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DE LA PRISE EN COMPTE DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DANS LA

DE LA PRISE EN COMPTE DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DANS LA RÉGLEMENTATION DU CADRE FISCAL

La question de la prise en compte de l’impératif de sécurité juridique dans la réglementation du cadre fiscal implique d’une part d’accorder un intérêt spécifique aux conditions dans lesquelles sont élaborées les règles de droit fiscal ; elle implique, d’autre part, de rechercher le rayonnement de la sécurité juridique à travers les normes préexistantes. En Côte d’Ivoire et davantage en France, le cadre fiscal est régi par des règles d’origine nationale et supranationale qui diffèrent sensiblement de par leurs objectifs respectifs. Les droits fiscaux nationaux sont davantage portés sur la recherche de moyens et de méthodes appropriés pour mieux couvrir les charges publiques dans l’ordre interne. Un tel objectif peut légitimement faire craindre des risques de violations des garanties que les contribuables sont en droit d’espérer des normes qui leurs sont applicables. Quant aux règles de droit fiscal supranational, elles visent au contraire à réduire les disparités entre les systèmes fiscaux nationaux et à lutter contre les entraves aux échanges et les distorsions de concurrence282. Ce qui a notamment pour objectif de garantir aux contribuables des traitements comparables, d’un État à un autre, au sein du même ordre supra-étatique.

Il va donc de soi que les méthodes mises en œuvre dans l’ordre interne et dans l’ordre supranational n’entretiennent pas nécessairement les mêmes rapports à l’exigence de sécurité juridique. Cependant, les règles prévues dans l’ordre supranationale pourraient contraster avec celles régissant le cadre fiscal interne et exposer ainsi les contribuables à des risques de confusion, source d’insécurité juridique.

Néanmoins, c’est tout d’abord dans l’ordre juridique supranational (respectivement en Europe et en Afrique, comme déjà indiqué) qu’a été prise en compte la question de la sécurité juridique (Section 1), dont la traduction dans l’ordre fiscal interne n’est pas toujours exempte de facteur de complexité (Section 2).

282 Voir Alexandre MAITROT de La MOTTE, Droit fiscal de l’Union européenne, Bruxelles, Buylant, 2012, pp.

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SECTION 1 : LA SÉCURITÉ JURIDIQUE : UNE EXIGENCE QUI INTÈGRE D’ABORDL’ORDRESUPRANATIONAL

Quoique partiellement admis dans l’ordre interne français, le principe de sécurité juridique est passé sous silence en Côte d’Ivoire. En revanche, les cadres communautaires ou supranationaux dont relève chacun de ces États y ont consacré un principe ou un objectif de sécurité juridique. Ainsi, la sécurité juridique a d’abord intégré l’ordre supranational pour devenir ensuite une norme de référence dans l’ordre juridique interne. Dans la recherche de ses fondements juridiques (§ 1), il importerait à titre illustratif de relever quelques hypothèses (§ 2) marquant la singularité du mode de prise en compte du principe de sécurité juridique283.

§ 1 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DU PRINCIPE

La Côte d’Ivoire appartient à plusieurs cadres supranationaux, dont deux (l’OHADA et l’UEMOA) retiendrons l’attention ici, l’un pour son intérêt à l’égard de la sécurité juridique et l’autre, pour ses rapports avec le droit fiscal. Pour mieux les analyser, il importe donc de les considérer séparément, selon qu’ils déploient leurs effets en Côte d’Ivoire ou en France (B).

A. Le Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires et la sécurité juridique en Côte d’Ivoire

L’exigence de sécurité juridique occupe une place importante au sein de l’OHADA. Elle apparaît dès le préambule de son Traité comme étant au cœur de ses objectifs majeurs (a). Mais, comme précisé précédemment, l’OHADA n’a consacré aucun acte uniforme au droit fiscal ; d’où la question de l’intérêt de considérer les dispositions de cette organisation dans la prise en compte de la problématique de la sécurité juridique en Côte d’Ivoire (b).

283

Dans le cadre du droit communautaire, l’emploi du terme principe plutôt qu’impératif est volontaire, en raison de la consécration qui y autorise, sans ambages.

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1. Du préambule du Traité comme norme de réception de l’exigence de sécurité juridique en droit ivoirien

Le préambule du Traité révisé de l’OHADA284

dispose que les Hautes parties contractantes réaffirment « leur volonté de renforcer la sécurité juridique et judiciaire » au sein de l’organisation. Le Traité initial285

ne faisait allusion qu’à la « sécurité juridique » et se limitait aux seules activités économiques286. Certains auteurs cependant traitaient déjà de la « sécurité

juridique et judiciaire »287. La doctrine semble donc avoir influencé ou avoir eu une « longueur d’avance » sur le Traité.

En ce qui concerne la nouvelle formulation qui prend en compte à la fois la « sécurité

juridique et judiciaire », elle entend accorder un intérêt tout particulier à l’amélioration des

systèmes judiciaires africains afin d’ « accroître la confiance des investisseurs »288

. En cela, elle n’apporte pas vraiment une nouveauté à la formule initiale. Elle n’est que la traduction formelle de l’axe juridictionnel de la sécurité juridique qui revêt néanmoins une importance particulière en Afrique, en raison de la difficulté d’accès au juge289

. Cette nouvelle formulation entend donc insister sur le rôle de Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) en tant qu’organe juridictionnel, chargé du contrôle et de l’application du droit uniforme, qui se substitue aux juridictions suprêmes des États parties dans les questions

touchant aux domaines pris en compte par l’OHADA290

; l’objectif étant de mettre en place un

284 Traité de Port-Louis (Ile Maurice) du 17 octobre 1993 modifié par le Traité de Québec (Canada) du 17

octobre 2008.

285

Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993.

286 « (…) dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques (...) ».

287 Joseph YOUMSI, « L’OHADA : un instrument pour le développement des investissements dans un climat de

sécurité juridique et judiciaire », Juris Périodique, n° 30, avril-juin 1997, p. 98 ; Pierre MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA », Penant, 2006, n° 885 pp. 151-175 ; « insécurité juridique et judiciaire », dans l’introduction de l’article de Félix ONANA ETOUNDI, « Les principes d’UNIDROIT et la sécurité juridique des transactions commerciales dans l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats », Rev. dr. unif., 2005-4, pp. 683-718 ; Joseph ISSA-SAYEGH, « Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA », Rev. dr. unif., 1999-1, pp. 5 et s. ; Ohadata, D-02-11, § 9.

288 Félix ONANA ETOUNDI, « La sécurisation judiciaire de l’investissement en Afrique : À propos du rôle joué

par la Cour commune de justice et d’arbitrage », Actualités juridiques, n° 53/2007, p. 3 (pp. 3-13).

289

Voir René DÉGNI-SÉGUI, « L’accès à la justice et ses obstacles », in Universités francophones, L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la Communauté francophone, Universités francophones, Colloque international, 29 septembre - 1er octobre 1993, Port-Louis, éd. AUPELF-UREF, 1994, Montréal.

290 Félix ONANA ETOUNDI, « Tendances juridictionnelles de la CCJA par thème juridique abordé », Rev. dr.

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« environnement judiciaire suffisamment sûr pour les entreprises »291 afin de remédier à « la dégradation de la façon dont est rendue la justice »292 dans les États africains. Mais à l’instar de l’ancienne formulation, la nouvelle ramène en réalité à une double dimension de la notion de sécurité juridique au sein des États parties au Traité de l’OHADA: la dimension textuelle ou normative et la dimension pratique ou juridictionnelle et processuelle.

Selon le professeur Meyer, « la dimension normative, couverte par les Actes uniformes, et la

dimension institutionnelle, couverte par les dispositions judiciaires du Traité sur la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage constituent ainsi les instruments essentiels par lesquels l’ordre juridique de l’OHADA entend assurer la réalisation de l’objectif de sécurité juridique »293. Le terme de sécurité juridique tel qu’utilisé dans la présente thèse par rapport à

la Côte d’Ivoire englobera donc ces deux dimensions, par référence à l’esprit de l’OHADA, sans toutefois se limiter au domaine du droit des affaires.

L’exigence de sécurité juridique telle qu’entendue dans le cadre du Traité de l’OHADA se traduit à la fois par la simplicité et l’adaptabilité des règles et procédures (article 1er

du Traité) ainsi que par la précision, la cohérence et le caractère complet de la norme juridique applicable294. En cela, elle ne diffère pas tant de l’approche du droit français. La notion n’a cependant au sein de l’OHADA que la valeur d’un objectif295

: celui de l’uniformisation296 ou même de l’unification du droit en vue de « l’assainissement de l’environnement juridique des

affaires »297.

291

Joseph ISSA-SAYEGH, « Quelques aspects techniques de l’intégration juridique (…) », préc., § 14.

292

Félix ONANA ETOUNDI, « La sécurisation judiciaire de l’investissement en Afrique (…). », préc.

293 Pierre MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA », préc. 294 Pierre MEYER, Ibidem.

295 Joseph ISSA-SAYEGH, « Introduction du Traité et aux actes uniformes de l’OHADA », préc. ; Pierre

MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA », préc.

296

Les Actes uniformes comme le suggère leur appellation ont pour objet l’uniformisation des droits positifs internes des États parties. L’article 5 du Traité dispose en effet : « les actes pris pour l’adoption des règles communes prévues à l’article premier du présent Traité sont qualifiés " actes uniformes ".

297 Félix ONANA ETOUNDI, « Les principes d’UNIDROIT et la sécurité juridique des transactions

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L’OHADA ne consacre donc pas un principe de sécurité juridique298

mais un objectif de valeur conventionnelle ou supranationale. Si donc en France, la violation de la sécurité juridique peut être poursuivie devant le juge administratif en tant que principe général du droit, il n’en va pas de même dans le cadre de la Côte d’Ivoire. En l’état actuel du droit « communautaire » de l’OHADA et du droit ivoirien, un demandeur ne saurait directement se prévaloir d’une atteinte à la sécurité juridique, celle-ci n’ayant pas la valeur d’un principe de droit. Quel est alors l’intérêt de recourir à l’OHADA dans la problématique de la sécurité juridique en droit fiscal ivoirien ?

2. L’intérêt d’avoir recours à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires comme cadre de référence

La Côte d’Ivoire est un État ouest-africain299

appartenant à la zone franc300. Elle est partie prenante de plusieurs organisations d’intégration301 au sein desquelles elle joue un rôle déterminant, en particulier au plan économique. Il s’agit notamment de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)302, de l’Union économique et

298

Contra : Willy James NGOUE, « La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes en droit OHADA », in Jean GATSI (dir.) L’effectivité du droit de l’OHADA, Coll. Droit uniforme, Presse Universitaire d’Afrique (PUA), 2006, p. 204 (pp. 179-205).

299 Elle a une superficie de 322.462 km² et une population estimée à 22 millions d’habitants en 2011, dont plus

de la moitié (50,1 %) est constituée de population urbaine. Voir Banque de France, Rapport annuel de la zone franc, 2011, pp. 139 et s. ; Moustapha TOURÉ (coord.), Côte d’Ivoire - Évaluation de la sécurité alimentaire en situation d’urgence : données collectées en janvier et février 2012, Programme alimentaire des Nations Unies, avril 2012, p. 12.

300 Cette zone comprend la France, les Comores et 14 États d’Afrique subsahariens, dont 8 en Afrique de l’Ouest

et 6 en Afrique centrale. Les États d’Afrique occidentale sont ceux qui constituent l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Il s’agit, outre la Côte d’Ivoire, du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. Ceux de l’Afrique centrale appartiennent à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Ce sont le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, le Tchad. Voir Banque de France, La zone franc, juillet 2010, Note d’information, n° 127, avril 2002, actualisation juillet 2010, Direction de la Communication, Eurosystème, 2010 ; Banque de France, Rapport annuel, 2011, préc., p. 113.

301 La problématique de l’intégration ou de la coopération économique a été au cœur des préoccupations des

États africains depuis les premières heures de l’acquisition de leur indépendance (notamment dès 1963). Voir Maurice GLÉLÉ-AHANHANZO, Introduction à l’organisation de l’Unité africaine et aux organisations régionales africaines, Coll. Bibliothèque africaine et malgache, Paris, LGDJ, 1986, pp. 47 et s.

302La CEDEAO comprend 15 États membres dont l’ensemble des 8 États de l’UEMOA (la Côte d’Ivoire y

compris) qui appartiennent également à la zone franc. Les 7 autres États sont le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Liberia, le Nigeria et la Sierra Leone. Cette organisation régionale africaine a pour mission la promotion de la coopération et le développement dans tous les domaines d’activité économique. Sa stratégie : abolir les restrictions au commerce, supprimer les obstacles à la libre circulation des personnes, des biens et des services, tout en harmonisant les politiques sectorielles afin d’aboutir à un vaste marché commun ouest-africain. La Côte d’Ivoire dispose de 25 % du PIB de cette Communauté.

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monétaire ouest africaine (UEMOA)303 et de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA)304.

Contrairement à l’UEMOA qui prend en compte certains domaines de la fiscalité305

à travers ses directives306, règlements307 et décisions308, pour l’heure l’OHADA ne régit pas directement le droit fiscal. Mais l’intérêt de se référer à cette organisation ou à sa conception de la sécurité juridique pour traiter de la notion en Côte d’Ivoire tient à plusieurs raisons.

L’OHADA est, en effet, le levier juridique309

de l’intégration économique africaine et tient une place de choix tout particulièrement en Afrique occidentale, en dépit d’une pluralité d’ordres communautaires d’intégration. Contrairement aux autres organisations d’intégration

303 Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), issue du Traité du 10 janvier 1994, révisé le 29

janvier 2003. Cette Union comprend outre la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. La Côte d’Ivoire détient 40 % du PIB de l’union, devant le Sénégal (20 %) et le Burkina Faso (8 %). Voir pour plus de détails, Laurent FILLIETTAZ, « Les conséquences de la crise ivoirienne sur les pays sahéliens enclavés : un premier tour d’horizon », in Afrique contemporaine, 2003, 1, n° 205, pp. 5- 16. Ces chiffres qui sont ceux de 2003 semblent toujours valables à en juger par les informations fournies par le Ministère des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire (accessible sur http://www.diplomatie.gouv.ci/politique_afrique.php).

304

Le Traité relatif à l’OHADA a été adopté le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile-Maurice) et révisé le 17 octobre 2008 au Québec (Canada). L’OHADA regroupe actuellement 17 États parties dont la Côte d’Ivoire. Elle comprend en plus des Comores, l’ensemble des 8 États de l’UEMOA, et l’ensemble des 6 États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ; c’est-à-dire, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo (Brazzaville), le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad. Elle comprend en outre, la Guinée (Conakry), la République démocratique du Congo. Ses langues de travail sont le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais. Voir Journal officiel de l’OHADA, n° 4 du 1er novembre 1997, révisé le 17 octobre

2008 au Québec (Canada).

305 Il y a lieu de préciser que la CEDEO et l’UEMOA présentent de fortes similitudes, en particulier en ce qui

concerne la nomenclature de leurs normes respectives (Actes additionnels, règlements, Directives, Décisions, Recommandations et Avis). Voir Filiga Michel SAWADOGO, « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs, Communication faite au Colloque sur la concurrence des organisations régionales en Afrique, Bordeaux IV, 2009, Ohadata, D-12-29.

306Voir notamment la Directive n° 02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des

législations des États membres en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; la Directive n° 03/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des États membres en matière de droits d’accises ; la Directive n° 06/2001/CM/ UEMOA du 26 novembre 2001 portant harmonisation de la taxation des produits pétroliers au sein de l’UEMOA ; la Directive n° 07/2001/CM/UEMOA du 26 novembre 2001 portant régime harmonisé de l’acompte sur impôt assis sur les bénéfices au sein de l’UEMOA ; la Directive n° 01/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 portant harmonisation des modalités de détermination du résultat imposable des personnes morales au sein de l’UEMOA.

307

Voir notamment, le Règlement n° 18/2003/CM/ UEMOA portant adoption du Code minier communautaire de l’UEMOA.

308 Voir notamment, Décis. n° 10/2006/CM/UEMOA du 23 mars 2006 portant adoption du programme de

transition fiscale au sein de l’UEMOA ; décis. n°16/2006/CM/UEMOA du 16 décembre 2006 portant adoption du programme d’harmonisation de la fiscalité directe au sein de l’UEMOA.

309 Joseph ISSA-SAYEGH, « L’OHADA, instrument d’intégration juridique des pays africains de la zone

franc », Revue de Jurisprudence commerciale, juin 1999, pp. 237 et s. ; Joseph ISSA-SAYEGH, « Intégration juridique des États africains de la zone franc », Penant, 1997, n° 823 pp. 5 et 125.

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qui procèdent par harmonisation de leurs dispositions, l’OHADA sous le prétexte d’harmoniser, procède à une uniformisation des règles applicables au sein des États parties310

. En outre, au-delà de son caractère obligatoire, direct et abrogatoire dans l’ordre juridique interne des États parties, le droit OHADA diffère de celui de l’UEMOA et de la CEDEAO, par le fait qu’il ne fonctionne pas réellement comme un droit communautaire. Il a, au-delà de son effet abrogatoire, un effet de substitution dans l’ordre juridique interne et apparait de ce fait comme « un droit interne uniformisé et commun aux États concernés »311. En traitant de l’organisation du système juridictionnel ivoirien, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA est ainsi prise en compte dans l’ordre interne comme une juridiction suprême312, qui concurrence de ce fait la Cour suprême ivoirienne. En effet, si en vertu des dispositions de l’article 13 du Traité de l’OHADA, « le contentieux relatif à l’application des

actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des États Parties », c’est « la Cour de justice et d’arbitrage [de l’OHADA qui, aux termes de l’article

14,] assure l’interprétation et l’application commune du Traité ainsi que des règlements pris

pour son application, des actes uniformes et des décisions ». Il s’agit donc d’une juridiction

qui, dans l’ordre interne, concurrence la cour suprême ivoirienne ; d’où son importance. La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui est l’équivalente en Afrique centrale de l’UEMOA, a solennellement reconnu par le biais de sa Cour de justice, la primauté du droit OHADA sur le droit CEMAC. En effet, la Cour de justice de la CEMAC sollicitée pour avis sur la compatibilité de l’avant-projet de règlement CEMAC relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement avec les dispositions de l’OHADA répond comme suit : « Considérant que selon l’article 10 du Traité institutif de

l’OHADA en effet, « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure », que cette disposition supranationale a une valeur contraignante pour les États concernés et s’applique aux normes primaires et dérivées issues du Traité de la CEMAC » 313

.

310 Voir Joseph ISSA-SAYEGH, « Quelques aspects techniques de l’intégration juridique (…) », préc., § 19 ;

Joseph ISSA-SAYEGH, « Intégration juridique des États africains de la zone franc », préc., § 114.

311 Henri TCHANTCHOU, La supranationalité judiciaire dans le cadre de l’OHADA : Étude à la lumière du

système des communautés européennes, Paris, L’Harmattan, 2009, pp. 102 et s.

312 Voir François KOMOIN, « Organisation judiciaire en Côte d’Ivoire », (disponible sur

http://www.ohada.com/organisations-judiciaires.html), où l’auteur (magistrat ivoirien) traite des juridictions inférieures et supérieures de l’organisation juridictionnelle ivoirienne, et où la Cour commune de justice et d’arbirage (CCJA) figure parmi les juridictions supérieures.

313

« RDJ-CEMAC. N° 00. Renvoi préjudiciel. Arrêt n°001/CJ/CEMAC/CJ/10-11 DU 25/11/2010, Affaire École Inter-États des Douanes c/ Djeukam Michel », note Marie-Colette KAMWE MOUAFFO.

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Or la CEMAC est une organisation d’intégration au même titre que l’UEMOA et l’OHADA. En l’absence de la reconnaissance expresse de cette primauté dans le cadre de l’UEMOA, la vocation continentale de l’OHADA en fait une organisation d’envergure et de premier plan pour l’ensemble des États membres de l’UEMOA, l’ensemble de ces États étant également parties au Traité de l’OHADA.

L’article 2 du Traité de l’OHADA énumère certaines matières314

comme entrant « dans le

domaine du droit des affaires ». Le droit fiscal ne figure pas dans cette énumération315. Il n’est toutefois donné aucune précision sur le critère de détermination des disciplines

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