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Comme vu précédemment, le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a demandé une révision immédiate du Guide alimentaire canadien dans son rapport sur l’obésité au Canada publié en 2016. La révision du GAC s’est effectuée entre la fin octobre 2016 (Lévesque, 2016) et le début de 2019. L’examen des données probantes s’est échelonné de 2013 à 2015 et de 2015 à 2018 (Gouvernement du Canada, 2019) dont les résultats ont été publiés dans deux documents distincts : Examen des données probantes à la base des recommandations alimentaires 2015 et Effet des nutriments et des aliments sur la santé : Mise à jour intérimaire des données probantes 2018 (Gouvernement du Canada, 2019). Le processus d’examen des données probantes a suivi le cycle d’examen des données probantes (EDP), une approche systématique adoptée par Santé Canada pour éclairer la prise de décision en matière de recommandations alimentaires. Cette démarche rigoureuse est utilisée par l’organisme fédéral pour recueillir, évaluer et analyser les données scientifiques pertinentes sur la saine alimentation. Elle permettrait d’attester que les recommandations du GAC demeurent fondées scientifiquement, actuelles, pertinentes et utiles pour la population canadienne (Gouvernement du Canada, 2019). Selon le modèle de l’EDP, les données probantes entourant trois domaines d’intrants y sont examinées : les fondements scientifiques, la pertinence dans le contexte canadien et l’utilisation des recommandations alimentaires existantes (Gouvernement du Canada, 2019). Ces trois domaines d’intrants et leurs principales caractéristiques sont schématisés comme suit :

Figure 3. Principaux domaines d’intrants pour éclairer les décisions en matière de recommandations alimentaires (Gouvernement du Canada, 2019)

En janvier 2019, Santé Canada a dévoilé le nouveau guide dont les recommandations appellent la société à participer à la transformation des environnements. Entre autres, en favorisant des comportements alimentaires privilégiant les aliments végétaux et en limitant les produits hautement transformés (GAC, 2019). Or, ces recommandations ne correspondent pas tout à fait aux intérêts commerciaux de certains secteurs de l’industrie bioalimentaire. Le processus de refonte du GAC représente une opportunité de documenter et d’étudier l’influence des APC sur le développement de politiques publiques nutritionnelles au Canada.

Afin de rétablir le lien de confiance envers les politiques de santé publique dans le cadre de la révision du Guide alimentaire canadien, les membres du bureau de la politique et de la promotion de la nutrition de Santé Canada n’ont rencontré aucun membre des industries alimentaires et des boissons (Santé Canada, 2018). De plus, aucun chercheur ayant un lien de près ou de loin avec l’industrie n’a siégé aux comités de Santé Canada, afin de s’assurer que l’élaboration des recommandations nutritionnelles est à l’abri de tout conflit d’intérêts (Santé Canada, 2018). Selon Santé Canada, la présence des représentants de l’industrie à la table de consultation lors de la précédente version du GAC a été perçue par les consommateurs et les organisations comme un obstacle. À leur avis, cette situation cause du tort à la crédibilité scientifique des recommandations (Campbell et al., 2013; Santé Canada, 2016).

 

2.1  Principes  directeurs  

Pour l’élaboration du nouveau Guide alimentaire, Santé Canada a mené une révision des données probantes. Au cours du processus, Santé Canada a tenu deux phases de consultation publique portant sur les éléments à considérer dans la révision (Gouvernement du Canada, 2019). Une première phase de consultation a été réalisée entre le 24 octobre et le 8 décembre 2016. En réponse aux commentaires recueillis lors de cette consultation, Santé Canada a proposé trois principes directeurs et recommandations qui serviront à orienter les futures politiques du Canada en matière d’alimentation (Gouvernement du Canada, 2017; Gouvernement du Canada 2018). Ces principes sont :

Principe directeur no1 : Une variété d’aliments et de boissons nutritifs est le fondement de la saine alimentation. Santé Canada recommande :

•   Consommation régulière de légumes, de fruits, de grains entiers et d’aliments riches en protéine, surtout en protéines d’origine végétale. •   Inclusion d’aliments qui contiennent surtout des lipides insaturés plutôt que

des lipides saturés.

Principe directeur no2 : Les aliments et boissons transformés ou préparés riches en sodium, sucre ou lipides saturés nuisent à une saine alimentation. Santé Canada recommande :

•   Consommation limitée d’aliments transformés ou préparés riches en sodium ou lipides saturés.

•   Abstention de boissons transformées ou préparées riches en sucres.

Principe directeur no3 : Des connaissances et compétences sont nécessaires pour naviguer dans un environnement alimentaire complexe et favoriser une saine alimentation. Santé Canada recommande :

•   Choix d’aliments nutritifs au magasin et au restaurant. •   Planification et préparation de repas et collations sains.

•   Prise des repas en famille ou entre amis aussi souvent que possible.

Ces trois principes directeurs furent soumis à la deuxième phase de consultation publique tenue à l’été 2017 afin de sonder le grand public, les professionnels de la santé et l’industrie bioalimentaire sur leur vision de ces recommandations (Gouvernement du Canada 2018; Gouvernement du Canada, 2017). Aussi, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a convenu de recevoir des mémoires de l’industrie et d’autres intervenants en remplacement d’un témoignage de leur part initialement prévu le 6 juin 2018, afin qu’ils puissent s’exprimer sur la révision du Guide alimentaire canadien (Chambre des communes, 2018). Cette consultation représente une opportunité d’identifier et d’analyser de manière critique les APC déployées par l’industrie bioalimentaire pour influencer l’élaboration de politiques publiques favorables à la santé.

Au Canada, l’influence de l’industrie bioalimentaire au sein du processus décisionnel des politiques de santé publique est un domaine qui reste inexploré. Une réflexion critique s’impose au sujet de cette influence dans le domaine de la nutrition. Cette étude de cas entend apporter sa contribution pour pallier ce manque de connaissance dans ce domaine. La révision du Guide alimentaire canadien représente une opportunité de documenter et d’étudier l’influence des APC sur le développement de politiques publiques nutritionnelles

au Canada. L’objectif principal de cette étude est d’identifier les APC menés par des acteurs de l’industrie bioalimentaire au cours de l’élaboration du Guide alimentaire canadien dans le but d’influencer le processus de révision. L’objectif secondaire est de documenter le discours et la position des acteurs de l’industrie par rapport aux trois principes directeurs et aux recommandations proposées par Santé Canada. L’hypothèse de recherche est que les activités politiques corporatives menées par l’industrie bioalimentaire dans le processus de révision du Guide alimentaire canadien sont multiples et orientées en fonction des intérêts propres à chaque acteur industriel. La contribution de cette étude s’inscrit dans un objectif d’amélioration des stratégies d’intervention des systèmes gouvernementaux de santé publique et des politiques favorables à la santé.

Le cadre conceptuel de surveillance des APC du réseau INFORMAS, présenté en détail dans le chapitre précédent, servira de cadre d’analyse (Mialon et al., 2015; Mialon et al., 2018). Bien que le cadre de Kickbuch et al (2016) et celui de Mckee et Stuckler (2018) préalablement présentés apportent un éclairage quant aux déterminants commerciaux de la santé, celui de Mialon et ses collaborateurs est actuellement le seul outil qui permet de faire la surveillance et l’analyse des APC de l’industrie bioalimentaire (Maani et al., 2020).

 

 

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