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3. Pathologie psychiatrique

3.7. Prises en charges des enfants placés

Notre travail a souligné que les enfants placés avaient significativement plus de troubles mentaux que les enfants en population générale. Cependant, une fois la pathologie diagnostiquée, la question de la mise en place des soins est cruciale.

3.7.1.  Prises en charge

3.7.1.1.   Situation en France

En Haute-Savoie, en 2009 - 2010, 32 % des enfants placés bénéficiaient d’un suivi psychiatrique, alors que cela concernait seulement 2,6 % des enfants de ce département.50 À la

même période dans le Maine-et-Loire, 57 % des enfants placés bénéficiaient d’une prise en charge psychologique, avec un taux de prise en charge plus élevé chez les 6-14 ans (73 %) que chez les 15-18 ans (39 %).44

Les suivis étaient, pour la moitié d’entre eux mensuels, et pour un tiers hebdomadaires.

Famille d’accueil Institution

Nombre d’enfants 129 189

Psychologue 38 % 31 %

Psychiatre 12 % 16 %

Orthophoniste 20 % 12 %

Psychomotricien 18 % 4 %

Tableau 21 Taux de prise en charge des enfants placés en Haute-Savoie en 201250

Les chiffres varient selon les départements, en raison des différentes politiques de protection de l’enfance, de l’offre de soin disponible sur le territoire, et des partenariats établis entre les services sociaux et les services de soins.

Loire-Atlantique en 201323 Maine-et-Loire en 200944 CMP 14 % 21 % Psychiatre libéral 3 % 5 % Psychologue libéral 2 % 8 % Psychologue de l’ASE 6 % 11 % SESSAD 3 %

CMP : Centre Médico-Psychologique ; ASE : Aide Sociale à l’Enfance ; SESSAD : Service d’Éducation Spéciale et de Soins À Domicile

Tableau 22 Lieux de prise en charge des enfants placés dans deux départements français

Notons que la prise en charge en orthophonie est élevée, selon les départements elle concerne entre 10 et 18 % des enfants, avec des taux de prise en charge qui diminuent avec l’âge (33 % des 6-10 ans, 6 % des 15-18 ans).23,44

Cependant, à indication identique, un enfant placé à 3,5 fois moins de chances (p=0,038) d’avoir un suivi orthophonique qu’un enfant qui n’est pas placé.64

3.7.1.2.   Situation à l’étranger

Les taux de prise en charge sont également élevés à l’étranger. Aux États-Unis, 44 % des enfants accueillis en famille d’accueil, et 75 % de ceux en institution, ont eu au moins une

consultation avec un psychiatre dans l’année, et 16 % ont un suivi.41

Cependant, seuls 32 % de ceux qui avaient un score positif au CBCL, et donc probablement un trouble mental, voyaient un psychiatre.40

Ce chiffre paraît faible, mais 83 % des enfants qui ont un diagnostic psychiatrique, bénéficient d’une psychothérapie comportementale, en individuel, groupale ou familiale, ce qui permet de relativiser ces chiffres. Le suivi médical est faible mais la prise en charge en thérapie reste élevée.

En Angleterre, en 2003, 34 % des enfants placés avaient vu un pédopsychiatre dans l’année.90 Cependant, seuls 44 % des enfants ayant un diagnostic pour un trouble mental avaient

vu un pédopsychiatre dans l’année, ce qui pose la question de la prise en charge des autres. Il existe par ailleurs une différence de prise en charge en fonction du trouble, et de son potentiel perturbateur sur la vie en société. En effet, dans la même étude, 62 % des enfants avec hyperactivité avaient vu un psychiatre dans l’année, contre seulement 49 % de ceux qui souffraient d’un trouble internalisé. Étonnamment, seuls 45 % de ceux qui avaient un trouble du comportement avaient vu un psychiatre dans l’année, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que ces troubles ne soient pas forcément identifiés comme étant des troubles mentaux mais plutôt comme des carences éducatives. Les chiffes diffèrent également pour les hospitalisations. Aux États-Unis, dans la cohorte NSCAW II, 2 % des enfants en famille d’accueil et 45 % des enfants en institution ont été hospitalisés en psychiatrie dans l’année.41

Cette différence, partiellement expliquée par la différence d’âge des enfants et de prévalence des troubles selon les lieux de placement, pose tout de même la question de la tolérance des structures aux troubles mentaux des enfants. On peut en effet penser qu’une structure collective est moins à même de supporter les troubles d’un enfant qu’une structure familiale, car le nombre d’adultes par enfant est moindre, et le risque de perturber les autres enfants est également peut-être plus élevé.

Selon les cohortes, le suivi varie en fonction du motif de placement. Dans la cohorte de San Diego, les enfants ayant subi des maltraitances psychologiques avaient plus de chances de bénéficier d’un suivi (p = 0,0005).80

Dans la cohorte NSCAW, les enfants entre 2 et 5 ans ayant subi des violences sexuelles avaient plus de chance de bénéficier de soins que les enfants qui avaient subi des négligences, avec un OR à 3,7 (IC95% = [1,6 ; 8,6]).40

Dans cette même cohorte NSCAW, le suivi était également plus fréquent pour les adolescents dont les caregiver avaient connaissance de pathologies mentales sévères chez les parents.40

3.7.2.  Traitements médicamenteux

L’utilisation des médicaments psychotropes chez les enfants placés est fréquente, en France comme à l’étranger.

3.7.2.1.   Situation en France

En Haute-Savoie, en 2009 - 2010, 13,7 % des enfants en institution et 4,6 % des enfants en famille d’accueil prenaient un traitement médicamenteux, à posologie élevée, le plus souvent en polythérapies, et comprenant 10 fois plus d’antipsychotiques que d’antidépresseurs.50

Même si effectivement les enfants placés souffrent fréquemment de troubles mentaux, le recours au traitement médicamenteux paraît important. Le choix préférentiel des antipsychotiques, et de la polythérapie, chez des enfants, à cette fréquence, ne peut se faire qu’hors recommandations de bonnes pratiques, ce qui amène la question des motivations de ces choix thérapeutiques.

3.7.2.2.   Etats-Unis

Dans la cohorte NSCAW II, plus de 40 % des enfants placés prenaient un médicament psychotrope, et nombreux sont ceux qui en prenaient au moins 2.41

Parmi ces derniers, 22 % avaient deux médicaments de la même classe.132

Cependant, seuls 42 % de ceux qui avaient un diagnostic psychiatrique bénéficiaient d’un traitement médicamenteux.114

Comme les troubles mentaux, le taux de prescription de psychotropes varie selon le lieu de placement des enfants. Dans la cohorte NSCAW II, 18 % des enfants en famille d’accueil prenaient au moins 2 psychotropes, quand cela concernait 43 % des enfants en institution.41

Le Tableau 23 reprend les taux de prescription de psychotropes dans deux études américaines.

Zito et al. 2008 Linares et al. 2013

Nombre d’enfants 472 252

Âge 0 - 19 ans 3 - 14 ans

Source Assurance maladie Familles d’accueil

Lieu Sud-Ouest des Etats-Unis New York (Etats-Unis)

Antidépresseurs 51,8 % 7 %

Antipsychotiques 53,2 % 65 %

Psychostimulants 55,9 % 69 %

Thymorégulateur 13 %

Tableau 23 Taux de prescriptions de traitements psychotropes d'après 2 études américaines81, 132

3.7.2.3.   Pistes de réflexion

L’importance de la prescription ne paraît en lien ni avec l’importance du diagnostic, ni avec les recommandations actuelles de traitement chez l’enfant. On peut proposer plusieurs raisons à ce décalage. L’utilisation des antipsychotiques en première intention dans les troubles externalisés peut s’expliquer par une difficulté de vivre en collectivité avec ces troubles, qui peuvent alors devenir très invalidant en institution. L’urgence est alors d’apaiser les troubles au plus vite, afin de permettre un maintien de l’enfant au sein de sa structure. Un traitement

sévère, et doit en principe n’être utilisé qu’en cas d’échec de la psychothérapie. Il est probable que la temporalité de la psychothérapie et les délais d’efficacité ne soient pas considérés comme compatibles avec un maintien en collectivité ou dans une famille d’accueil, et que des solutions plus rapides soient demandées.