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Prise en charge de la coagulopathie liée au traumatisme

3. Les marqueurs de fibrine et de fibrinolyse

4.4. Prise en charge de la coagulopathie liée au traumatisme

La prise en charge de la TIC est un réel enjeu chez les patients polytraumatisés. Le traitement de la coagulopathie est indissociable de celui du choc hémorragique en lui-même, responsable de la majorité des décès chez ces patients.

Il n’existe actuellement pas de recommandation globale concernant la prise en charge thérapeutique du choc hémorragique au niveau international [99]. Les protocoles thérapeutiques sont nombreux et varient fréquemment d’un établissement à l’autre.

Au niveau Européen, l’European Task Force for Advanced Bleeding Care a publié des recommandations pour la prise en charge des saignements massifs et de la coagulopathie après un traumatisme. Y sont renseignés les recommandations concernant les gestes de réanimations immédiats à adopter, les moyens de diagnostic et de suivi du saignement et de la coagulopathie, et l’administration de produits sanguins thérapeutiques [100].

Le contrôle rapide du saignement, associé au traitement le plus précoce possible de la coagulopathie, semble être le point clé de la prise en charge des patients présentant une hémorragie sévère. Nardi et al ont mis au point un protocole de « contrôle précoce de la coagulation », associant la réversion d’une potentielle prise d’anticoagulants, l’administration d’acide tranexamique, et la transfusion de produits sanguins. Ils ont pu montrer une réduction significative de la transfusion ultérieure de plasma frais congelé et de plaquettes, une diminution significative des couts totaux de prise en charge, et une tendance à la réduction de la mortalité (non significative) [101].

4.4.1.

Contrôle rapide du saignement

La réalisation la plus précoce de gestes d’hémostase afin de stopper le saignement est fondamentale. Il peut s’agir d’une simple suture de plaie, d’une mise en place d’un garrot, ou d’un acte chirurgical qui doit être le plus simple et efficace (on parle de « damage control surgery ») [100]. L’adjonction d’agents hémostatiques locaux peut également être envisagée afin de contrôler au mieux l’hémorragie [102].

4.4.2.

Transfusion de culots érythrocytaires et de plasma frais

congelé (PFC).

La transfusion de culots érythrocytaires est indispensable dans la prise en charge de l’hémorragie massive, afin de maintenir un taux d’hémoglobine suffisant et ainsi assurer l’oxygénation des tissus. Il est recommandé de maintenir l’hémoglobine entre 7 et 9 g/dL selon les recommandations européennes.

Le plasma frais congelé contient tous les facteurs de la coagulation (ainsi que ses inhibiteurs), et permet ainsi d’améliorer les troubles de la coagulation. Il est recommandé d’utiliser le PFC afin d’obtenir des temps de coagulation (TP, TCA) n’excédant pas 1,5 fois la normale [100]. L’administration de PFC présente tout de même de nombreux désavantages : conditions particulières de transport, nécessité de décongeler le produit, risques d’incompatibilité et d’hémodilution.

Il semblerait que la transfusion de PFC avec un ratio PFC : concentré érythrocytaire élevé (au moins 2 : 1) améliorerait la survie globale des patients en situation de choc hémorragique [103][104].

4.4.3.

Transfusion de fibrinogène.

Le déficit en fibrinogène est fréquemment observé au cours des hémorragies massives, dû principalement à la coagulopathie de consommation. L’administration

de concentrés de fibrinogène a montré la diminution en besoins transfusionnels ultérieurs [105], et une relation a pu être établie entre l’augmentation de la survie et des taux de fibrinogène plus élevés [106]. La dose initiale conseillée est de 3 à 4g de fibrinogène, à répéter en fonction des résultats thromboélastométriques, ou du taux de fibrinogène.

4.4.4.

Transfusion plaquettaire.

Il est recommandé de transfuser des plaquettes pour maintenir un taux supérieur à 50G/L. En cas de traumatisme crânien, il est recommandé d’élever ce seuil à 100G/L [100].

4.4.5.

Transfusion de complexe prothrombinique

Le complexe prothrombinique contient les facteurs II, VII, IX, et X de la coagulation. Actuellement, son utilisation n’est recommandée que pour antagoniser les effets de la prise d’AVK. Cependant, une réduction des pertes sanguines, et une réduction des besoins transfusionnels ont été démontrées chez des patients en situation hémorragique, qu’ils soient sous AVK, ou non [107].

4.4.6.

Antifibrinolytiques

L’étude CRASH-2 a montré que l’administration précoce d’acide tranexamique (3h après le traumatisme) permettait une réduction significative de la mortalité liée au saignement chez les patients traumatisés [82]. Mais les recommandations ne sont pas unanimes concernant l’administration de cet anti-fibrinolytique. Les doses et le délai optimal d’administration de l’acide tranexamique restent méconnus [108]. De plus, le mécanisme par lequel l’acide tranexamique permet de réduire la mortalité n’est pas clairement identifié [109], et il a été montré que l’administration d’acide tranexamique augmente significativement le nombre de convulsions [110].

4.4.7.

Maintien de la calcémie

Le calcium est indispensable à la coagulation, et l’hypocalcémie est une complication commune des transfusions massives. Un niveau de calcium ionisé bas à l’admission est associé à une augmentation de la mortalité, et à des besoins transfusionnels plus importants [111]. Il est donc impératif de maintenir une calcémie normale tout au long de la prise en charge du patient.

4.4.8.

Transfusion de facteur VII activé (FVIIa).

L’utilisation de FVIIa est recommandée en cas d’hémorragie réfractaire à toutes les autres tentatives visant à arrêter le saignement [100]. Cependant, le risque thromboembolique lié à l’administration de FVIIa est non négligeable, puisque Bucklin et al ont montré que 12,5% des patients traumatisés ayant reçu du facteur VIIa, ont développé un événement thromboembolique par la suite [112].

La prise en charge de l’hémorragie massive du patient polytraumatisé est complexe est les options thérapeutiques sont multiples. L’essentiel semble donc être d’élaborer au sein de chaque établissement, un protocole de prise en charge, qui tient compte des possibilités diagnostiques et thérapeutiques disponibles.