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La prise en compte des vibrations et la géométrie des états excités de cœur

Spectroscopie en couches internes

6) La prise en compte des vibrations et la géométrie des états excités de cœur

a) Introduction

L’examen des spectres ISEELS des articles précédents montre que les raies observées ont souvent une largeur supérieure à la résolution d’appareil, même lorsque cette raie correspond à une seule transition électronique. Cette structure fut observée pour la première fois par Gelius et al. [373] en 1974. Ceci est dû à l’excitation vibrationnelle concomitante, qui peut être importante. Avec un rayonnement synchrotron, on peut même résoudre la structure fine vibrationnelle, en particulier en XPS pour des molécules de petite taille.

L'importance de la vibration permet en particulier d’étudier le degré de localisation du trou de cœur discuté plus haut. Même lorsque cette structure n’est pas bien résolue, il peut être intéressant de faire un calcul de facteurs de Franck-Condon pour expliquer la largeur des raies observées. Idéalement, il faudrait faire ce calcul pour chaque état électronique excité, ce qui n’est pas facile (voir cependant Article 16). Certains auteurs utilisent d'ailleurs la molécule Z+1 [374]. De plus, les différences constatées entre les énergies d’excitation de cœur calculées et le maximum d’une bande observée peuvent aussi s’expliquer par le fait que la bande vibrationnelle fondamentale 0-0 est décalée par rapport à l’énergie d’excitation verticale (souvent vers les basses énergies). Ce décalage joue un rôle dans les différences constatées entre les CEBE calculées et observées. Cette correction a été évaluée à environ 0.1 eV [375]. Toutefois, dans le cas des énergies d’ionisation de l’acide acétique (Article 18), cette correction peut atteindre 0.36 eV. Dans le cas du cyclopropane, cet effet explique pourquoi l’énergie de la transition 1s  *(C-C) a une valeur calculée apparemment trop grande par rapport à l’expérience : après inclusion des effets vibrationnels, l’accord est excellent (figures 1 et 3, article 16).

Dans les molécules traitées dans les articles ci-dessous, les facteurs de Franck-Condon ont été évalués par la méthode de Domcke-Cederbaum [100-104], en se limitant au calcul de la matrice  (approximation du couplage linéaire). Comme le remarque Hergenhan dans son article de revue [376], cette approximation est la plus fréquemment utilisée pour les molécules polyatomiques. Par contre, les effets de couplage vibronique, responsables notamment de la localisation dynamique du trou de cœur, n’ont pas été étudiés (pas de calcul avec un trou délocalisé). Ce type d'étude a été entrepris par le groupe de Cederbaum [340,377,378] mais pour un nombre limité de modes de vibration.

Dans le cas d’un état excité de cœur, la matrice  ne peut en effet s’évaluer facilement (c’est-à-dire analytiquement) qu’au niveau ROHF-GVB. Par souci de cohérence, les fréquences harmoniques fondamentales sont donc obtenues au niveau HF, et sans appliquer de facteur correctif (" scale factor "). Elles sont donc surestimées d’environ 10% mais ceci a peu d’influence dans la mesure où la structure fine vibrationnelle est mal résolue dans les spectres ISEELS, en raison d’une trop faible résolution, et/ou à cause du recouvrement de multiples bande vibrationnelles.

Une importante excitation vibrationnelle est aussi le signe que la topologie de la surface d’énergie potentielle de l’état de cœur est très différente de celle de l’état fondamental. Ceci conduit naturellement à se poser la question de la géométrie d’équilibre des états excités/ionisés de cœur (les premières tentatives sur des molécules triatomiques datant de la fin des années 1970 [379,380]). Dans le cas de l’ionisation de cœur, les variations de géométrie se concentrent autour de l’atome où le trou est créé. Dans le cas de l’excitation de cœur, plusieurs situations sont possibles en fonction de la nature de l’orbitale cible :

 S’il s’agit d’une orbitale de Rydberg, on s'attend à ce que la géométrie soit proche de celle de l’ion de cœur. Toutefois, comme le montrent les articles présentés ici, les OM 3s et 3p ont souvent un important caractère de valence, par exemple *(C-H), pouvant provoquer une rupture de la liaison et la fragmentation de la molécule.

 S’il s’agit d’une orbitale purement anti-liante (* ou *), il peut y avoir la même rupture si la courbe de potentiel est dissociative ou seulement une modification de la géométrie. Expérimentalement, si l’on utilise des méthodes de coïncidence couplées au rayonnement synchrotron, on doit observer les fragments caractéristiques des ruptures de liaisons. Ces ruptures sont extrêmement sélectives compte tenu de la localisation de l’excitation. Cet effet a été observé pour la première fois par Eberhardt et al. en 1983 pour l’excitation au seuil du carbone de l’acétone [381].

En réalité, le phénomène est plus complexe car plusieurs mécanismes entrent en compétition [382]. Pour les atomes de la première et de la seconde ligne du tableau périodique, après excitation de cœur, l’atome s’auto-ionise par effet Auger en un temps de l’ordre de 10-13 à 10-14 s. Comme on l'a vu, l’effet Auger se divise lui-même en deux types : l’Auger participant dans lequel l’électron excité de cœur subit lui-même la cascade Auger, le résultat étant un monocation de valence. Dans l’effet Auger spectateur, l’électron reste dans l’orbitale excitée initialement, tandis que les autres électrons forment un dication de valence. On obtient ainsi une méthode de production – séquentielle et non sélective – de dications (mais dans des états électroniques excités) [383]. Dans le cas de la " fragmentation ultra-rapide " de HBr (3sBr  *) [384], la nature dissociative de la courbe de potentiel et la faible masse de l’hydrogène provoquent la rupture avant même que la cascade Auger ait pu démarrer, ce qui se traduit par l’observation de l’effet Auger atomique du brome. Gadéa et al. [385] ont d’ailleurs suggéré qu’une molécule telle que l’acétylène pouvait s’isomériser après excitation de cœur avant que l’effet Auger ait pu démarrer, ce qui se traduirait par exemple par la présence de la paire C+/CH2+. C’est ce qui été observé par Osipov et al. [24] mais la durée de

l’isomérisation (60 fs) indique plutôt qu’il s’agissait de la fragmentation du dication de valence résultant de la cascade Auger.

Du point de vue théorique, la modélisation de l’effet Auger est difficile du fait de sa nature non-radiative [386-390]. Il est toutefois possible d’explorer la surface de potentiel d’un dication de valence (cf. chapitre un). De même, on peut optimiser la géométrie d’états excités ou ionisés de cœur. A notre connaissance, pour les molécules polyatomiques, dans le cas d’excitations du type singulet à deux couches ouvertes, seule la méthode ROHF-GVB de GAMESS-US permet de trouver analytiquement la géométrie d’équilibre et les fréquences harmoniques de l’état. Il est ensuite possible de raffiner les énergies relatives au niveau MP2 (avec CIPSI) ou en faisant une IC. Dans l’exemple du cyclopropane (Article 17), on a utilisé la méthode ORMAS (Orbital Restricted Molecular Active Space) proposée par Ivanic [391,392]. On peut aussi comparer les résultats à des calculs identiques effectués sur l’analogue Z+1 (Articles 17 et 18). Une méthodologie très similaire a été utilisée pour les états excités au seuil du carbone du formaldéhyde [393-395], le résultat le plus spectaculaire étant la prédiction d’un état di-excité thermodynamiquement stable du type C1s nO 

* *. Il existe aussi quelques calculs du type MCSCF publiés, notamment sur l’acétylène [396] avec MOLCAS, ainsi que le dioxyde de carbone, l’éthylène et le benzène [378] avec DALTON.

Toutefois, on peut noter que pour éviter que le calcul ne converge vers un état de valence, l’espace actif se limite aux orbitales , qui ont une symétrie différente de l’orbitale 1s. Dans le cas de MOLCAS [397], les optimisations de géométrie se font sur une grille.

b) Article 16 : Ab initio and experimental study of the K-shell spectra of s- triazine

c) Commentaires

Les calculs des spectres K-shell de la s-triazine ont été commencés par K. Sidhoum lors de son stage de DEA (année 2002-2003) [398]. Ils peuvent être comparés à des calculs (non-publiés) du type Z+1 tels que décrits dans la section 3 datant de 1999. Une fois n’est pas coutume, la base employée était la cc-pVDZ de Dunning [172] : (10s5p1d)/[3s2p1d], (4s1p)/[2s1p] + [3s3p1d] de Rydberg. Les spectres expérimentaux sont en fait ceux du groupe de Hitchcock publiés en 1993 [399] et téléchargés de sa base de données. A l'époque, en l’absence de données fiables sur les énergies d’ionisation, on a aligné l’énergie calculée de l'excitation 1s → 1* sur le maximum de la première bande observée. En supposant que le TV calculé est correct – ce qui s'était vérifié pour d'autres molécules, on obtenait déjà des énergies d’ionisation de cœur au seuil C1s très loin des valeurs de Hitchcock, ce qui invalidait les attributions de Hitchcock :

285 287 289 291 293 295 E (eV) 1 *(C e-H) 3s/*(C e-H) 3p/*(C e-H) 3d+3 4p+3d+3 5p+3

Figure 3.11. Spectres C1s de la s-triazine calculé dans l'approximation Z+1 comparé au spectre mesuré [399].

On constate un bon accord global avec les calculs publiés ultérieurement, si l'on excepte le fait que l’absence d’intensités fiables pour les transitions Rydberg/valence et/ou multi- électroniques, conduit à une large surestimation de l’intensité des bandes *. Il est aussi

remarquable que l’on retrouve la difficulté à reproduire le TV de la bande centrée autour de 403 eV pour l’azote : 396 398 400 402 404 406 408 E (eV) 1 *(C-H) 4p+3 4p+5p+3 5p+3

Figure 3.12. Spectres N1s de la s-triazine calculé dans l'approximation Z+1 comparé au spectre mesuré [399].

Comme indiqué plus haut, la s-triazine a été récemment étudiée par NEXAFS et des méthodes KS avec deMon [192]. On constate que la structure vibrationnelle mieux résolue de la première bande au seuil C1s est en excellent accord avec notre simulation (figure 2 de l’article 16) :

De même, la bande 4 est maintenant résolue en deux pics comme prédit par les calculs (figure 3, article 16).

Figure 3.14. Spectres NEXAFS N1s de la s-triazine mesuré (en haut) et calculé [192]. Au seuil N1s, les calculs DFT prédisent eux aussi la transition 2* autour de 400 eV, c’est- à-dire au niveau de la bande 2, qui acquerrait son intensité grâce au couplage vibronique. Cette bande est aussi présente dans les spectres de la pyridazine et de la pyrimidine, où la symétrie de la molécule rend la transition autorisée. Les auteurs ont aussi suggéré que les structures observées près des seuils d’ionisation pouvaient être dues à des transitions doublement excitées, non rendues par la DFT. Comme le montrent les tableaux 4 et 6 de l’article 16, au seuil C1s, il s’agit en fait de transitions mono-électroniques *, alors qu’au seuil N1s, il y a effectivement un état " shake up " très intense près du seuil.

c) Article 17 : Ab initio study of core excited cyclopropane

d) Article 18 : Electronic excitation of gaseous acetic acid studied by K-shell electron energy loss spectroscopy and ab initio calculations

e) Commentaires

L’article 17 est issu du travail initié par S. Zeggari lors de son stage de DEA pendant l’année 2001-2002 [189]. En plus du cyclopropane, Sze et Brion [400] ont aussi mesuré le spectre C1s de l’oxyde d’éthylène qui a un aspect très différent de celui du cyclopropane et semble présenter une structure fine vibrationnelle mieux résolue (travail en cours) :

288 289 290 291 292 E (eV) OC

2H4

Figure 3.15. Spectree ISEELS C1s de l'oxyde d'éthylène [400]

Dans le cas de l'acide acétique au seuil C1s (Article 18), on voit que la meilleure résolution expérimentale ne révèle aucune nouvelle structure, ce que confirment (mais a posteriori) les calculs. En revanche, le cas de l'acide acétique montre qu'il est illusoire de vouloir par le calcul approcher à moins de 0.1 eV les valeurs XPS mesurées sans tenir compte des effets vibrationnels, par exemple en utilisant le modèle simple de Domcke-Cederbaum. En particulier, la correction ZPE semble du même ordre de grandeur que la correction relativiste qui est parfois ajoutée [182,185,401,402]. Même dans ce cas, l'accord théorie-expérience peut rester élevé comme pour l'un des deux carbones de l'acide acétique (tableau 1 de l'article 18).

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