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Problème de Dirichlet et champ libre gaussien

Dans le document Recueil de Modèles Aléatoires (Page 42-46)

Soit (Xn)n>0la marche aléatoire simple sur Zd, et P son noyau de tran- sition. Pour toute fonction bornée f : Zd

→ R et tout x ∈ Zd on a, E(f(Xn+1) | Xn= x) − f(x) = (Pf)(x) − f(x) = (∆f)(x),

où ∆ := P − I. L’opérateur ∆ est le générateur de la marche aléatoire simple symétrique sur Zd. Il s’agit d’un opérateur laplacien discret, qui calcule l’écart à la moyenne sur les voisins :

(∆f)(x) =   1 2d X y:|y−x|1=1 f (y) − f(x) = 2d1 X y:|y−x|1=1 (f(y) − f(x)). On dit que f est harmonique sur A ⊂ Zdlorsque ∆f = 0 sur A, ce qui signifie qu’en tout point de A la valeur de f est égale à la moyenne de ses valeurs sur les 2d voisins. L’opérateur ∆ est local en ce sens que (∆f)(x) ne dépend que des valeurs de f en x et ses plus proches voisins. Ainsi la valeur de ∆f sur A ne dépend que des valeurs de f sur ¯A := A∪ ∂A où

∂A :={y 6∈ A : ∃x ∈ A, |x − y|1= 1}

est le bord extérieur de A. Le problème de Dirichlet consiste à trouver une fonction harmonique sur A dont la valeur sur ∂A est prescrite. Il s’agit en fait d’un problème d’algèbre linéaire, pour lequel le théorème 2.8 ci-dessous fournit une expression probabiliste de la solution utilisant le temps d’atteinte

τ∂A:= inf{n > 0 : Xn∈ ∂A}.

On s’intéresse à la même question sur un ouvert de Rd pour l’opérateur la- placien classique dans le chapitre 24.

Théorème 2.8 (Problème de Dirichlet). Soit A⊂ Zd un ensemble non vide

fini. Alors pour tout x ∈ A on a Px(τ∂A < ∞) = 1. De plus, pour toute

fonction g : ∂A → R, la fonction f : ¯A→ R définie pour tout x ∈ ¯A par f (x) = Ex(g(Xτ∂A))

est l’unique solution du système

(

f = g sur ∂A, ∆f = 0 sur A.

Lorsque d = 1 on retrouve la fonction r étudiée dans la preuve du théorème 2.2 sur la ruine du joueur. D’autre part, d’après la remarque 2.4, l’image d’une chaîne de Markov par une fonction harmonique pour son générateur est une

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martingale, ce qui explique après coup la formule probabiliste pour la solution du problème de Dirichlet grâce au théorème d’arrêt.

La quantité f(x) = Ex(g(τ∂A)) =Py∈∂Ag(y)Px(τ∂A= y) est la moyenne de g pour la loi µx sur ∂A, appelée mesure harmonique, définie par

µx(y) = Px(Xτ∂A= y), y∈ ∂A.

On peut également parler de noyau de Poisson discret par analogie avec le problème de Dirichlet sur un ouvert de Rd (voir chapitre 24).

Démonstration. La propriété Px(τ∂A < ∞) = 1 pour tout x ∈ A peut être établie en procédant comme dans la remarque 2.3, ou encore comme dans la preuve du théorème 2.2, qui fournit de plus une borne sous-géométrique pour la queue de la loi de τ.

Vérifions que la fonction f proposée est bien solution. Pour tout x ∈ ∂A on a τ∂A = 0 sur {X0 = x} et donc f = g sur ∂A. Montrons à présent que

∆f = 0 sur A. On se ramène tout d’abord par linéarité au cas où g = 1{z}

avec z ∈ ∂A. Ensuite on écrit, pour tout y ∈ ¯A, f (y) = Py(Xτ∂A = z) = ∞ X n=0 Py(Xn= z, τ∂A= n) = 1y=z+ 1y∈A ∞ X n=1 X x1,...,xn−1∈A P(y, x1)P(x1, x2)· · · P(xn−1, z).

D’autre part, comme f = 0 sur ∂A \ {z} et ∆ est local, on a, pour tout x ∈ A, (Pf )(x) = X

y∈Zd

P(x, y)f (y) = P(x, z)f (z) +X

y∈A

P(x, y)f (y).

Par conséquent, pour tout x ∈ A, (Pf )(x) = P(x, z)f (z) + ∞ X n=1 X y,x1,...,xn−1∈A P(x, y)P(y, x1)· · · P(xn−1, z) = P(x, z)f (z) + (f (x)− (1x=z+ P(x, z))) = f (x)

où la dernière égalité vient de 1x=z = 0 et f (z) = 1. Ainsi on a Pf = f sur

A, c’est-à-dire que ∆f = 0 sur A.

Pour établir l’unicité de la solution, on se ramène par linéarité à établir que

f = 0 est l’unique solution lorsque g = 0. Or, si f : ¯A→ R est harmonique sur A, l’interprétation de (∆f)(x) comme écart à la moyenne sur les plus proches voisins permet d’établir qu’à la fois le minimum et le maximum de f sur ¯A sont (au moins) nécessairement atteints sur le bord ∂A. Or, comme par

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Le théorème 2.8 se généralise de la manière suivante :

Théorème 2.9 (Problème de Dirichlet et fonction de Green). Si A ⊂ Zd

est un ensemble non vide fini alors pour toutes fonctions g : ∂A → R et h : A→ R, la fonction f : ¯A→ R définie pour tout x ∈ ¯A par

f (x) = Ex(g(Xτ∂A) +

τ∂AX−1

n=0

h(Xn))

est l’unique solution de (

f = g sur ∂A,

∆f =−h sur A.

Lorsque d = 1 et h = 1 on retrouve la fonction R de la preuve du théorème 2.2. Le théorème 2.8 correspond au cas où h = 0. Pour tout x ∈ A on a

f (x) = X y∈∂A g(y)Px(τ∂A= y) + X y∈A h(y)GA(x, y)

où GA(x, y) est le nombre moyen de passages en y en partant de x et avant de sortir de A, c’est-à-dire GA(x, y) := Ex τ∂AX−1 n=0 1X n=y ! = ∞ X n=0 Px(Xn = y, n < τ∂A).

On dit que GAest la fonction de Green de la marche aléatoire simple symé- trique sur A tuée au bord ∂A. C’est l’inverse de la restriction −∆A de −∆ aux fonctions sur ¯A nulles sur ∂A :

GA=−∆−1A .

En effet, si g = 0 et h = 1{y}alors f(x) = GA(x, y) d’où ∆AGA=−IA.

Démonstration du théorème 2.9. Grâce au théorème 2.8 il suffit par linéarité

de vérifier que f(x) = 1x∈AGA(x, z) est solution lorsque g = 0 et h = 1{z}

avec z ∈ A. Or pour tout x ∈ A, grâce à la propriété de Markov,

f (x) = 1{x=z}+ ∞ X n=1 Px(Xn= z, n < τ∂A) = 1{x=z}+ X y:|x−y|1=1 ∞ X n=1 P(Xn= z, n < τ∂A| X1= y)P(x, y) = 1{x=z}+ X u:|x−y|1=1 f (y)P(x, y).

2.3 Problème de Dirichlet et champ libre gaussien 33

Les preuves des théorèmes 2.8 et 2.9 restent valables pour des marches aléatoires asymétriques sur Zd, à condition de remplacer le générateur ∆ de la marche symétrique par le générateur L := P−I, qui est un opérateur local : |x − y| > 1 ⇒ L(x, y) = P(x, y) = 0. Le dépassement de ce cadre nécessite l’adaptation de la notion de bord : {y 6∈ A : ∃x ∈ A, L(x, y) > 0}.

Le champ libre gaussien4est un modèle d’interface aléatoire lié à la marche

aléatoire simple symétrique et au problème de Dirichlet. Soit A ⊂ Zdun sous- ensemble non-vide fini. Une interface est une fonction de hauteur f : ¯A→ R

qui associe à chaque site x ∈ ¯A une hauteur f (x), aussi appelée spin. Pour

simplifier, on impose la condition au bord f = 0 sur le bord extérieur ∂A de

A. On noteFA l’ensemble des interfaces f sur ¯A nulles sur le bord ∂A, qu’on peut identifier à RA. L’énergie H

A(f ) de l’interface f∈ FA est définie par

HA(f ) = 1 4d X {x,y}⊂ ¯A |x−y|1=1 (f (x)− f(y))2,

où on a posé f = 0 sur ∂A. L’énergie HA(f ) est d’autant plus petite que l’interface f est «plate». En notant

hu, viA:= X x∈A

u(x)v(x)

il vient, pour tout f ∈ FA,

HA(f ) = 1 4d X x∈A X y∈ ¯A |x−y|1=1 (f (x)− f(y))f(x) =12h−∆f, fiA.

Comme HA(0) = 0 et HA(f ) = 0 entraîne f = 0, la forme quadratique HA n’est pas dégénérée, et on peut définir une loi gaussienne QAsur FAfavorisant les faibles énergies :

QA(df ) = 1 ZA e−HA(f )df où Z A:= Z FA e−HA(f )df.

Cette loi gaussienne, appelée champ libre gaussien, est caractérisée par sa moyenne mA: A→ R et sa matrice de covariance CA: A× A → R, données pour tous x, y ∈ A par

mA(x) := Z fxQA(df ) = 0 et CA(x, y) := Z fxfyQA(df )− mA(x)mA(y) =−(∆−1A )(x, y) = GA(x, y), où fx désigne l’application coordonnée fx: f∈ FA7→ f(x) ∈ R.

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