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Partie I : Généralité sur l’apathie

Partie 2 : L’apathie dans la schizophrénie

E. Chapitre 5 : Apathie, Anhédonie et Schizophrénie

II. Problématique et Hypothèses

La schizophrénie est une maladie psychiatrique sévère et souvent chronique avec une grande hétérogénéité d'un patient à l'autre et a été reconnue comme la cinquième cause d'incapacité de par le monde (Jaeger et al., 2003). Elle implique un handicap psychosocial conséquent et altère la qualité de vie de l'individu qui en est atteint comme l’autonomie (Sharma & Antonova, 2003). La schizophrénie se définie également en terme de symptomatologie négative et positive. Les symptômes négatifs sont présents et fréquents dans la maladie. En effet, ils touchent 50 à 90 % des patients en début de maladie et sont persistants pour 35 à 70 % d’entre eux et cela même après traitement (Bottlender et al., 2003 ; Malla et al., 2002). A l'inverse des symptômes positifs, les symptômes négatifs restent beaucoup plus difficiles à prendre en charge et peuvent également avoir comme origine le traitement médicamenteux (Marin, 1991). Cette absence de résultats positifs au niveau de la prise en charge est probablement due en partie à un manque de spécificité au niveau de cette dernière. Par ailleurs, il en ressort de la littérature une classification en deux facteurs de la symptomatologie négative : le facteur avoliton-apathie et le facteur expressivité (Malla et al., 2002). Nous concernant, nous avons choisi de nous intéresser dans cette thèse à l'apathie qui correspond à un facteur prédictif important de la qualité de vie du patient atteint de schizophrénie ainsi que de son fonctionnement psychosocial (Faerden et al., 2013). Par ailleurs, l'apathie est reconnue comme étant un symptôme transnosographique retrouvé au sein de différentes pathologies (e.g., maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer ou encore dépression) et ce, de manière importante. De plus, actuellement il persiste une confusion dans sa définition, un amalgame avec d'autres symptômes ainsi qu'une absence d'outils d'évaluation spécifiques et multidimensionnels et standardisés tant dans sa passation que dans sa cotation de l'apathie, validés en français et dans la schizophrénie.

Selon nous, il nous semble nécessaire d'appréhender l'apathie selon une dimension multidimensionnelle (cognitive, comportementale, émotionnelle). Dans notre cas, nous avons choisi de nous intéresser au versant plutôt émotionnel et comportemental de l'apathie. L'objectif de notre

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étude s’est porté sur les liens qui existent entre apathie et anhédonie (plaisir consommé, anticipatoire, et sociale) et le fonctionnement motivationnel (système de récompense-punition) qui leur sont rattachées. Par ailleurs, à travers une étude longitudinale d'un an, nous avons essayé de

déterminer si l’apathie constituait plutôt un trait ou un état dans notre échantillon de patients. Enfin, nous avons également décidé de nous intéresser à l’anhédonie et le système de récompense-punition afin de voir s'il pouvait être des prédicteurs de l'apathie.

Dans une première étude, nous avons souhaité valider, dans la schizophrénie, un outil d'évaluation de l’apathie, la LARS, mise en place initialement dans la maladie de Parkinson. Cette échelle nous a semblé la plus adaptée pour mesurer l'apathie de manière multidimensionnelle car elle possède de bonnes qualités psychométriques et elle est standardisée. Par ailleurs, Mulin et al. (2011) ont montré que l’apathie retrouvée dans la schizophrénie est différente de celle retrouvée dans les autres pathologies. En effet, contrairement à la maladie de Parkinson, ce sont les dimensions émotionnelle et cognitive de

l’apathie qui sont essentiellement altérées dans la schizophrénie et un peu moins la dimension d’auto-activation psychique. Par conséquent, dans notre étude 1, nous émettons l’hypothèse que la structure factorielle de la LARS sera différente dans la schizophrénie en

comparaison à la validation initiale de la LARS dans la maladie de Parkinson.

L’objectif de notre étude 2 est de nous intéresser à l’anhédonie et au système de punition- récompense qui sous-tendent l’apathie dans la schizophrénie. Nous souhaitons explorer les liens entre apathie, plaisir consommé, anticipatoire et/ou sociale d’une part et d’autre part si

l’apathie et le système de récompense-punition sont liés.

A travers une méta-analyse, Cohen et Minor (2010) ont montré que, lors d’une activité

plaisante, le plaisir consommé est préservé dans la schizophrénie. Partant de ce résultat, l’anhédonie devrait être de nature anticipatoire et non consommée dans la schizophrénie. Par ailleurs, Cohen &

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Minor (2010) expliquent que l’incapacité à éprouver du plaisir lors de situations sociales ne permet

pas à l’individu atteint de schizophrénie d’anticiper correctement le plaisir qu’il pourrait ressentir lors de situations sociales. Dans ce cas, il n’éprouvera pas le désir ou la motivation à répéter cette expérience. Nous nous attendons donc à ce que l’apathie soit corrélée au plaisir social et au

plaisir anticipatoire et non au plaisir consommé.

Par ailleurs, les individus atteints de schizophrénie présentent une sensibilité à la récompense (BAS) altérée et une sensibilité à la punition (BIS) préservée (Cheng et al., 2012). De plus, Heerey & Gold (2007) ont montré que dans la schizophrénie, il existe une diminution des comportements dirigés vers les activités débouchant vers une récompense. L’altération du BAS engendre chez le patient un déficit dans le maintien de la récompense. Seul le BIS sera activé ce qui induit une sensibilité plus importante à la punition (Scholten et al., 2006) d’où un comportement apathique. Nous émettons donc l’hypothèse que l’apathie sera liée au BIS/BAS.

Puis, dans notre troisième étude, nous nous sommes intéressés à la nature de l’apathie (trait ou état) et aux déterminants qui pourraient la prédire sur une durée d'un an. Dans un premier temps,

nous nous attendons à retrouver une apathie persistance (donc trait) chez certains patients au

suivi à un an (Evensen et al., 2012). Par ailleurs, à notre connaissance, dans la littérature, il n’existe

pas d'études qui ont montré que l’anhédonie ou encore l’altération du système de récompense- punition puissent être des prédicteurs de l’apathie dans la schizophrénie. En nous basant sur les arguments de notre étude 2, nous supposons, dans un second temps, que l’anhédonie

anticipatoire et sociale ainsi que le BIS et le BAS prédiraient l’apathie.

Enfin, dans la dernière partie de la thèse, nous conclurons sur les résultats obtenus et sur des perspectives à venir.

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