• Aucun résultat trouvé

Dans la section6.4, j’ai parlé des modifications apportées au spectromètre EMIR : le mélangeur à 3 mm ainsi que l’optique ont été modifiés. Le système à double cornet a été remplacé par un système à simple cornet. La séparation entre la polarisation horizontale (H) et verticale (V) est maintenant faite non par la grille G3 dans la cabine Nasmyth (voir le chapitre4section4.4.3figure4.14), mais par un transducteur orthomode. L’utilisation d’un cornet simple permet de s’affranchir du désalignement des lobes de la polarisation H et V, principale contribution de la polarisation instrumentale.

D’après les tests techniques réalisés par l’IRAM, la contamination instrumentale de la polarisation linéaire est réduite et l’effet du beam squint est supprimé (communication privée de l’IRAM). Cependant les observations d’IRC+10216 de mars 2016 montrent que la polarisation instrumentale V a fortement augmenté. Ce changement de design a pro-duit une fuite importante du signal du paramètre de Stokes I dans le Stokes V, comme le montre l’effet miroir du signal I dans le signal V présent dans les figures6.3,6.4et6.5. Ce problème a eu pour effet de rajouter une étape dans le traitement des données pour déduire le vrai signal V sans contamination I (la méthode est décrite à la section6.6.1), et aussi d’augmenter le temps d’intégration (passant d’une heure à onze heures par po-sitions) pour avoir un rapport signal à bruit correct dans le vrai signal V, d’où les deux sessions d’observations en 2016.

6.6.1 Caractérisation de la fuite du signal I dans V

Les modifications apportées à la bande 3 mm d’EMIR permettent de supprimer l’effet du beam squint. Ce qui a pour effet de rendre le paramètre C2de la formule6.7égal à zéro, mais malheureusement aussi d’avoir un signal V dominé par la fuite de I, ce qui se répercute sur le coefficient C1. Pour pouvoir estimer la fuite du signal I dans V par le coefficient C1, je suppose que le champ magnétique est négligeable face à cette fuite, c’est-à-dire que je prends C3= 0. Par conséquent, la formule6.7devient alors :

V = Vc ali(ν) = C1Ii(ν) (6.10)

où C1donne le pourcentage de la fuite du signal I dans V pour les observations faites en mars et juin 2016 (soit pour les positions (-1800, -1000), (-1800, +1000), (+1800, -0400), et (+2000, +1600). Pour déterminer le pourcentage de cette fuite, j’ai développé un programme itéra-tif similaire à celui fait pour la méthode de Crutcher. Il permet de calculer Vc ali (ν) pour un espace de C1exploré puis de déterminer, par une méthode deχ2, le meilleur signal V calculé.

Finalement, je trouve que le coefficient C1prend des valeurs autour de 1,0 et 1,4% (voir tableau6.4). Le spectre de Vc al obtenu est représenté en bleu sur les figures6.3,6.4et6.5. Certaines des positions de l’anneau de CN ont été observées sur deux nuits, j’ai pu refaire ce travail pour chaque nuit d’observation, pour une même position, ce qui m’a permis de déduire qu’il n’y a pas de corrélation entre le pourcentage de la fuite du signal I et le degré d’élévation de la source.

CHAPITRE 6. LE CHAMP MAGNÉTIQUE DANS LES ÉTOILES ÉVOLUÉES

FIGURE6.3 – IRC+10216 : observation de mars 2016 pour la position (+2000, +1600). À gauche : CN (1, 1/2) → (0, 1/2). À droite : CN (1, 3/2) → (0, 1/2). Stokes I (en haut) et V (en bas). Le spectre obtenu est en noir, et l’estimation de la fuite du signal I est en bleu. Le résultat du vrai spectre V après avoir enlevé la fuite de I est en rouge.

CHAPITRE 6. LE CHAMP MAGNÉTIQUE DANS LES ÉTOILES ÉVOLUÉES

FIGURE6.5 – IRC+10216 : observation de mars 2016 pour la position (+1800, -0400). À gauche : CN (1, 1/2) → (0, 1/2). À droite : CN (1, 3/2) → (0, 1/2) Stokes I (en haut) et V (en bas). Le spectre obtenu est en noir, et l’estimation de la fuite du signal I est en bleu. Le résultat du vrai spectre V après avoir enlevé la fuite de I est en rouge.

TABLEAU6.4 – Estimation de la fuite de I sur V pour chaque position observée en 2016. positions observées | C1| (00,00) % -18, +10 1,2 -18, -10 1,2 +18, -04 1,4 +20, +16 1,0

Enfin, pour estimer le vrai signal V non contaminé par le signal I (noté Vt r ue), il suffit de soustraire le spectre V recalculé Vc al au spectre original Vor i, c’est-à-dire :

Vt r ue(ν) = Vor i(ν) − Vc ali(ν) = Vi− C1Ii(ν) (6.11) Ce spectre V sans fuite est représenté en rouge sur les figures6.3,6.4et6.5.

6.6.2 Calcul numérique du spectre V pour les données de 2016

Une fois le vrai signal de Stokes V estimé par la méthode précédente, je peux enfin analyser ce signal par la méthode décrite dans la section6.5.2, pour estimer la valeur du champ magnétique par le coefficient C3. Cependant il ne faut pas oublier que suite à l’upgrade de la bande à 3 mm d’EMIR, l’effet du beam squint est à présent supprimé, c’est-à-dire que C2= 0. La formule6.7devient donc :

Vi(ν) = C1Ii(ν) + C3Zi d Ii(ν)

dν (6.12)

De plus, suite au traitement des données pour sortir le vrai signal V (vu dans la sec-tion6.6.1), le coefficient C1est soit proche de zéro soit nul, pour cette nouvelle analyse. Les valeurs de C1 pour les observations de 2016 qui seront données dans la suite de ce chapitre sont celles qui ont été obtenues pour la caractérisation de la fuite de I sur V.

CHAPITRE 6. LE CHAMP MAGNÉTIQUE DANS LES ÉTOILES ÉVOLUÉES

6.6.3 Diagramme de puissance des lobes du télescope pour les

para-mètres de Stokes I et V

Comme mentionné dans la section6.6.1, le paramètre C1est lié à la fuite du paramètre de Stokes I dans Stokes V, de telle façon que le diagramme de puissance correspondant puisse être décrit par une copie agrandie du lobe de I. Généralement, les diagrammes de puissance sont mesurés en observant une source émettant suffisamment dans le conti-nuum, non polarisée et résolue. Lorsque le transducteur orthomode a été installé sur EMIR, une série d’observations d’Uranus a été réalisée en décembre 2015 pour différentes élévations. Une valeur de C1de 2,5% a été mesurée sur l’axe optique et cette valeur aug-mente de l’extérieur du lobe principal vers l’axe optique (figure6.6).

FIGURE6.6 – Diagramme de puissance du signal Stokes V mesuré sur Uranus. À gauche : coor-donnée de Nasmyth. L’échelle de couleur en % indique la température de l’antenne (en mK). Au

centre : Idem pour C1avec une échelle de couleur en %. Le contour blanc indique le contour de

la moitié du maximum du lobe Stokes I mesuré, à 91,5 GHz. Le contour noir est le contour à mi-hauteur du lobe principal à la fréquence du CN 1-0. La carte est limitée par un seuil de S/N ∼ 5. À

droite : La carte moyenne de C1en coordonnées astronomiques.

L’indexation du diagramme de puissance des lobes du télescope suit la nomenclature des matrices de Müller, par exemple IV décrit la conversion du signal Stokes I en Stokes V dans la cabine de Nasmyth du télescope, et BIVest le diagramme de puissance corres-pondant. Le signal V observé devient alors :

Vobs = Vint∗ BVV+ Iint∗ BIV

Iobs = Iint∗ BII (6.13)

pa-CHAPITRE 6. LE CHAMP MAGNÉTIQUE DANS LES ÉTOILES ÉVOLUÉES

où le terme C2est négligé (comme vu dans la section6.6.2). La seule quantité qui varie avec le temps est BIV. Cela est dû au fait que BIV n’est pas entièrement symétrique axia-lement, mais montre un lobe secondaire asymétrique dans les coordonnées de référence Nasmyth. Le diagramme de puissance équivalent à BIV est étalé par la rotation parallac-tique. Ceci est montré dans la figure6.6. L’équation6.14montre que l’application de la méthode de Crutcher sur des spectres moyennés temporellement équivaut à appliquer la matrice BIVmoyennée et pondérée aux sous-ensemble des données triées par élévations et angles parallactiques. Les spectres V de ces sous-ensembles devraient alors être cor-rigés individuellement. Cependant, la méthode du diagramme de puissance présentera une grande incertitude, car la sensibilité inférieure des sous-ensembles des spectres peut introduire des artefacts dans la détermination des coefficients Ci. Je peux donc appliquer la méthode de Crutcher pour les Stokes I et Vt r ue obtenus pour les observations de 2016, et faire une carte de l’intensité du champ magnétique dans l’anneau CN pour IRC+10216 sans me soucier de l’émission reçue par les lobes secondaires de l’antenne.

La valeur de C1dépend alors de l’émission capturée à partir, par exemple, de l’enve-loppe d’émission de CN 1-0 d’IRC+10216, qui est décrite par le diagramme de puissance de BIV. Cela explique pourquoi le coefficient C1varie d’une position à une autre (voir ta-bleau6.4). La valeur moyenne de C1 délimitée pour 5 rayons dans le signal I est de 0,3%. La moyenne pour le contour à la moitié du diagramme de puissance avec la même valeur seuil (5 rayons) est de 0,5%, variant entre 0,4 et 1,4% dans les quatre quadrants de cette région. Ces valeurs sont raisonnablement proches des valeurs absolues données dans le tableau6.4. Dans la pratique, les valeurs exactes dépendent de la position dominante de Stokes I donné par le diagramme de puissance BIV. Une analyse plus quantitative ne se-rait possible qu’avec une carte de haute résolution (∼ 100) de l’émission CN 1-0 pour le paramètre de Stokes I.