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2. Identification des mécanismes pilotant les transferts dans les milieux à faible perméabilité : application

2.2 Problématique des grès « tight »

La problématique associée aux réservoirs compacts de faible perméabilité est abordée au laboratoire par le biais de thèses proposées par ENGIE et STORENGY. Les essais expérimentaux de la thèse de François Bignonnet (Bignonnet, 2014), encadré par le Pr. Luc Dormieux de l’Ecole des Ponts, ont ainsi été réalisés au laboratoire de GC de Centrale Lille. Ce travail de thèse s’intéressait aux propriétés de transfert, de résistance et de plasticité de roches argileuses. Les enjeux industriels étaient la détermination du potentiel de production de gaz naturel des roches mères (type « shale gas ») et de la capacité de rétention des roches de couvertures utilisées pour les stockages de gaz ou de déchets en milieu souterrain.

𝐾𝑔=

µ. 𝑄𝑖,𝑚. 2. 𝐿. 𝑃𝑚 𝐴. (𝑃𝑚2− 𝑃02)

J’ai ensuite eu l’occasion de co-encadrer deux thèses réalisées à Centrale Lille sous la direction du Pr. Frédéric Skoczylas. La première a été soutenue par Xiao-Jian Fu le 19 décembre 2013 et s’intitulait « Coupure hydraulique et potentiel de production en gaz de réservoirs de grès « tight » : étude expérimentale » (Fu, 2013). Dans la continuité de cette thèse, Yi Wang a soutenu sa thèse intitulée « Pétrophysique et micromécanique des grès "tight" en relation avec leur microstructure » le 8 décembre 2016 (Wang, 2016).

La problématique associée au grès « tights » est lié à la raréfaction des ressources en gaz naturel issus de gisements dits conventionnels c’est-à-dire qui sont facilement exploitables dans le contexte technico économique actuel. L’industrie gazière est donc poussée à se tourner vers les gisements non- conventionnels. Les roches composant ces réservoirs présentent des propriétés pétrophysiques (faibles porosité et perméabilité) rendant l’extraction plus difficile et pénalisant la rentabilité économique du gisement (Naik, 2008), ce qu’illustre la représentation des ressources sous forme de triangle des ressources (cf. Figure 2-2). Ainsi les grès « tight » présentent une perméabilité inférieure à 0,1 mD (soit 10-16 m²) soit 100 à 10 000 fois moins perméables que les réservoirs conventionnels. En revanche les

volumes potentiellement exploitables sont très importants.

Figure 2-2 : triangle des ressources en gaz naturel (Norbeck, 2011).

Les caractéristiques pétro physiques particulières des réservoirs « tight » sont liées à leur diagénèse. Les lames minces présentées en Figure 2-3, d’un grès conventionnel et d’un grès « tight » illustrent bien l’impact de cette diagénèse sur la microstructure de ces roches et sur les difficultés d’exploitation qui en découlent.

Figure 2-3 : lames minces d’un grès conventionnel (à gauche) et d’un grès « tight » (à droite) (Naik, 2008). En plus d’une perméabilité réduite, les grès « tight » se caractérisent également par une faible porosité totale, connectée par un réseau très fin de joints de grains partiellement cimentés. La structure de ce réseau explique une autre caractéristique des grès « tights », leur grande sensibilité à la saturation et au chargement mécanique. Cette sensibilité se traduit par un phénomène appelé « permeability jail » dans la littérature pétrolière (Cluff and Byrnes, 2010; Shanley et al., 2004). Comme l’illustre la Figure 2-4 (à gauche), dans les milieux poreux classiques partiellement saturés par 2 phases (du gaz et de l’eau par exemple), les perméabilités relatives de ces 2 phases varient avec leur niveau de saturation de la porosité. Lorsque le milieu est totalement saturé d’eau, la perméabilité à l’eau est maximale tandis que

la perméabilité au gaz est nulle. La perméabilité au gaz à l’inverse est maximale lorsque la porosité est totalement saturée de gaz. Entre ces 2 états extrêmes, les perméabilités des 2 phases évoluent, mais une phase au moins est toujours mobile. Dans le cas des roches « tights » (Figure 2-4 (à droite)) il existe une plage de saturation pour laquelle aucune des 2 phases n’est mobile. Les 2 fluides sont alors en quelque sorte « emprisonnés » et il n’est plus possible d’extraire l’un ou l’autre fluide du gisement. Ce comportement particulier tient à la structure du réseau poreux de ces roches et au contrôle qu’exercent sur le chemin de percolation des étranglements du réseau poreux qui interrompent la continuité du chemin de percolation. Du fait de leur faible diamètre, ces étranglements, constituant les pores d’entrée de chemin plus larges, se saturent dès les faibles humidités relatives. Il s’ensuit une coupure de l’écoulement du gaz par une phase liquide discontinue se traduisant par le phénomène de « permeability jail » (Cluff and Byrnes, 2010). En écrasant les joints de grains et donc en réduisant le diamètre de ces étranglements, le chargement mécanique exacerbe ce phénomène. La gamme de saturation susceptible de créer les conditions d’un « permeability jail » dépendent du matériau, de la nature des fluides et de l’état de contrainte, mais se situe usuellement entre 55 et 80 % de saturation en eau (Cluff and Byrnes, 2010).

Figure 2-4 : sensibilité des réservoirs « tight » à la saturation par comparaison aux réservoirs conventionnels (Shanley et al., 2004).

Déclarer un matériau en état de « permeability jail » reste assez subjectif dans la mesure où cela dépend de la gamme de perméabilité qui est mesurable avec les moyens employés ou, d’un point de vue industriel, du débit de gaz qui est jugé acceptable économiquement. Un critère en perméabilité relative admet le « jail » lorsque les perméabilités relatives des 2 phases est inférieure à 2 %. Un critère en perméabilité effective (critère plus adapté à la problématique industrielle mais dépendant du contexte technico économique) se base sur une perméabilité minimale des 2 phases de 1 µD (soit 10-18 m²) (Cluff and Byrnes, 2010).

D’un point de vue industriel, il est bien entendu primordial d’identifier les conditions dans lesquelles se produirait un « jail » pour garantir le potentiel de production d’un gisement. Le couplage entre l’effet de la saturation et du chargement mécanique rend néanmoins très difficile de prédire ce risque et son incidence sur la production en ne se basant que sur des données de caractérisation « classiques » (type porosimétrie mercure). C’est avec l’objectif de mieux comprendre les mécanismes de ce phénomène pour l’anticiper que les thèses de X.-J. Fu (Fu, 2013) et Y. Wang (Wang, 2016) ont été conduites. Je vais maintenant en présenter les principaux résultats.

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