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4   Eléments de prise en charge 59

4.1   Prise en charge médicamenteuse 60

4.1.1 Revue de la littérature

La littérature disponible concernant la prise en charge du trouble chez les adolescents est malheureusement très limitée. Quelques essais randomisés évaluant l’intérêt de différentes molécules dans le traitement des troubles de la personnalité borderline sont disponibles. Cependant, ayant été réalisés chez des patients adultes, ces résultats sont à prendre avec une réserve indispensable pour nous faire envisager les applications possibles chez l’adolescent.

Trois études ressortent alors dans l’évaluation du traitement médicamenteux. Une étude de 2001 testant l’efficacité du divalproate de sodium contre un placebo a montré la supériorité du divalproate de sodium sur le placebo (70). Cependant, les auteurs précisent que l’échantillon étudié dans cette étude préliminaire (n=16) est insuffisant pour conclure à une efficacité significative. Un autre essai, concernant l’usage de fluoxétine et olanzapine en monothérapie ou en association (71), présente les mêmes faiblesses que l’étude précédente. Enfin, la fluvoxamine semble (p>0.05) montrer une efficacité dans la labilité de l’humeur par rapport au placebo mais n’a aucune supériorité dans les symptômes impulsifs (72).

D’une manière générale, aucune des chimiothérapies étudiées n’a pu démontrer une efficacité significative dans le traitement du TPB (73). On ne retrouve que des tendances à l’amélioration qui peut alors poser la question de l’utilité d’une prise en charge médicamenteuse seule. De plus, l’absence de données dans le cas de l’adolescence constitue un frein majeur à l’alternative médicamenteuse chez l’adolescent qui devra alors être envisagée uniquement dans le cadre des affections intercurrentes du trouble de la personnalité. L’utilisation d’un traitement sédatif anxiolytique peut alors être envisagée sur une courte période. Un traitement antipsychotique à visée anti-impulsive bénéficie de l’AMM chez l’adolescent. Les antidépresseurs, comme vu précédemment, semblent pouvoir être une aide à la prise en charge en cas de syndrome dépressif associé. La seule classe médicamenteuse qui semble pouvoir avoir une utilité supérieure par rapport aux autres classes est celle des

thymorégulateurs (74) mais ici encore, l’utilisation au long court du divalproate ou du valpromide chez un adolescent semble discutable étant donné leurs effets indésirables sur la neuroplasticité.

4.1.2 Thérapeutiques médicamenteuses envisagées chez Katrina

Au cours de la prise en charge de Katrina, de nombreux traitements auront été instaurés. Dans un premier temps, nous avons mis en place un traitement par escitalopram en réponse à l’hypothèse d’un syndrome dépressif. Rapidement, les troubles du comportement présenté par Katrina vont nous imposer le recours à une sédation plus importante. Successivement, des traitements neuroleptiques sédatifs seront mis en place : La cyamémazine sera utilisée en première intention à une dose équivalente à 45mg par jour. Devant un manque d’efficacité et face aux difficultés que nous avons rencontré au sein de l’institution pour nous montrer suffisamment contenant, la cyamémazine sera remplacée par la loxapine en association au diazepam (15mg par jour) puis par la suite par la lévomépromazine.

Concernant le traitement de fond, l’antidépresseur sera rapidement arrêté au profit d’un traitement par risperidone (traitement bénéficiant d’une AMM chez l’adolescent) à 4mg par jour. Par la suite, des traitements thymorégulateurs seront introduits en réponse à l’instabilité thymique de Katrina : aripripazole (15mg par jour), puis valpromide (600mg par jour). Le dernier traitement reçu par Katrina était l’amisulpride (800mg par jour) mais sera stoppé suite à la découverte d’une hyperprolactinémie modérée associée à une galactorrhée.

Paradoxalement, l’arrêt des traitements de fond va correspondre à une période d’accalmie des troubles de Katrina et nous n’avons plus envisagé de nouveau traitement en relai de l’amisulpride, ne constatant pas de modifications cliniques suite à cet arrêt.

La prise en charge médicamenteuse de Katrina illustre parfaitement les données retrouvées dans la littérature. Les diverses classes médicamenteuses nous ont montré le même manque d’efficacité dans la pratique que ce qui a été décrit dans les études évoquées plus tôt. De plus, avec ou sans traitement de fond, nous n’avons pas constaté de différence marquante dans l’évolution du trouble. La dysthymie est restée

stable dans le temps, et les moments d’expériences psychotiques de même que les passages à l’acte se rapportaient à des moments d’angoisse non élaborable.

Cependant, les traitements sédatifs vont être régulièrement utilisés au cours de sa prise en charge et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, ils seront les seuls traitements investis par Katrina, ainsi que par sa famille. Deuxièmement, les traitements sédatifs sont malheureusement conservés face aux pressions des acteurs des différents environnements dans lesquels Katrina évolue, que ce soit pour la maintenir dans sa scolarité, permettre la poursuite de l’hébergement par une assistante familiale ou même apaiser une équipe soignante dont tous les acteurs peuvent parfois se sentir dépassés par l’intensité des troubles de Katrina. De plus, la clinique de Katrina la renvoie à des angoisses inélaborables et donc l’utilité des anxiolytiques ne s’en trouve que majorée. Enfin, et c’est peut-être là l’effet le plus néfaste du recours à un traitement sédatif, il est devenu le média de « passages à l’acte » de la part des soignants eux-mêmes comme lors de passages aux urgences, point particulier que nous aborderons plus tard.

Pour conclure, la prise en charge médicamenteuse ne doit en aucun cas constituer l’alternative principale à la prise en charge d’un adolescent en général et d’un adolescent borderline en particulier. Le manque de preuves suffisantes dans les études disponibles et l’absence d‘évaluation chez l’adolescent constituant les deux principaux freins pour envisager cette modalité thérapeutique. Cependant, comme nous l’avons vu dans cette partie, se dégager de l’usage des traitements psychotropes s’avère être une tache ardue.

L’élément principal de la prise en charge des adolescents limites s’articule autour de l’institution et des environnements dans lesquels évolue le jeune patient. Nous allons maintenant aborder les éléments de traitement non médicamenteux qui s’articulent autour de la prise en charge institutionnelle et psychothérapeutique, la prise en charge des épisodes intercurrents lors des passages aux urgences, et du travail nécessaire pour garantir le maintient à domicile et la prévention des épisodes d’agitation.