B. E XPLORATIONS DE LA FATIGUE NEUROMUSCULAIRE 1. Principes d’exploration La littérature fait aujourd’hui état d’une multitude de protocoles et méthodes d’évaluations qui permettent d’identifier la fatigue centrale vs. la fatigue périphérique. a. Fatigue centrale La fatigue centrale se définit comme une réduction du niveau d’activation pendant un exercice dont les mécanismes responsables sont liés à des processus plus proximaux, notamment au niveau spinal et supraspinal (Gandevia, 2001). Elle est parfois considérée comme un mécanisme mis en jeu par l’organisme pour économiser le muscle avant un seuil de fatigue périphérique (Amann et al., 2006) et préserver les organes vitaux (Noakes, 2012). Parmi les méthodes disponibles, deux méthodes indirectes souvent utilisées, permettent d’évaluer la fatigue centrale. Ce sont les méthodes d’analyse de l’électromyographie (EMG) (Bigland-Ritchie, 1981) et de calcul du pourcentage d’activation (%AV) (Allen et al., 1995). Electromyographie EMG : Le signal EMG lors d’une CMV représente l’ensemble des caractéristiques liées au recrutement spatial et temporel des unités motrices, c’est-à-dire le nombre global et la fréquence de décharge et la synchronisation des unités motrices (UMs) activées (Chesler and Durfee, 1997; Menotti et al., 2012). La méthode EMG consiste à comparer les variations de ce signal EMG maximal (souvent quantifié sous forme de valeur RMS, Root Means Square) que l’on normalise par l’amplitude de l’onde M. Le signal EMG donne des informations à la fois sur les paramètres nerveux et périphériques de la commande motrice sans pour autant faire la différence entre les deux phénomènes. La normalisation de la RMS à l’onde M, donne des indices sur la commande centrale (Todd et al., 2003), mais sa reproductibilité reste discutable (Place et al., 2007). Niveau d’activation maximale volontaire (%AV) : Cette technique a été adoptée comme le standard dans l’évaluation de la fatigue centrale chez l’humain. La stimulation électrique avec la technique de la secousse surimposée appelée « twitch interpolation technique » lors d’une CMV permet de quantifier ce pourcentage d’activation maximale (Merton, 1954). Il s’agit de mesurer l’augmentation de la force du muscle lors d’une stimulation du nerf, i.e. lors d’une secousse surimposée à une CMV et à comparer cet incrément de force à la même secousse réalisée sur le muscle relâché. Plus le muscle est volontairement activé et plus l’augmentation de force due à la secousse est faible. En clair, la taille de la secousse est inversement proportionnelle au degré d’activation du muscle (pour une même twitch sur muscle relâché). De ce point de vue, la fatigue centrale peut donc être définie comme la réduction de l’activation volontaire maximale (Gandevia, 2001). Cette différence de force lors de la stimulation du nerf s’explique par le fait que lors d’une CMV à l’épuisement, il y a moins d’unités motrices recrutées ou que la fréquence de décharge de ces unités motrices n’est pas suffisante pour permettre un tétanos parfait. Il s’agit d’une activation incomplète des UMs, à la fois spatiale et temporelle (Belanger and McComas, 1981). La technique des doublets potentiés (Allen et al., 1998; Place et al., 2007) est une autre façon de quantifier le %AV. Cette méthode consiste en la comparaison de l’amplitude d’un doublet (évoque à haute fréquence) surimposé à un CMV à l’amplitude de la réponse du muscle lors du même doublet évoqué sur le muscle relâché (stimulation au repos en Db potentié). Plusieurs travaux sur la fatigue témoignent de l’efficacité de cette nouvelle technique qui semble être plus pertinente: Ce %AV se calcule alors selon la formule ci- dessous. Pourcentage d’activation maximale volontaire (%AV) = (1 – (amplitude du doublet surimposé Db100 / amplitude du doublet potentié Db100) × 100 b. Fatigue périphérique L’idée de la fatigue périphérique renvoie à des défaillances depuis la transmission de l’influx nerveux au niveau de la plaque motrice jusqu’au la force crée au niveau des ponts d’union actine-myosine. Chacun des quatre sites suivants peuvent être impliqués dans des dysfonctionnements à des degrés divers : la jonction neuromusculaire, sarcolemme, couplage excitation – contraction et enfin formation des ponts d’union. Dans la littérature, différentes méthodes sont évoquées pour évaluer de façon non invasive ces différents dysfonctionnements. Figure 16 : Les réponses électrique (onde M) et mécanique (twitch) du muscle (D’après Lepers R, Movement et Sports Sciences, Edition EDP sciences, 2010). L’onde M maximale est à gauche et la secousse musculaire à droite pour le même muscle vastus latéralis. Pt = pic de moment ; TC = Temps de contraction ; HRT = demi – temps de relaxation. L’étude de la relation force - fréquence à travers des trains de stimulations continus à différentes fréquences est une des méthodes qui permet d’étudier les défaillances au niveau de la propagation/excitabilité – contraction du muscle (Edwards et al., 1977). La littérature rapporte l’existence d’une fatigue basse fréquence (lorsque la perte de force induite par des stimulations d’une fréquence de l’ordre de 10-20 Hz est plus importante que la perte de force induite par des stimulations a 50 Hz – 100Hz) et une fatigue haute fréquence (lorsque c’est l’inverse). Le ratio de ces deux réponses mécaniques mesurées sous forme de doublets a basse et haute fréquence (plutôt que sous forme de trains de stimulation) permet aussi de déterminer le type de fatigue périphérique (Verges et al., 2009b). La fatigue basse fréquence est caractérisée par une récupération lente et semble être attribuée à une altération du couplage excitation – contraction consécutive à une réduction du largage du Ca++ (Westerblad et al., 1991). C’est ce qui se produit par exemple après un exercice excentrique. À l’opposé, la fatigue haute fréquence est caractérisée par une récupération rapide et semble être attribuée à une défaillance de l’excitabilité du sarcolemme (Jones et al., 1979) consécutive à une altération de l’activité de la pompe Na+/K+ ATPase (Renaud and Comtois, 1994) . L’altération au niveau de l’activité électrique du sarcolemme peut être aussi objectivée par une perte rapide d’amplitude et un allongement de l’onde M. Cependant, les modifications observées au niveau de l’onde M restent très variables et peu reproductibles. Bien que cette baisse de l’amplitude de l’onde M ait été observée dans certaines études (Bellemare and Garzaniti, 1988), d'autres études sur les muscles humains in situ, ont trouvé peu ou pas de changement (Matsuo et al., 2013; Merton, 1954), ou encore une augmentation (Fitch and McComas, 1985). Même après un exercice prolongé de faible intensité, certaines études rapportent une modification non significative de l’onde M (figure 16). De plus, la littérature rapporte l’existence d’une large variabilité de la valeur de l’onde M entre les études (Lepers et al., 2001; Millet and Lepers, 2004; Millet et al., 2002; Millet et al., 2003). Dans le document Thérapie par l’exercice et dystrophie facio-scapulo-humérale : étude contrôlée randomisée de 6 mois d’entraînement à domicile : précédée d’une étude histologique du potentiel régénératif musculaire dans deux modèles distincts de myopathies (Page 52-55)