Problématique

L’observation à moyen et long terme de l’évolution de l’environnement est clairement reconnue comme une nécessité impérative afin de caractériser, via l’étude des "séries à long terme", la réponse des écosystèmes terrestres ou marins au changement global. Parmi les différents biotopes de la planète, les milieux marins côtiers sont particulièrement contraints par la forte variabilité spatio-temporelle des paramètres physico-chimiques. A ce phénomène s’ajoute une forte variabilité naturelle, elle-même exacerbée par une pression anthropogénique croissante. Dans un contexte avéré d’intenses modifications des écosystèmes, la question de l’identification de la réponse spécifique de ces zones d’interfaces littorales reste posée. C’est afin de répondre à cette problématique générale que le développement d’une démarche systématique d’observation des milieux littoraux a conduit à la mise en place du Service d’Observation en Milieu Littoral (SOMLIT) en 1995 et labellisé par l’INSU en 1996.

L’étude du littoral français dans son ensemble, rendue possible par le choix de sites à situation de normalité, d’un suivi de paramètres pertinents, d’un échantillonnage bimensuel et de la mise en place d’une charte qualité, permet une approche multi-paramètres et multi-sites. Le travail présenté s’inscrit dans le cadre de ce programme de suivi et se base sur l’étude des données acquises depuis 1997. L’objectif de ce sujet de recherche est de détecter les changements intervenant au sein des systèmes marins des côtes françaises à la suite des variations climatiques et/ou des activités anthropiques. Le fil conducteur de cette étude peut se résumer aux questions suivantes :

- Une variabilité des systèmes côtiers français est-elle observable au cours de la dernière décennie ? Si oui, cette variabilité se manifeste-t-elle uniformément le long des 3 façades littorales ?

- Est-il possible de quantifier l’influence potentielle de la variabilité climatique sur les côtes françaises ?

- Un état de référence, caractéristique des conditions naturelles et non influencé directement par l’homme, n'existant pas, est-il tout de même possible d'identifier les anomalies en concentrations de nutriments subies par les sites échantillonnés par le programme SOMLIT ?

Chapitre I : Introduction

Page | 24 - Les 3 façades littorales françaises répondent-elles avec une même intensité à une

perturbation d'origine anthropique ? Si non, quel est l'impact des forçages hydro-climatiques locaux sur l'intensité de la fertilisation subie par ces zones côtières ? - Une modulation hydro-climatique potentielle de la fertilisation côtière ayant été

identifiée, est-il possible de s'affranchir de cette composante naturelle dans le but de quantifier, par l'utilisation d'indicateurs, la part exclusivement liée aux activités humaines ?

Afin de caractériser au mieux la variabilité décennale du littoral français tout en évaluant la contribution de chacun des paramètres à chaque point de prélèvement, une approche multi-sites et multi-paramètres a été privilégiée (Chapitre III).

La deuxième question a nécessité la description des fluctuations temporelles des principaux facteurs climatologiques (Chapitre III). Six principaux facteurs climatologiques ont été choisis pour caractériser cette variabilité à l’échelle de l’Europe de l’Ouest (les champs de pression, la direction et l’intensité des vents, les températures de surface de la mer et les précipitations moyennes). Dans le but de quantifier l'influence potentielle d’un forçage au niveau planétaire, trois indices hydro-climatiques à grande échelle ont été sélectionnés (la NAO pour "North Atlantic Oscillation" ; l’AMO pour "Atlantic Multidecal Oscillation" et les anomalies de températures de surface de l’Hémisphère Nord).

De manière à déterminer les conséquences des activités humaines sur le milieu côtier français, notre recherche a été plus spécialement axée sur l’étude des concentrations en nutriments (nitrates et phosphates). Caractériser le degré d’anthropisation des sites de prélèvement SOMLIT sous-entend comparer ces milieux littoraux à une situation non perturbée. Nous ne disposons malheureusement pas de ce type d’information. Afin de proposer une alternative à cette contrainte, la première étape de notre réflexion s’est donc portée sur l’élaboration d’une nouvelle procédure analytique dans le but de constituer des états de référence relatifs de ces milieux. La seconde étape de ce travail a ensuite consisté en la comparaison entre ces états de référence relatifs et les conditions de concentrations en nutriments des sites suivis par le programme SOMLIT. Cette méthode nous a ainsi permis de quantifier le phénomène de sur-fertilisation subi par le milieu littoral français (Chapitre IV).

Cette approche a montré un effet synergétique entre la sur-fertilisation en nutriments et le climat à l’échelle locale. L’effet de l’impact humain est amplifié au moment des forts débits

Chapitre I : Introduction

Page | 25 de rivière drainant les nutriments le long des bassins versants. A l’inverse, il est atténué lors des périodes de fortes insolations, témoignant d’une baisse de ces apports et d’une régulation par l’activité des organismes photosynthétiques. Dans le but de créer des indices témoignant uniquement d’un apport anthropique non impacté par le climat, une comparaison au sein d’une même station a été menée entre un site très proche de la côte et un site plus au large. L’impact du climat a été soustrait en tenant compte des concentrations en silicates, indicatrices des apports naturels en nutriments depuis le continent et relativement peu impactées par les activités anthropiques. L’effet de la température a également été considéré pour s’affranchir de l’effet de consommation par le compartiment biologique (Chapitre V).

Le texte qui suit est donc organisé autour de trois chapitres, la partie résultat de chaque chapitre étant constituée par une publication. La partie discussion générale établit le lien logique de la démarche scientifique menée au cours de ce travail de recherche. Cette partie reprend et discute les principaux résultats obtenus à la lumière de travaux de différents auteurs. Ce texte est focalisé essentiellement sur une problématique écologique. Aussi, la description des méthodes numériques employées a été volontairement concentrée dans un Chapitre Méthodologie (Chapitre II). Nous renvoyons également le lecteur particulièrement intéressé par l’aspect méthodologique, aux publications qui reprennent en détail une partie des méthodes utilisées dans le cadre de ce travail, originales ou peu appliquées en écologie marine.

En Annexe I

Conséquence des changements climatiques en milieu océanique

Treat data with care, under duress they will tell you anything you want to hear…

(Dave Schoeman)

The process of preparing programs for a digital computer is especially attractive, not only because it can be economically and scientifically rewarding, but also because it can be aesthetic experience much like composing poetry or music

(Donald E. Knuth)

Chapitre II :

Chapitre II : Matériel et Méthodes

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Matériel et Méthodes

II. 1) Contexte environnemental de l’étude : la