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Problématique environnementale du drainage minier acide et restauration minière en

CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.2 Problématique environnementale du drainage minier acide et restauration minière en

Les résidus et stériles miniers générés par les opérations minières doivent être entreposée en surface dans des parcs à résidus miniers et des haldes à stériles. Tout dépendamment de la composition minéralogique, il est possible que les résidus et/ou les stériles miniers contiennent suffisamment de sulfures pour qu’ils puissent générer du drainage minier acide (DMA). Le DMA est produit lorsque

les sulfures sont exposés à l’air et à l’eau et que les minéraux neutralisants contenus dans la roche ne peuvent pas contrebalancer la génération d’acidité (e.g. Sherlock et al. 1995; Blowes et al. 2014; Lindsay et al. 2015; Nordstrom et al. 2015). Ces eaux de drainage sont caractérisées par un pH faible, des concentrations élevées en métaux (Fe, Cd, Cu, Ni, Pb, Zn, etc.), en sulfates et en solides dissous (e.g. Lindsay et al. 2015; Nordstrom et al. 2015).

Figure 1.2 : Modèle thermophysique du pergélisol (tiré de Dobinski 2011)

Il est d’ailleurs bien reconnu que le DMA est le principal défi environnemental relié à l’exploitation des ressources minérales (e.g. Bussière and Aubertin 1999; Bussière and Haley 2010). Pour cette raison, plusieurs méthodes de prévention et de contrôle de la production de DMA par les parcs à résidus miniers sont disponibles. Ces techniques visent principalement à contrôler les conditions nécessaires à la génération de DMA ou à limiter le transport des produits de réaction dans le milieu récepteur (e.g. Aubertin et al. 2002a, 2015; MEND 2004b, 2012). Depuis la fin des années 80, les recouvrements en eau et les recouvrements d’ingénierie en sol ont beaucoup été étudiés pour des applications en climat tempéré, notamment dans le cadre d’études portées par le Programme

canadien de Neutralisation des Eaux de Drainage dans l’Environnement Minier (e.g. MEND 1989, 1993a, 1994, 1996b, 1997, 2001b, 2002; Aubertin et al. 1995). Pour ces conditions climatiques, les recouvrements développés visent principalement à inhiber la production de DMA en limitant la disponibilité de l’oxygène et/ou l’infiltration d’eau. L’entreposage des résidus miniers sous un recouvrement en eau s’est avéré efficace pour limiter la disponibilité de l’oxygène, mais, due à ses difficultés techniques (brassage de l’eau, stabilité géotechnique, etc.) et à certaines limitations législatives (prohibition de déposer dans les lacs et cours d’eau), cette technique tend à être de moins en moins utilisée. Les systèmes de recouvrement faits de matériaux granulaires sont parmi les tendances actuelles puisqu’une fois en place, ils nécessitent beaucoup moins de surveillance et de suivi géotechnique à long terme. Les recouvrements d’ingénierie en matériaux granulaires sont des systèmes qui varient en complexité d’un recouvrement monocouche (simple) à des systèmes multicouches (plus complexes) composés de différents matériaux (matériaux naturels, matériaux concassés, résidus non réactifs, matériaux qui consomment l’oxygène, géosynthétiques ou géocomposites) aux propriétés hydrogéologiques distinctes (e.g. Aubertin et al. 1995, 2002a, 2015; MEND 2004b). Un recouvrement en sol a pour objectifs de contrôler l’érosion et la propagation des poussières, d’empêcher la production de DMA, de limiter le transport de contaminants et de fournir un milieu favorable à la végétation. Ils peuvent aussi remplir d’autres fonctions telles que contrôler le ruissellement et le drainage, stabiliser les surfaces, rétablir l’esthétique du site et faciliter l’utilisation du terrain (Aubertin and Chapuis 1991; Aubertin et al. 2002a)

Les réactions d’oxydation chimique, bactériologique et électrochimique conduisant à l’acidification des eaux de drainage et les réactions de neutralisation ne seront pas abordées en détails puisqu’elles sont bien connues (le lecteur intéressé peut se référer aux ouvrages de Kwong 1993; Evangelou and Zhang 1995; Sherlock et al. 1995; Keith et al. 2000; Nordstrom 2000; Rimstidt and Vaughan 2003; Abraitis et al. 2004; Lindsay et al. 2015 ou Nordstrom et al. 2015). Toutefois, la génération de DMA par les rejets miniers contenus dans les structures d’entreposage situées en conditions froides comporte certaines particularités : l’oxydation des sulfures est généralement diminuée par les basses températures et la présence de pergélisol. Les basses températures réduisent les cinétiques des réactions d’oxydation géochimiques et biochimiques des sulfures tandis que la présence de pergélisol favorise le gel, qui réduit le transport des contaminants (MEND 1996a; Elberling et al. 2000; Elberling 2005). Même si la présence de conditions froides

contribue à limiter la génération de DMA, des évidences d’oxydation des sulfures contenus dans des rejets miniers sont observées pour plusieurs sites miniers situés dans l’Arctique (e.g. MEND 1996a; Elberling 1998; Elberling et al. 2000; Godwaldt 2001; Meldrum et al. 2001; Coulombe 2012). Dans ces conditions climatiques, le DMA est principalement généré dans la couche active du pergélisol créé dans les rejets miniers lors de la saison estivale, lorsque les températures sont les plus élevées (MEND 1996a; Elberling 2001). Le dégel saisonnier de la couche active permet la fonte de la glace, l’oxydation des sulfures, la libération des métaux et leur transport dans l’environnement (Elberling 2001). Dans certains cas, une portion importante de la production annuelle totale de DMA pourrait être produite durant l’hiver (et pour des températures <0oC) et

atteindre des proportions représentant près de 40% (Elberling 2001).

Par conséquent, des méthodes de restauration doivent aussi être appliquées dans les régions froides pour remettre les sites miniers dans un état satisfaisant. La restauration des sites miniers situés en conditions froides a commencé à susciter l’intérêt de la communauté scientifique vers le milieu des années 90 (MEND 1993b, 1996a) et les efforts se sont intensifiés du début des années 2000 (Godwaldt 2001; Kyhn and Elberling 2001; Meldrum et al. 2001; MEND 2004a) jusqu’à aujourd’hui (e.g. MEND 2009, 2010a; 2012; Coulombe 2012; Coulombe et al. 2012, 2013; Chi et al. 2013; Neuner et al. 2013; Pham et al. 2013; Smith et al. 2013a, b, c; Boulanger-Martel 2015; Boulanger-Martel et al. 2016). Pour les régions nordiques, plusieurs types de recouvrements miniers ont été utilisés dans les plans de fermeture de sites miniers. Ces approches de restauration comprennent notamment des barrières à l’oxygène (recouvrement en eau, recouvrement à nappe phréatique surélevée), à l’infiltration d’eau (recouvrement de faible conductivité hydraulique et recouvrement évapo-transpirant) et thermiques (recouvrement isolant) (e.g. MEND 2004a, 2009, 2010a). Un sommaire des approches de restauration actuellement utilisées en conditions nordiques est présenté au Tableau 1.1. Le Tableau 1.1 indique que la plupart des approches de restauration actuellement utilisées en conditions nordiques n’ont pas toutes été nécessairement conçues avec une perspective d’application en région froide et que les effets des conditions climatiques spécifiques à ces régions sur les performances des systèmes de recouvrement n’ont pas forcément été évaluées.

À ce jour, l’approche de restauration des parcs à résidus miniers situés en région de pergélisol continu la plus documentée est le recouvrement isolant (e.g. MEND 1996a, 2004a; Kyhn and

Elberling 2001; Meldrum et al. 2001; Coulombe 2012; Coulombe et al. 2012). Cette technique (barrière thermique) vise à encapsuler les résidus réactifs sous une couche de matériaux granulaires qui permet à la fois de contrôler la température des résidus miniers pour limiter leur réactivité et de favoriser le gel pour limiter le transport des contaminants. Toutefois, certaines incertitudes reliées à l’évolution des performances thermiques de cette méthode à long terme (e.g. MEND 2009, 2011; Gouvernement of Nunavut 2012) poussent le développement de nouvelles approches de restauration qui vise à contrôler plus d’un mécanisme responsable de la génération du DMA (e.g. Elberling 2005; Boulanger-Martel et al. 2016; Lessard et al. 2018). Puisque de plus en plus de compagnies minières exploitent les ressources naturelles du nord, il devient nécessaire d’ajuster la conception des modes de restauration afin d’améliorer leur robustesse à long terme et de prévenir la contamination des écosystèmes fragiles du nord.

Tableau 1.1 : Approches de restauration des parcs à résidus miniers actuellement utilisées en conditions nordiques.

Type de

recouvrement Mécanisme de contrôle Climat type Exemples d’applications nordiques au Canada

En eau Flux d’O2 Tempéré Polaris (NU), Cullaton Lake (NU) (MEND 2012)

Nappe phréatique

surélevée Flux d’O2 Tempéré Lupin (T.N.-O.) (MEND 2004a)

Faible conductivité hydraulique

Infiltration

d’eau Tous

Discovery (T.N.-O.), Port Radium (T.N.-O.), Venus (YN)

(MEND 2009) Évapo-transpirant Infiltration d’eau semiaride Aride / Giant (T.N.-O.) (MEND 2009)

Isolant Température Nordique Rankin Inlet (NU), Nanisivik (NU) (Kyhn and Elberling 2001; Meldrum et al. 2001)

Depuis, quelques méthodes de restauration additionnelles adaptées aux conditions froides de l’arctique ont été développées pour utiliser à profit les attributs des régions nordiques tels que (e.g. MEND 2012):

- des basses températures sont observées sur une période prolongée, ce qui favorise la pénétration du gel et un régime de pergélisol;

- les précipitations sont faibles et souvent sous forme de neige;

- une bonne partie de l’eau de précipitation est relâchée à la fonte de la neige sur une courte période;

- une haute évapotranspiration est observée durant l’été;

- le coefficient de ruissellement est élevé au printemps dû à la présence de pergélisol. Ces approches comprennent le recouvrement avec bris capillaire de diversion saisonnière (Barbour et al. 2011), la couverture isolante avec effets de barrière capillaire (CIEBC; Boulanger-Martel, 2015; Boulanger-Martel et al., 2015, 2016) et les recouvrements hybrides pour lesquelles la température et l’infiltration d’eau sont à la fois contrôlées (MEND 2012). Ces approches n’ont toutefois pas encore été testées à grande échelle, mais sont considérées comme ayant un bon potentiel d’application.

À la lumière de ces informations, il est clair que le recouvrement isolant est la seule approche de restauration appliquée à grande échelle qui a été développée spécifiquement pour des conditions nordiques. La revue des approches potentielles indique que la CIEBC pourrait s’avérer prometteuse puisqu’elle permettrait de contrôler à la fois la température des résidus miniers et les flux d’oxygène traversant le recouvrement. Le concept de CIEBC représente l’application d’un système de couverture avec effets de barrière capillaire (CEBC) en milieu nordique (Boulanger-Martel 2015; Boulanger-Martel et al. 2016). En climat tempéré, les CEBC se sont avérés efficaces à limiter les flux d’oxygène et contrôler la génération de DMA provenant de résidus miniers réactifs (e.g. Aubertin et al. 1999, 2002b; Dagenais et al. 2002, 2005; Bussière et al. 2003b, 2004, 2006, 2007; Dagenais et al. 2005).

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