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Problèmes ponctuels : compréhension, terminologie, reformulation, etc.

Je voudrais maintenant revenir sur quelques difficultés ponctuelles, des mots simples qu’il a été difficile de comprendre ou de traduire. Le texte n’est globalement pas compliqué à comprendre pour qui s’intéresse un minimum aux questions abordées, mais certains points apparemment anodins ont pu me déstabiliser.

« Внешние облигации » (paragraphe 10) В сфере финансового регулирования акценты сместились с массированного предоставления ликвидности ведущим («системообразующим») банкам в сторону управления долговыми рисками компаний и банков, имеющих значительные внешние обязательства (с учетом невозможности рефинансирования этих обязательств в условиях введенных против России финансовых санкций).

Le volet régulation du secteur financier insiste désormais moins sur la mise à disposition massive de liquidités en faveur des grandes banques (dites « systémiques »), que sur la gestion des risques de créances pour les entreprises et les banques dont les importantes dettes en devises ne peuvent être refinancées à cause des sanctions financières prises à l’encontre de la Russie.

J’avais déjà traduit plus haut « внешние обязательства » par « dette extérieure », c’est-à-dire la dette contractée à l’étranger, donc en devises (d’où ma traduction). Cependant, le contexte, la phraséologie et la contamination du français m’ont conduit à me demander si ce ne seraient pas les banques qui détiendraient de la dette : 1) il est question de risques de créances pour des banques dont l’accès aux marchés étrangers est coupé (et qui ne pourraient donc pas récupérer leur argent) ; 2) l’expression « внешние обязательства » ne peut-elle pas

désigner les obligations étrangères, c’est-à-dire des obligations « libellées dans la devise du pays dans lequel un émetteur étranger ou non résident émet réellement l'obligation »56

(pourquoi les entreprises russes émettraient-elles en Russie des obligations en devises, je ne sais pas, mais le doute était installé et contaminait toute logique) ? ; 3) pourquoi les banques ont-elles / possèdent-elles / détiennent-elles (« имеющих ») des obligations ? Je pensais bien que mes objections à ma traduction initiale n’étaient pas cohérentes, mais je n’arrivais pas à les lever. J’ai donc contacté un spécialiste russe de la finance qui m’a confirmé que j’avais bien compris : « ты все сначала правильно понял - речь идет о компаниях (финансовых и нефинансовых), у которых есть внешний долг (в основном имеется ввиду долг, номинированный в иностранной валюте) ». Il me gratifia d’une rapide mise au point phraséologique : « иметь обязательства перед = иметь долг перед = быть должным кому- то. все одно и то же » (sic)57. « Общегосударственный » (paragraphe 5) В то же время существенно увеличивается доля ассигнований на общегосударственные вопросы, оборону и безопасность, [...]

Dans le même temps, l’augmentation sensible de la part assignée aux fonctions régaliennes, comme la défense et la sécurité, [...]

Le sens du mot « oбщегосударственный » est relativement transparent, il désigne ce qui concerne l’État dans son ensemble, ce qui est valable pour tout le territoire. Il peut souvent être rendu par « national », comme dans l’expression « oбщегосударственные интересы » / « intérêts nationaux », mais cette traduction ne conviendrait pas à notre phrase. En effet, il est question, dans ce paragraphe, du budget fédéral, autrement dit, national ; parler de l’augmentation de la part assignée aux questions nationales dans le budget national serait très étrange. Comme une périphrase explicative aurait alourdi la phrase, il me fallait trouver un adjectif plus précis. Or de quelles « questions nationales » s’agit-il ? De la défense et de la

sécurité, qui sont les pouvoirs régaliens par excellence58. L’adjectif « régalien », défini comme

« ce qui appartient en propre au roi, au souverain »59, transmet bien l’idée de ces « questions »

qui concernent l’État dans son ensemble60.

Le choix de « fonctions » pour « вопросы » tient moins à l’attraction sémantique entre « fonctions » et « régaliennes » qu’à la nécessité de placer un mot fort et porteur de sens à côté de ce « régalien ». Car il est ici question d’un gouvernement qui fait des coupes budgétaires d’un côté et, de l’autre, augmente les crédits de la défense et de la sécurité. « Questions régaliennes », dans le contexte, aurait été plat, le mot « questions » affaiblissant le sens de « régalien ».

Je me suis finalement demandé si ma traduction n’était pas un peu forcée et si elle ne trahissait pas le texte. Le russe dit « вопросы », ce qui est moins affirmatif que « fonctions ». Au cours du texte, l’auteur fait plusieurs remarques mettant en doute l’efficacité de la politique gouvernementale : ne faudrait-il pas être plus prudent et traduire plus près du texte, au risque de perdre en fluidité ? C’est possible. Toutefois, dans ma traduction, l’idée de « question » est mise en scène par l’opposition entre les crédits supplémentaires accordés à deux fonctions régaliennes et l’énumération, dans la suite de la phrase, des problèmes de défense et de sécurité auxquels la Russie est confrontée sur la scène internationale. En d’autres termes, les crédits augmentent, les « fonctions régaliennes » sont assumées, mais les questions demeurent.

« Торгово-инвестиционные отношения » (paragraphe 3)

Ce terme est sans doute un calque de l’anglais « trade and investment relationship ». J’ai cherché sur Internet s’il existait des correspondants en français, j’ai trouvé « relation de commerce et d’investissement » et « relation commerciale et d’investissement » dans des sources peu fiables : il s’agissait généralement de traductions ou de sites canadiens 58 Voir Lefebvre, M., op. cit., pp. 7-8.

59 Trésor de la langue française informatisé, sous régalien, [en ligne], disponible sur <http://cnrtl.fr/definition/régalien> (consulté le 11.05.17).

60 J’insiste sur le fait que mon choix de traduire « oбщегосударственный » par « régalien » reste une solution

ad hoc apportée à un problème précis. Dans d’autres contextes, il pourrait ne pas convenir. Je ne prétends

probablement traduits61, eux aussi, de l’anglais. J’ai donc décidé de traduire moi-même en

développant l’expression originale, plus concise : « relations commerciales et partenariats d’investissement ». Le sens est conservé, la formulation n’est pas excessivement lourde. Toutefois, j’ai découvert plus tard, après que la traduction avait été validée par le spécialiste, qu’il existait un terme en français, lui aussi calque de l’anglais. Je ne l’avais pas rencontré lors de mes premières recherches qui s’étaient limitées à « trade and investment relationship », alors qu’en passant par « trade and investment partnership » j’aurais trouvé « partenariat de commerce et d’investissement », très répandu. Cette traduction est meilleure que la mienne.

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