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Problématique liée à l’évaluation et aux suivis de la qualité des MET fluviales tidales

CHAPITRE 2 : SURVEILLANCE DES MILIEUX ESTUARIENS

1. M ASSES D ’ EAUX DE TRANSITION SUIVIES DANS LE CADRE DU RCS

1.3. Problématique liée à l’évaluation et aux suivis de la qualité des MET fluviales tidales

Comme précisé dans les paragraphes précédents, du fait des contraintes environnementales particulières des zones fluviales tidales et du type d’outils développés jusqu’à présent, les indices biologiques utilisés en MET pour la DCE ne s’appliquent pas à ces zones particulières (à l’exception de l’ichtyofaune). En effet, les évaluations de qualité dans ces zones sont complexes à réaliser en raison de :

- Les indicateurs développés sont mieux adaptés au domaine marin et/ou aux secteurs méso- à polyhalin des estuaires. Les zones fluviales tidales possèdent une typologie d'habitats et de peuplements associés qui leur sont propres ne permettant pas de transposer les outils développés jusqu’à présent pour le domaine marin, estuarien ou fluvial à ces zones spécifiques.

- La faible richesse spécifique (diversité d’espèces) rencontrée dans ce type de MET qui peut se traduire lors des évaluations, par un milieu jugé dégradé et non comme un milieu soumis à de fortes contraintes environnementales.

- Les espèces prédominantes rencontrées sont des espèces fluviales résistantes à ces contraintes (p ex les oligochètes pour les invertébrés benthiques) ou d’espèces ubiquistes (p ex espèces opportunistes comme des algues filamenteuses ou certaines espèces de phanérogames résistantes), considérées comme des espèces à « faible valeur biologique » (Courrat et al., 2010).

Ainsi, la non-applicabilité des outils développés ne permet pas de mettre en place des programmes de surveillance adaptés aux zones fluviales tidales. Pour rappel, 9 MET fluviales tidales et/ou oligohalines sont recensées dans les districts Seine-Normandie et Adour-Garonne (Tableau 39).

Tableau 39 : Masses d’eau de transition de la façade Manche/Atlantique composées uniquement d'une zone fluviale tidale

District Identifiant Nom de la MET MET retenue pour le suivi DCE

Seine-Normandie FRHT01 Estuaire de Seine - Amont OUI

Seine-Normandie FRHT02 Estuaire de Seine - Moyen OUI

Seine-Normandie FRHT07 La Risle NON

Adour-Garonne FRFT31 Estuaire Fluvial Isle NON

Adour-Garonne FRFT32 Estuaire Fluvial Dordogne OUI

Adour-Garonne FRFT33 Estuaire Fluvial Garonne Amont OUI

Adour-Garonne FRFT34 Estuaire Fluvial Garonne Aval NON

Adour-Garonne FRFT35 Gironde amont NON

Adour-Garonne FRFT06 Estuaire Adour Amont OUI

Proportion par rapport au nombre de MET totale à évaluer (sur 53) 17 %

Compte tenu de la proportion de MET fluviales tidales par rapport à l’ensemble des MET à évaluer, il est légitime de se demander s’il est nécessaire de développer des indices spécifiques à ce type de milieu d’autant plus que la réflexion menée dans le projet BEEST a montré que l’adaptation des indices existants développés pour le domaine marin ou fluviatile à ces MET semble compromis voire impossible (Courrat et al., 2010).

103 En accord avec les règles d’évaluation des eaux littorales (MEDDE, 2013), une des options envisageables pour l’évaluation de ces MET consisterait à :

- Comparer les évaluations faites pour chaque élément de qualité, sur les masses d’eau adjacentes (en rivière et en estuaire) puis ;

- Quantifier les pressions qui s’exercent sur la MET fluviale tidale (en ciblant les pressions ayant un impact sur l’élément de qualité) et les comparer aux pressions exercées sur les masses d’eau environnantes ;

- Evaluer l’état des MET par extrapolation à partir de l’évaluation des MET adjacentes et des pressions exercées, avec l’aide d’experts.

Appliquer cette méthode implique une certaine continuité dans les évaluations entre le domaine fluvial, la zone d’eau douce des estuaires et les zones halines. Compte tenu du fonctionnement particulier des eaux de transition, il sera nécessaire de déterminer si cette approche est cohérente scientifiquement.

Il est à noter que l’estuaire de la Loire est constitué d’une zone fluviale tidale non négligeable. Ne formant qu’une seule masse d’eau, son évaluation est basée sur les indices développés pour les eaux côtières et de transition. Ainsi, elle ne prend en considération qu’une fraction de celui-ci correspondant aux zones méso- à polyhaline. Par ailleurs, les critères d’évaluation pour certains éléments de qualité peuvent ne pas être adaptés à cette MET à l’image du phytoplancton. En effet, les blooms phytoplanctoniques dans la zone amont de l’estuaire de la Loire est un phénomène récurrent à l’origine de problèmes d’eutrophisation des eaux estuariennes. Des pics élevés de concentration en chlorophylle-a (dont un atteignant 140 µg/l en juin 2010) ont notamment été mesurés à l’entrée du système (GIP Loire Estuaire, 2010). Or dans l’estuaire de la Loire, aucune évaluation DCE du phytoplancton n’est faite en raison de la présence d’un bouchon vaseux dans la partie aval de cet estuaire.

1.3.2. Exploitation des « réseaux hors DCE »

Le guide relatif aux règles d’évaluation des masses d’eau littoral (MEDDE, 2013) précise que pour des MET non suivies au titre du RCS ou du RCO, il est possible d’utiliser des données « milieux » issues de réseaux complémentaires hors DCE. Pour les MET où peu de données sont disponibles et où la mise en place d’un suivi DCE semble compromis, il pourrait être intéressant de se tourner vers de nouveaux réseaux de surveillance plus localisés que ceux utilisés jusqu’à présent pour la DCE tels que les réseaux haute fréquence de surveillance des paramètres physico-chimiques ou collaborer avec des structures comme les DREAL qui effectuent des suivis biologiques dans les estuaires à l’image de ceux réalisés sur l’estuaire de la Seine (Figure 29). Il reste à confirmer si ces suivis sont maintenus par la DREAL Haute Normandie (les dernières données publiées et accessibles, datent de 2008) (DREAL Haute Normandie, 2008).

Figure 29 : Autres suivis réalisés par la DREAL de Seine-Maritime, dans l'estuaire de la Seine selon des protocoles adaptés aux rivières - non exploités dans les évaluations DCE de ces MET (DREAL Haute Normandie, 2008)

104 En termes de surveillance de la physico-chimie, des réseaux de mesure haute fréquence (hors nutriments) sont présents sur les 3 grands estuaires (Seine, Loire et Gironde).

L’estuaire de la Seine est équipé depuis 2011 du SYstème de surveillaNce Automatisé de la PhySico-chimie en Estuaire de la Seine (SYNAPSES) géré par le GIP Seine-Aval en partenariat avec le Grand Port Maritime de Rouen (GPMR) et l’Université de Rouen. Ce réseau se compose de 4 stations actives localisées à Rouen, Val des Leux, Heurteauville et Tancarville (couvrant ainsi les 3 MET découpant cet estuaire). Le barrage de Poses devrait prochainement être instrumenté permettant ainsi d’avoir des mesures à l’entrée du système.

A terme, 2 autres stations sont envisagées au niveau de l’embouchure de l’estuaire de la Seine (Figure 30).

Figure 30 : Localisation des stations de mesure du réseau haute fréquence SYNAPSES (GIP Seine-Aval)

Les stations sont équipées de sondes multiparamètres permettant de mesurer en subsurface (et au fond uniquement à Tancarville) les paramètres suivants : la turbidité, l’oxygène dissous, le pH, la conductivité des eaux (permettant d’obtenir la salinité) et la concentration en chlorophylle-a uniquement à la station de Rouen. Ces paramètres sont mesurés toutes les 5 minutes. Les sondes opérationnelles sont intégrées aux marégraphes du GPMR, entre Rouen et Tancarville ce qui permet également de connaitre la hauteur d’eau et les conditions de marée associées. A terme, il est envisagé que soit systématiquement mesuré la température et la concentration en chlorophylle-a sur les différentes stations.

La position d’une majeure partie de ces stations correspond avec celle des stations d’échantillonnage utilisées pour le suivi réalisé par l’AESN. La base de données acquise jusqu’à présent, sur la qualité physico-chimique des eaux de l’estuaire de la Seine peut ainsi être enrichie par les données tirées de SYNAPSES (en libre accès via une interface mise à disposition par le GIP Seine-Aval sur son site internet).

Dans l’estuaire de la Loire, Le SYstème de Veille dans l’Estuaire de la Loire (SYVEL) a été mis en place en 2007. Il est constitué de 5 stations de mesures fixes implantées à Donges, Paimboeuf, Cordemais, Le Pellerin, Trentemoult et Bellevue (Figure 31). Ces différentes stations permettent le suivi en subsurface (et subsurface et fond à Donges) des 4 paramètres suivants : température, conductivité, turbidité et concentration en oxygène dissous, au pas de temps demi-horaire, hormis la station localisée à Cordemais (qui fournit des moyennes horaires d'après des mesures réalisées toutes les 10 minutes).

Figure 31 : Localisation des stations de mesure du réseau haute fréquence SYVEL (GIP Loire Estuaire)

105 SYVEL présente une densité de mesures (et en moindre importance, de station) plus forte que celles de la DDTM 44 dans le cadre des suivis DCE. Cela étant, le réseau de la DDTM 44 est assez conséquent et est réparti de manière homogène de l’amont vers l’aval.

Dans l’estuaire de la Gironde, le réseau MAGEST (Consortium MArel Gironde ESTuaire) se compose de 4 stations de mesures automatisées localisées à Libourne, Portets, Bordeaux et Pauillac couvrant ainsi 4 MET de l’estuaire de la Gironde (Figure 32). Au niveau de chacune des stations, sont mesurés 4 paramètres physico-chimiques : la température, la salinité, la teneur en MES et la concentration en oxygène dissous, à raison d'une mesure toutes les 10 minutes à partir d'échantillons prélevés à 1 m sous la surface.

Les stations situées à Libourne et Pauillac permettent de suivre quelques paramètres physico-chimiques dans les MET FRFT32 et FRFT33 retenue pour la surveillance (ces dernières n’étant pas actuellement suivies au titre du RCS).

Ces 3 réseaux haute fréquence pourraient permettre de mieux considérer la variabilité spatio-temporelle des paramètres physico-chimiques dans les grands estuaires. Toutefois, le traitement de ces données très nombreuses peut s’avérer difficile dans le cadre d’une évaluation DCE, généralement basée sur des données ponctuelles (bimensuelles, mensuelles voire bimestrielles).

Le projet coordonné par l’IRSTEA lancé en 2014, permettra

d’éclairer sur cet aspect du moins pour l’oxygène dissous. Ce projet vise notamment à dégrader la donnée haute fréquence et ainsi permettre de déterminer la fréquence de mesure optimale à appliquer, en tenant compte du meilleur rapport coût/efficacité.