation était également variable entre génotypes sans nécessairement venir au détriment de la productivité (Fichot et al., 2010, 2015 ; Guet et al., 2015a).

Jusqu’à présent, les travaux développés au sein de l’équipe avaient été restreints à des contextes de sécheresse modérée (Monclus et al., 2006, 2009 ; Fichot et al., 2009, 2010), bien que les limites fonctionnelles aient été abordées au travers de la résistance à la cavitation (Fichot et al., 2010, 2011 ; Guet et al., 2015b), et n’avaient jamais adressé explicitement les questions liées aux mécanismes de mortalité. Les effets de la disponibilité en nutriments n’avaient pas non plus été directement adressés, seulement en partie au travers de l’analyse des effets sites (Toillon et al., 2013a, 2016 ; Guet et al., 2015a), ces derniers correspondant néanmoins davantage à des différences de contextes pédoclimatiques. Dans ce contexte,

l’objectif général de ma thèse était d’évaluer l’impact de la disponibilité en nutriments sur le fonctionnement hydrique et carboné de génotypes de peupliers dans des contextes de disponibilité en eau contrastés. Plus spécifiquement nos principales hypothèses de travail

35 1) Une plus forte disponibilité en nutriments favorise la croissance aérienne en condition hydrique non limitante mais accentue les effets négatifs d’une sécheresse modérée.

2) Une plus forte disponibilité en nutriments, notamment en azote, augmente l’efficience d’utilisation de l’eau, l’efficience d’utilisation de l’eau n’étant pas directement liée à la croissance

3) Une plus forte disponibilité en nutriments, notamment en azote, accentue la vulnérabilité à la cavitation, réduit les marges de sécurité hydrauliques, et augmente les risques de dysfonctionnements hydrauliques en cas de sécheresse 4) Une plus forte disponibilité en nutriments favorise la mise en réserve

5) Une plus forte disponibilité en nutriments, notamment en azote, favorise la mort par embolie massive du xylème dans un contexte de sécheresse létale

Afin de répondre à ces hypothèses, nous avons sélectionné quatre génotypes de peuplier non apparentés, de fonds génétiques distincts représentatifs des principaux cultivars commercialisés, avec pour objectif de maximiser le différentiel de réponse. Les expériences ont été réalisées d’une part en pépinière, d’autre part en serre, en faisant varier artificiellement l’apport en eau et en nutriments. Le dispositif de pépinière a permis de se rapprocher des conditions naturellement rencontrées en plantation et d’appliquer une sécheresse modérée à l’échelle d’une saison de végétation. L’induction d’une sécheresse sévère étant compliquée à réaliser en pépinière, le dispositif de serre a permis de pallier cette limite et de répondre à des objectifs distincts en abordant la problématique des mécanismes induisant la mortalité des arbres lors d’une sécheresse létale.

La suite du manuscrit est composée d’une partie décrivant la stratégie et le matériel et méthodes associés aux deux dispositifs expérimentaux, suivie de quatre chapitres présentant

36 les principaux résultats obtenus. Les trois premiers chapitres concernent le dispositif expérimental de pépinière, le quatrième concerne le dispositif expérimental de serre.

Chapitre 1 : Effets croisés de la disponibilité en eau et de la disponibilité en nutriments sur la

croissance, le rendement et ses déterminants.

Chapitre 2 : Effets croisés de la disponibilité en eau et de la disponibilité en nutriments sur la

vulnérabilité à la cavitation et sur les relations avec la croissance.

Chapitre 3 : Effets croisés de la disponibilité en eau et de la disponibilité en nutriments sur

l’efficience d’utilisation de l’eau et ses relations avec la croissance.

Chapitre 4 : Effets du statut nutritif azoté sur la dynamique des dysfonctionnements

hydrauliques et des réserves carbonées dans des contextes de sécheresses modérée ou sévère. Ce chapitre fait l’objet d’un article prochainement soumis à la revue New Phytologist.

À l’issue de ces quatre chapitres, les principaux résultats sont discutés au regard de l’objectifs initial et les perspectives de recherche à court et moyen termes ouvertes par le travail de thèse sont enfin présentées.

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Matériels et méthodes

général

38 Dans le cadre de cette thèse, deux dispositifs complémentaires ont été mis en place, l’un en pépinière permettant d’être au plus près des conditions naturelles et d’étudier l’acclimatation des peuplier en réponse à une sécheresse modérée et l’autre en serre permettant un plus grand contrôle des conditions de croissance et d’induire une sécheresse plus intense permettant d’étudier les mécanismes induisant la mortalité lors d’une sécheresse létale. Ces deux dispositifs avaient pour but de nous permettre de mieux appréhender la dynamique de réponse des arbres à stress hydrique de durée et d’intensité variables, et ce, grâce à l’utilisation de plusieurs génotypes de peuplier.