• Aucun résultat trouvé

A travers les éléments théoriques présentés dans les chapitres précédents, nous avons mis en évidence l’attrait suscité par les modélisations duales dans plusieurs domaines de la psychologie. Nous avons également souligné l’intérêt du MRI (Strack & Deutsch, 2004), parmi les différents modèles duaux, dans le cadre de la prédiction des comportements de santé (e.g., Hofmann , Friese, Wiers, 2008) et de la problématique de l’akrasie. Nous avons enfin mis en évidence les zones d’ombre qui existent actuellement dans la littérature tout comme la pauvreté des recherches réalisées dans le domaine de l’AP qui utilisent le MRI comme cadre d’analyse. Cette revue de la littérature a suscité plusieurs questions à l’origine de ce travail doctoral.

La question centrale de cette thèse est de savoir si l’utilisation des modèles duaux, et

du MRI (Strack & Deutsch, 2004) en particulier, enrichit la compréhension des mécanismes

motivationnels impliqués dans la régulation du comportement d’AP. Plus précisément, est-ce que la prise en compte de la tendance impulsive d’approche (vs. d’évitement) de l’AP augmente le pourcentage de variance expliquée dans les comportements d’AP, une fois contrôlé les précurseurs réfléchis habituels présumés par les théories « classiques » des comportements de santé, comme les intentions de pratique ? Tester l’impact des processus impulsifs sur l’AP présente également un enjeu théorique. En effet, la plupart des travaux antérieurs ont porté sur des comportements addictifs que l’individu cherchait à limiter (e.g., consommation d’alcool, cigarette). L’AP est un comportement qui présente de nombreuses singularités par rapport aux comportements habituellement étudiés dans la littérature. Il s’agit d’un comportement de prévention qu’il faut « installer » (et non un comportement à supprimer), dont les effets bénéfiques sur la santé ne se feront sentir que plusieurs années après (i.e., qui ne présente pas un caractère « impératif »), qui doit être répété plusieurs fois par semaine tout au long de la vie (et non mis en œuvre une ou quelques fois, comme la

vaccination ou les tests de dépistage), qui nécessite un temps d’engagement et des efforts relativement significatifs (30 minutes par jour, la plupart des jours de la semaine), et qui produit des réactions affectives variables (i.e., pas toujours agréable en fonction de la nature, de la durée et de l’intensité de l’AP). L’étendue avec laquelle les processus impulsifs sont reliés à de tels comportements n’est à ce jour que peu ou pas connu.

Un second questionnement concerne les comportements de sédentarité. Compte tenu de la place grandissante qu’occupent aujourd’hui les CS et l’attrait quasi compulsif que présentent pour un grand nombre de personnes les activités devant écran (e.g., télévision, jeux vidéo, tablettes, téléphones, ordinateurs), on peut se demander si les processus impulsifs d’approche (vs. d’évitement) des CS ne sont pas susceptibles d’être négativement reliés à l’AP ?

Un troisième questionnement concerne les patterns de relation qui existent entre les

processus impulsifs et réfléchis. Ces deux processus ont-ils des effets additifs ou interactifs

sur le comportement d’AP ? Si l’activation simultanée des mêmes schémas comportementaux par les deux systèmes est susceptible d’augmenter la probabilité d’occurrence d’un comportement qu’en est-il lorsque les deux systèmes activent des schémas différents ? Cette interrogation prend tout son sens dans le cadre des campagnes de communication pour changer les comportements de santé. Ces dernières sont censées modifier les déterminants réfléchis du changement de comportement (e.g., intentions de pratique, attentes de résultats, sentiment d’efficacité personnelle, croyances normatives). Mais que se passe t-il quand les changements effectués au niveau de telles variables entre en conflit avec les processus impulsifs prédisposant aux CS ? Ces derniers ne peuvent-ils pas court-circuiter les velléités de changement exprimées par les individus (comme en atteste le peu d’efficacité des campagnes médiatiques) ?

Un quatrième questionnement concerne les variables dispositionnelles,

des systèmes impulsif et réfléchi dans la prédiction du comportement d’AP. Plus précisément, nous pouvons nous demander si les différences interindividuelles dans le trait de contrôle de soi (ou d’impulsivité) ne peuvent pas influencer la manière avec laquelle les individus gèrent les conflits qui émergent de l’incompatibilité entre les schémas comportementaux attenants au système réfléchi (e.g., projeter d’aller faire de l’AP) et au système impulsif (e.g., une tendance à la sédentarité) ? D’autre part, les processus impulsifs n’ont ils pas plus de poids quand les comportements sont spontanés, non programmés, peu conscients, comme c’est le cas pour les NEAT ? Enfin, est-ce que les processus impulsifs interagissent avec les deux formes de

motivation pour l’AP proposées par la TAD (i.e., autonome versus contrainte) ? Plus

précisément, les motivations contraintes ne seraient elles pas davantage reliées à l’AP quand la tendance impulsive d’approche (vs. d’évitement) de l’AP est élevée ?

Enfin, un dernier questionnement concerne la possibilité de manipuler, ou changer, les processus impulsifs d’approche (vs. d’évitement) de l’AP et des CS. Est-il possible, par une technique de réentraînement des tendances impulsives d’approche (vs. d’évitement) envers l’AP et les CS de modifier ces processus afin de mieux en évaluer l’impact « causal » sur l’AP ?

Des réponses à de telles questions devraient améliorer notre compréhension des mécanismes qui régulent ce comportement bénéfique pour la santé qu’est l’AP. Ces réponses devraient avoir des répercussions à la fois au niveau théorique et appliqué. Au niveau théorique, elles permettraient à l’évidence d’enrichir les connaissances sur les modèles théoriques utilisés (MRI, TAD) en testant des hypothèses qui n’ont pas encore été mises à l’épreuve des faits. Au niveau appliqué, les réponses à ces interrogations sont susceptibles d’intéresser plusieurs acteurs du monde de la santé, comme les organismes finançant les campagnes d’information destinées à promouvoir l’AP, tout comme les intervenants et praticiens, voulant mieux comprendre les processus qui régulent le comportement d’AP afin d’être plus efficaces.

Pour résumer, ce travail doctoral a poursuivi cinq objectifs principaux :

a. Tester l’intérêt de prendre en compte les processus impulsifs présumés par le MRI

dans la prédiction du comportement d’AP.

b. Examiner l’impact des tendances impulsives d’approche (vs. évitement) des

comportements sédentaires (CS) sur les comportements d’AP

c. Identifier les patterns de relations – additifs ou interactifs – qui existent entre les

processus impulsifs et réfléchis qui régissent l’AP et les CS, afin entre autre, de mieux saisir les mécanismes par l’intermédiaire desquels un message de santé promouvant l’AP se transforme ou non en comportement véritable.

d. Repérer des variables dispositionnelles, motivationnelles et propres aux

caractéristiques du comportement pouvant moduler le poids des processus réfléchis et impulsifs sur les comportements d’AP.

e. Tester plus directement la causalité de la relation entre les processus impulsifs et

l’AP en manipulant expérimentalement les tendances impulsives d’approche (vs. d’évitement) de l’AP et des CS.

Pour traiter ces objectifs cinq études ont été réalisées dans le cadre de ce travail doctoral à partir de 4 bases de données différentes : une étude randomisée contrôlée en situation écologique, une étude prospective en laboratoire, une étude longitudinale en situation écologique et une étude expérimentale. Ces études ont été élaborées afin d’apporter des éléments de réponse aux questions de recherche que nous avons posées et palier aux limites principales identifiées dans la littérature. Nous avons en particulier veillé, (1) à examiner les

relations prospectives et non rétrospectives ou transversales, entre les processus impulsifs et

les comportements d’AP, (2) à tester les différents patterns de relation entre les processus réfléchis et impulsifs et les comportements d’AP (e.g., patterns additif, interactif, de modulation, de modulation modulée), (3) à mesurer l’AP de manière objective afin de limiter les biais de remémoration et de désirabilité sociale liées aux mesures auto-rapportées et

d’appréhender la diversité des comportements d’AP, y compris ceux de la vie quotidienne, et (4) à manipuler expérimentalement les motivations impulsives afin de renforcer les inférences de causalité entre ces variables et leurs conséquences comportementales. La diversité des devis de recherches (corrélationnels prospectifs, longitudinaux, expérimentaux) et des analyses statistiques mobilisés (régressions linéaires multiples avec interaction, bootstrap, HLM, ANOVAs) constituent aussi des forces de ce travail doctoral.

Les parties 3 et 4 de cette thèse ont été écrites sous la forme d’articles scientifiques sur le point d’être soumis, en cours d’expertise ou acceptés. Chaque partie peut donc se lire de manière indépendante, ce qui peut expliquer la présence de certains recouvrements d’une partie à l’autre.

PARTIE 3. PROCESSUS RÉFLÉCHIS ET IMPULSIFS EXPLIQUANT

Documents relatifs