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PROBLÉMATIQUE ET ENJEUX DES MÉTHODES D’ÉVALUATION UTILISÉES

Le constat quant à la pratique actuelle est qu’il n’existe pas de cadre de référence clair pour assurer la prise en charge des impacts sur le paysage. La définition même de ce qu’est le paysage, aux fins des études d’impact, n’est pas établie d’une façon structurée et encore moins englobante par le MDDEFP. Ceci laisse place à des évaluations paysagères de qualité variable d’une étude d’impact à l’autre, ce qui entraîne la mise en place de projets évalués sur des bases différentes et sur le façonnement du paysage québécois de manière aléatoire.

L’abord fait du paysage par les méthodes actuellement utilisées est partiel. Il appréhende le paysage seulement du point de vue de l’observateur et en délaisse plusieurs aspects. (Wood, 2000). Comme le démontre l’analyse de la littérature en la matière, réduire le paysage au spectacle qui s’offre à nos yeux éclipse plusieurs facettes du concept et des fonctions qu’il procure (Faye et autres, 1974).

En effet, il est important de reconnaître le rôle des structures physiques du paysage dans la création et l’évolution de ce qui est offert au regard et aussi dans la création et l’évolution de l’écrin des cadres de vie des sociétés. Il est temps de se dégager de cette approche anthropocentriste du paysage pour retrouver l’humilité nécessaire à la reconnaissance de notre dépendance aux structures physiques (naturelles et anthropiques) du paysage. Cela permettra de modifier nos façons de faire dans un but de gestion intégrée et pérenne de ce qui nous entoure.

Bien que cet essai s’intéresse au paysage dans le cadre des études d’impact, une définition du paysage partagée par tous les ministères et organismes (MDDEFP, MAMROT, MRN, etc.) permettrait un travail structuré et intégré de gestion et de développement du territoire. D’autant plus que l’évaluation environnementale se veut préventive et vecteur de développement durable (Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), 2002c).

À titre d’exemple, le MTQ avec sa méthode d’évaluation en place n’a cependant pas de politique en matière d’intégration paysagère et celle-ci se fait au cas par cas. La plus grande faiblesse à l’intégration paysagère est le fait que l’enjeu du paysage est considéré tardivement dans les projets routiers et qu’il y a une : « […] absence d’une démarche paysagère plus globale dans laquelle les projets routiers pourraient s’insérer, et sur laquelle ils pourraient s’appuyer » (Domon et autres, 2007, p. 169). La nécessité de considérer la question paysagère en amont de l’élaboration des projets routiers permettrait une véritable gestion du paysage et son intégration au développement des projets (Domon et autres, 2007).

L’analyse de plusieurs études d’impact à la section 3.7 traduit ce même problème, où le souci d’intégration paysagère est très variable et mal encadré. En effet, les promoteurs de projets se retrouvent face à des concepts du paysage qui diffèrent souvent d’une directive sectorielle à l’autre et qui sont la plupart du temps sujet à interprétation. Cette situation est à la source de la qualité variable des études paysagères énoncée au début de cette section. Dans le même sens, les ministères et les organismes gouvernementaux agissent, actuellement, en silos afin de résoudre les problématiques que leurs activités engendrent sur le paysage. Cette agitation tous azimuts mène à un développement incohérent et non respectueux de la complexité du sujet traité, le paysage.

La problématique qui découle d’une prise en compte partielle et limitée du paysage dans les évaluations environnementales mène à des analyses environnementales biaisées. Les multiples facettes du paysage et leur rôle dans le système complexe et dynamique qu’il constitue sont occultés.

Les enjeux qui en résultent sont :

1. Le manque d’assise relatif au concept de paysage sur lequel établir une gestion et un développement structuré et intégré : C’est-à-dire un développement qui s’enrichit de ce qui a déjà été fait, de façon à créer des cadres de vie contribuant à la qualité de vie des gens et à un vrai développement durable de la société.

2. Le maintien et l’amélioration des structures qui fournissent les services écologiques : l’importance du rôle de la structure paysagère dans le fonctionnement du paysage détermine, en grande partie, les dynamiques naturelles et anthropiques qui y prennent place et leurs effets sur les fonctions des écosystèmes qui fournissent les services écologiques. Par exemple, l’utilisation des terres en zone inondable détruit ou altère sérieusement le rôle d’absorption des crues par ces terres et cause des problématiques d’inondation saisonnière que l’on résoudra par la construction d’infrastructures de protection.

3. Le maintien et l’amélioration de la qualité de vie pour tous : Cette amélioration passe par la reconnaissance et la prise en compte du fonctionnement du paysage et de ses fonctions qui sous-tendent notre qualité de vie.

4. La relation entre la société et le territoire : La banalisation ou encore la non- reconnaissance du paysage illustre le bris du lien entre l’Homme et son environnement. La pensée qui repose sur la suprématie de l’Homme sur la nature et sur la toute-puissance de la technologie pour résoudre les problèmes conduit à une utilisation du territoire comme lieu d’exploitation et non comme un espace susceptible de rendre des services. La

perception du territoire comme bassin de ressources naturelles empêche la prise de conscience du paysage et de son rôle. La prise en compte de ce rôle permettrait de comprendre tous les services (autres que d’approvisionnement) rendus par le paysage et les économies engendrées pour la société du fait de ne pas avoir à les reproduire.

5. L’adaptation aux changements dans les paysages : Les interventions anthropiques sur le paysage doivent être précédées par une compréhension de celui-ci afin de bien appréhender les impacts des projets sur la structure paysagère. Cette compréhension permettra aussi d’adapter les projets à la réalité paysagère afin d’en minimiser les impacts. Un suivi postprojet des impacts sur la structure paysagère permettrait d’anticiper l’état futur du paysage et de s’y adapter.