• Aucun résultat trouvé

Bien qu’étant la principale source d’apports d’eau douce au bassin de Marennes-Oléron, l’estuaire de la Charente reste jusqu’ici très peu étudié et son fonctionnement demeure à bien des égards mal connu. Seuls quelques travaux plus ou moins récents ont porté sur la quantification des apports de nutriments et d’herbicides au bassin de Marennes-Oléron (Munaron, 2006), la variabilité spatiale et temporelle des sources trophiques exploitées par l’huître creuse en aval de l’estuaire (Riera et Richard, 1996, 1997) ou la structure et la dynamique du virioplancton (Auguet et al., 2005, 2006).

Par ailleurs, malgré cette influence avérée sur le bassin de Marennes-Oléron dont les composantes biotiques subissent une pollution chronique par les métaux et spécialement le Cd (Pigeot, 2006), peu d’études ont cherché à évaluer la potentielle importance de la Charente dans les flux de métaux vers cette baie côtière sensible (Boutier, 2000). Le Réseau d’Observation de la Contamination CHimique (ROCCH, anciennement Réseau National d’Observation) observe pourtant ces dernières années à la station « Les Palles » une tendance à l’augmentation des concentrations en Cd des huîtres, qui se rapprochent des seuls réglementaires. De tels constats sont inquiétants dans le contexte actuel d’épisodes de mortalité estivale qui touchent l’ostréiculture du bassin de Marennes-Oléron, bien que les causes de ces mortalités ne soient pas encore clairement identifiées et qu’elles soient probablement multifactorielles (effets seuils ou synergiques).

D.S. McLusky (1993), commentant une citation de Preston (“gradients become fluxes”), rappelait qu’il nous faut d’abord caractériser et comprendre les gradients (qu’ils soient physiques, chimiques ou biologiques) et leurs interactions, avant de pouvoir commencer à mesurer des flux. Avant de caractériser la contamination métallique dans l’estuaire de la Charente, il nous faut donc décrire et comprendre les gradients environnementaux et biotiques en jeu ainsi que leur variabilité spatiale et temporelle. En accord avec l’Estuarine Quality Paradox défini plus haut, nous nous attacherons à proposer en plus de cette approche « structurelle » du système une étude plus axée sur ses caractéristiques fonctionnelles (trophiques), préalable indispensable à toute tentative d’évaluation de la qualité des milieux estuariens (Elliott et Quintino, 2007).

Dans ce contexte, cette thèse se veut une contribution à l’étude de la structure, du fonctionnement et de la contamination métallique de l’estuaire de la Charente.

Introduction générale

17 Trois objectifs majeurs peuvent être définis :

Objectif 1 : Le premier objectif de notre étude vise à caractériser la dynamique spatiale et temporelle de quelques gradients environnementaux et biotiques. Cette partie de l’étude, détaillée au chapitre 2, a fait l’objet d’une publication acceptée dans Estuarine Coastal and Shelf Science. La mise en œuvre d’une stratégie d’échantillonnage lagrangienne et de méthodes d’analyses statistiques multivariées (procédure de régionalisation, analyse en composantes principales, analyse canonique des correspondances), nous a permis de régionaliser l’estuaire sur la base des paramètres environnementaux majeurs (salinité, matières en suspension, concentration en chlorophylle a et phéophytine) et des assemblages zooplanctoniques (identification de taxons indicateurs caractéristiques de chaque masse d’eau), puis de mettre en relation leur dynamique spatiale et saisonnière. Les résultats obtenus permettent de situer et de comparer la Charente aux autres estuaires européens plus étudiés afin de mettre en évidence certains caractères communs et certaines spécificités locales.

Objectif 2 : Une fois la dynamique saisonnière et spatiale du système caractérisée et les assemblages d’espèces identifiés, cette étude s’est attachée à déterminer pour chaque masse d’eau et chaque grande saison identifiée dans le chapitre précédant, l’origine de la matière organique particulaire et son devenir dans le réseau trophique planctonique. Les isotopes stables du carbone et de l’azote ont été utilisés comme traceurs de la matière organique dans le réseau trophique afin de tester l’hypothèse selon laquelle les successions spatio-temporelles d’espèces pourraient contribuer à optimiser l’utilisation de cette matière largement dominée par les sources détritiques. Dans cet objectif, 5 taxons dominants de la faune zooplanctonique ou suprabenthique de l’estuaire ont été sélectionnés: les copépodes calanoides Eurytemora affinis et Acartia spp., les mysidacés Neomysis integer et Mesopodopsis slabberi et les cladocères du genre Daphnia. Ce chapitre 3, présenté sous la forme d’un article actuellement soumis à Estuarine Coastal and Shelf Science, caractérise à l’échelle spécifique la variabilité spatio-temporelle de la composition isotopique du zooplancton.

Objectif 3 : Les chapitres 2 et 3 de cette étude nous ayant permis, au travers de la communauté zooplanctonique, de formuler une première description de la structure et du fonctionnement trophique de l’estuaire de la Charente, il est proposé dans ce dernier chapitre d’établir un état de la contamination métallique de ses composantes biotiques. Une approche

écosystémique y est adoptée, prenant en considération un ensemble d’espèces représentatives des différents compartiments trophiques existant au sein de l’écosystème estuarien. Ceci afin d’avoir une vision globale des processus de bioaccumulation chez les différents organismes et de contribuer à la compréhension des transferts de métaux dans le réseau trophique. Les concentrations en cadmium (Cd), cuivre (Cu), plomb (Pb), vanadium (V), et zinc (Zn) ont donc été mesurées dans près de 40 taxons, dans les matières en suspension et les sédiments superficiels et comparées aux niveaux mesurés dans ces mêmes compartiments dans d’autres estuaires tempérés européens sous influences anthropiques variées. Quelques résultats préliminaires concernant le mercure (Hg) seront également mis en relation avec les traceurs isotopiques (isotopes stables du carbone et de l’azote) afin de caractériser une éventuelle bioamplification de cet élément dans le réseau trophique estuarien et d’évaluer la potentialité d’utilisation d’une approche couplée « isotopes stables du carbone et de l’azote / éléments trace métalliques » comme traceurs de l’écologie de l’ichtyofaune estuarienne.

Matériel et méthodes

20

Documents relatifs