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Akbari et al. en 2005 [Bozonnet et al., 2006] proposent des tableaux classés par degrés-jours de chauffage ou de rafraîchissement pour estimer le potentiel de réduction de l’ICU offert par différentes stratégies visant à réduire l’énergie nécessaire au rafraîchissement des bâtiments, à savoir les toits à forte réflectivité solaire, l’ombrage par des arbres, les revêtements de sol réflectifs, la végétation urbaine. Ces tableaux fournissent des estimations des économies induites directement (traitement de l’enveloppe) et indirectement (réduction de la température d’air). Pour y aboutir, les auteurs ont analysé trois types de bâtiments qui offrent le plus grand potentiel d’économie d’énergie : le logement, les bureaux et les commerces, classés en fonction de leur période de construction (avant ou après 1980), type constructif et de leur source d’énergie (gaz ou électricité). Des caractéristiques types ont été définies et l’impact des stratégies sur la demande d’énergie (moyenne et crête) a été simulé à l’aide de DOE-2 pour des conditions météorologiques de 240 sites à travers les USA. Les résultats montrent que pour tous les types de bâtiments, plus de 75% des économies d’énergies sont issues des effets directs des toits réfléchissants et des ombrages des bâtiments. Le même type d’étude a été appliqué pour des bâtiments situés à Toronto, au Canada (Abkari, 2004) et cette fois, 88% des économies d’énergies sont attribuées à des effets directs. Les simulations sont complétées par des études expérimentales (Abkari et al. en 2005), (Abkari et al. en 2003) qui viennent corroborer les résultats.

1.7 Problématique

1.7.1 Les interactions climatiques entre le bâtiment et son environnement proche

Les villes sont des agrégations de constructions érigées, de mobilier urbain, d’éléments végétaux et de surfaces naturelles et artificielles disposées de manière hétérogène. Leur densification, conjuguée aux modes actuels d’urbanisation contribuent largement à l’augmentation des températures d’air et des surfaces par rapport à celles constatées dans les zones rurales. Ce phénomène d’ICU est décrit en considérant que la variabilité spatiale des données physiques est susceptible d’être réduite ou agrégée à mesure que l’échelle spatiale d’observation augmente. Beaucoup de travaux traitent ces effets d’ICU à l’échelle sub-méso, et les identifient comme responsables d’une modification importante du bilan énergétique local, entraînant la modification des conditions de confort en espace extérieur et l’augmentation de la consommation des bâtiments. De plus, les perturbations aérodynamiques liées à la rugosité d’ensemble, les mouvements atmosphériques d’air et d’énergie sont modifiés localement par cette hétérogénéité présente dans la canopée urbaine. C’est pourquoi, un microclimat créé par des aménagements naturels peut être bénéfique à la fois pour le confort et la réduction des consommations énergétiques des bâtiments.

L’enveloppe extérieure des bâtiments n’est pas le seul élément interagissant avec le climat. Les conditions intérieures, l’inertie thermique sont aussi des éléments y participant. Le niveau de confort requis, l’occupation du bâtiment et les équipements techniques modifient les paramètres physiques de l’ambiance intérieure et agissant indirectement sur les conditions extérieures proches. N’oublions pas enfin la contribution directe des rejets anthropogéniques dus aux équipements de génie climatique.

La consommation d’énergie dans les bâtiments est aujourd’hui très importante et devrait encore croître en raison de l’évolution des exigences des usagers et de l’augmentation permanente de la population mondiale. L’air conditionné pénètre de plus en plus le marché et contribue fortement à l’accroissement de la demande globale d’énergie. Au cours des dernières années, un important investissement dans la recherche fondamentale et industrielle a été initié et a conduit au développement de nouveaux matériaux, systèmes et techniques voués à la haute performance énergétique ; les systèmes de refroidissement hybrides ou complètement passifs sont maintenant plus répandus. Toutefois, ils ne sont peut-être pas encore assez accessibles et techniquement aboutis pour limiter le recours au traitement d’air et à la climatisation, en particulier dans les bâtiments tertiaires.

Dans la pratique courante du génie climatique, le calcul des charges s’appliquant au bâti est réalisé à partir de données météorologiques de référence fournies par la réglementation thermique pour des grandes zones climatiques. Il est possible d’affiner ces données en consultant celles des stations météorologiques les plus proches de la construction qui se situent en général en périphérie des villes sur des sites dégagés comme les zones aéroportuaires. Du fait de l’ICU et des effets microclimatiques dans les zones denses évoqués précédemment, les conditions thermiques, radiatives, aérodynamiques et hydriques extérieures et donc les charges climatiques effectives peuvent être fortement différentes entre celles de la station météorologiques et celles du site de la construction. Ceci témoigne que l’on peut difficilement utiliser les données de la méso-échelle pour calculer les flux énergétiques réels s’opérant à l’interface des bâtiments et de la même façon les consommations énergétiques induites sans commettre des erreurs importantes ; d’où la nécessité de la prise en compte de la ville et de l’environnement proche pour réaliser des calculs de comportement thermique réel des bâtiments.

1.7.2 Les outils de simulation

L’étude bibliographique effectuée au début de ce chapitre montre qu’il existe un grand nombre de résultats d’études auxquelles on pourrait se référer. Seulement ces données sont contextuelles : elles s’appliquent à une large gamme de climats, à des morphologies urbaines particulières et à différentes typologies de bâtiments. Les modes opératoires de ces études ne

1.7 Problématique

sont pas transparents et contraignent à une interpolation ou une extrapolation de l’information pour apprécier un nouveau cas.

Quand un architecte, un urbaniste, un ingénieur ou un paysagiste réalise un projet d’aménagement urbain, il aimerait disposer d’un outil d’évaluation de l’impact climatique de son projet sur la ville mais aussi et surtout sur l’environnement proche et sur les consommations d’énergie des bâtiments voisins. Deux types d’outils sont envisageables :

– des outils simplifiés sous forme de guides pratiques basés sur des règles de conception ou bien sous forme d’outils informatiques simplifiés de simulation ne nécessitant pas de connaissances approfondies dans le domaine de la climatologie urbaine, tous deux permettant une évaluation grossière mais rapide et exposant les grandes tendances climatiques entraînées par la nature d’un ou plusieurs aménagements ;

– des outils plus fins et précis faisant appel à des techniques de simulation physique calculant les champs de variables microclimatiques et les consommations énergétiques réelles des bâtiments du site considéré.

Dans l’idée que les premiers outils cités peuvent être construits à partir des deuxièmes, l’un des objectif de ce travail sera de développer à partir de travaux antérieurs [Vinet, 2000] [Robitu, 2005], un outil de simulation microclimatique permettant de calculer des consommations énergétiques des bâtiments.

La modélisation fine du microclimat et des échanges d’énergie avec le bâti est confrontée à quelques difficultés majeures :

– l’interaction de nombreux phénomènes physiques ;

– les différences d’échelles spatiales et temporelles des phénomènes physiques concernés ; – la taille du domaine à considérer et les conditions aux limites à mettre en place ; – les temps de calcul prohibitifs pour une modélisation physique réaliste.

Le développement de plateformes de simulation basées sur la CFD, multi-échelles et intégrant l’étude de phénomènes couplés, permet de répondre à la complexité des interactions physiques entre les variables de différentes natures en résolvant des équations fondamentales dans toutes les mailles d’un domaine discrétisé, et couplant les équations traitant des échanges énergétiques entre les domaines fluides et les frontières solides. Le principal défaut de ce type de modèle est leur complexité, le temps de calcul, et le fait qu’il est difficile de réaliser à la fois une simulation microclimatique et une simulation énergétique du bâtiment puisque, d’une part, les échelles spatio-temporelles sont différentes, d’autre part, le bâtiment est un système fermé alors que l’espace urbain est un système ouvert. Enfin, l’usage de ces outils passe par une modélisation géométrique de l’environnement urbain. Une modélisation fidèle des flux échangés nécessite un couplage supplémentaire entre thermique interne et externe qui complexifie la résolution de la procédure numérique. Ainsi, des hypothèses simplificatrices et

une physique appropriée sont requises pour aborder ces phénomènes. Des précautions doivent cependant être prises pour obtenir des résultats cohérents.

Il existe des modèles avec des équations plus simples de type empirique, rapides à mettre en place, ne nécessitant pas forcément de modélisation géométrique, qui peuvent évaluer l’influence de l’urbanisation sur la ville en ajustant les variables extérieures pour les réutiliser dans les calculs de consommation des bâtiments. Cependant, ces modèles, à l’instar du modèle CTTC [Elnahas et Williamson, 1997], n’évaluent les modifications que d’une seule variable à la fois, en général la température d’air, et reposent sur des géométries classiques comme celles du canyon. Les développeurs du modèle CTTC nous informent d’ailleurs que le fait d’intégrer d’autres phénomènes et variables pour plus de précision, comme celles liées à l’évapotranspiration, pose à terme des problèmes théoriques.

Une alternative intermédiaire est celle des modèles zonaux comme par exemple SimCANYON [Bozonnet, 2005]. Ils ont été mis au point pour limiter les temps de calcul nécessaires à des calculs sur une année type de chauffage-climatisation. Mais, à mesure que les domaines élémentaires de calcul augmentent (le zonage est initié par le modélisateur), on dilate des échelles de calcul qui ne devraient pas l’être pour la bonne prise en compte des phénomènes qui se produisent à petite échelle. De plus le zonage convient pour des études sur des géométries théoriques, mais ne s’applique pas sur des morphologies irrégulières du vide urbain délimité par des enveloppes de bâtiments complexes et des éléments de végétation répartis aléatoirement dans l’espace, ce qui correspond à la plupart des cas réels.

Des modèles de thermique du bâtiment prenant en compte les conditions d’ombrage sont maintenant disponibles. Cependant, ils ne prennent pas en compte la modification des échanges convectifs dus à l’exposition au vent. Ils ne permettent pas non plus de traiter avec une même simulation les conditions de confort dans les espaces piétonniers extérieurs. Une question principale se pose alors : comment adapter un modèle climatologique urbain si notre expertise doit traiter en plus des aspects de confort, les aspects de consommation énergétique ?

Les conditions physiques aux limites sont aussi un objet courant de questionnement. En effet, la simulation du microclimat urbain repose sur des calculs dans un domaine spatial englobant, lui-même échantillon de la couche limite urbaine. Or, les propriétés aérodynamiques de la couche limite sont encore mal maîtrisées. Un sous domaine spatial pour l’étude micro doit déjà être plus étendu que le site urbain d’intérêt pour s’assurer d’une bonne prise en compte des constructions à proximité. Un compromis doit être fait entre la taille du domaine d’étude et le nombre de cellules de calcul mises en jeu. Le plus grand domaine possible pour le plus petit nombre de cellules.

1.7 Problématique

Finalement, pour tous les types de modèles, des compromis sont à faire entre la précision recherchée, le domaine de validité des modèles adoptés et le temps de calcul. Utilisée avec des maillages adaptés et des conditions aux limites correctement définies, la famille d’outils fins de simulation microclimatique peut permettre de donner une bonne estimation du champ des variables physiques dans le cas d’un projet de construction ou d’urbanisme. Le sujet le plus délicat à aborder est la connexion entre la simulation microclimatique et la simulation thermique du bâtiment.

1.7.3 La caractérisation de l’impact microclimatique sur l’énergétique

La mise en place d’aménagements particuliers dans un site peut suggérer l’envie de caractériser le microclimat généré par celui-ci. Il est toutefois difficile de caractériser le microclimat particulier d’un site tout au long de l’année étant donné la variabilité saisonnière du climat. De même, il est difficile de le caractériser sur une journée pour les mêmes raisons de variabilité temporelle. On peut prendre une journée type moyenne, ou une journée passée, mais il est peu probable que cette journée se reproduise réellement. Le corpus des recherches sur l’interaction entre le microclimat et l’énergétique des bâtiments montre un déséquilibre entre le nombre de cas d’étude en été, très nombreux du fait de l’accent mis sur la problématique de la climatisation, et celui des cas d’hiver, plus rares. On peut imaginer intuitivement les effets des aménagements en hiver mais nous ne disposons pas du même potentiel d’expertise pour l’été.

Il ressort aussi des études que l’effet de toutes les mesures prises sur l’enveloppe d’un bâtiment, et sur son environnement, sur la consommation énergétique d’un bâtiment n’est pas l’addition des effets de ces mesures prises individuellement. Par exemple l’effet d’une rangée de trois arbres n’est pas la superposition de trois fois l’effet d’un arbre isolé. Il s’agit donc de composer avec ces dispositions une solution adaptée au contexte climatique, au type de bâtiment et à son usage.

L’influence de l’aménagement sur les consommations énergétiques des bâtiments est une question pour laquelle une chaîne problématique se constitue. La ville est un système complexe, variable dans le temps et l’espace. Si les possibilités informatiques ont progressé et que la disponibilité d’une large gamme d’observations issues de diverses campagnes de mesures a augmenté, la complexité des processus physiques en jeu dépasse bien souvent notre compréhension et notre aptitude à les isoler, les mettre en équation et faciliter l’exploitation des variables de sortie pour enrichir l’expertise énergétique des bâtiments. Un certain nombre d’hypothèses doivent ainsi être mises en place.