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Principes de base pour l’apprentissage du raisonnement

PARTIE 1 : LE RAISONNEMENT BIOMÉDICAL ET CLINIQUE

6. L A FORMATION AU RAISONNEMENT

6.1. Principes de base pour l’apprentissage du raisonnement

6.1.1. Établir des liens avec les connaissances

antérieures

Tout apprentissage est le résultat d’une démarche active et personnelle de confrontation et d’intégration de nouvelles informations aux connaissances antérieures. Lorsque nous sommes face à une nouvelle situation, nous tentons de lui donner du sens sur base de ce que nous connaissons déjà. La réactivation des connaissances antérieures dans toute situation d’apprentissage est donc essentielle. Les nouvelles connaissances ne se reçoivent pas telles quelles, elles sont transformées et mises en relation avec les connaissances antérieures afin de construire une nouvelle interprétation de la situation rencontrée en intégrant les nouveaux éléments.

La capacité de raisonnement est largement dépendante de la qualité de l’élaboration et de l’organisation de la base de connaissances. Afin de faciliter l’encodage et la récupération des connaissances, il est important d’inciter les étudiants à créer des liens entre les connaissances à acquérir et les connaissances déjà acquises et leur donner l’occasion d’organiser ces connaissances en fonction des tâches à réaliser. Nendaz (2005) souligne que « chaque apprenant construit lui-même sa propre

base de connaissances et qu’il est important de favoriser la validation des connaissances nouvellement acquises et des stratégies de raisonnement par une interaction avec les pairs étudiants et avec les cliniciens expérimentés ».

6.1.2. Faciliter le raisonnement hypothético-déductif

L’enseignement traditionnel exigeait de l’étudiant de recueillir toutes les informations cliniques d’un patient avant d’émettre des hypothèses (forward reasoning). Or, les études sur le raisonnement de cliniciens plus expérimentés nous ont révélé qu’ils génèrent précocement des hypothèses qu’il cherche à valider ou invalider par la recherche d’informations chez le patient (backward reasoning). Ces études ont incité les encadrants à proposer de nouvelles modalités

d’apprentissage comme les séminaires d’apprentissage du raisonnement clinique développés sur base des méthodes du Problem Based Learning que nous décrirons ci-dessous (Kassirer, 1983 ; Chamberland, 1998). Dans le cadre de ce type d’activité, les étudiants sont incités à poser des questions pour découvrir la situation ; chaque question doit être justifiée et argumentée et doit venir renforcer ou déforcer une hypothèse. Cette activité permet aux étudiants de développer une stratégie efficace d’identification et d’interprétation des éléments pertinents d’un cas.

6.1.3. Favoriser à la fois l’usage des processus

analytiques et non analytiques de raisonnement

clinique

Comme décrit plus haut, il n’existe pas une seule forme de raisonnement, les approches analytiques (algorithme diagnostique, raisonnement hypothético-déductif) et non analytiques (pattern recognition) peuvent être utilisées seules ou conjointement pour résoudre un cas clinique particulier. La formation au raisonnement clinique devrait donc promouvoir ces 2 formes de raisonnement dès le début du cursus en permettant aux étudiants de développer plusieurs stratégies de résolution de problème. Notamment, Eva (2005) a suggéré que donner explicitement la consigne à des cliniciens de prendre en compte leur jugement de similarité initial (processus non analytique) tout en traitant de façon explicite les différentes données présentées (processus analytique) conduit à de meilleures performances que lorsque l’on ne tient compte que d’un seul de ces processus.

6.1.4. Favoriser le transfert des connaissances

Multiplier les exemples d’un même phénomène permet aux étudiants de créer un répertoire de cas et plusieurs voies d’accès en mémoire (Eva, Neville, & Norman, 1998). Hatala (2003) a démontré que cela renforçait l’apprentissage et permettait une meilleure reconnaissance lors de la présentation de nouveaux cas. Il est essentiel d’inciter les étudiants à rechercher les similarités et les différences entre divers problèmes afin qu’ils puissent en abstraire les concepts sous- jacents et se rendre compte que des problèmes en apparence similaire

peuvent être très différents et, inversement, des problèmes en apparence très différents peuvent concerner des concepts semblables. A chaque nouveau problème, il est important d’identifier les concepts sous-jacents et de les relier à ceux appris antérieurement.

Le concept de transfert est décrit plus précisément ci-dessous.

6.1.5. Favoriser l’organisation et l’activation des

connaissances

Afin de faciliter l’activation des connaissances des étudiants lorsqu’ils sont face à une situation clinique, il est important qu’ils aient une compréhension en profondeur du problème pour en abstraire les phénomènes sous-jacents et qu’ils en construisent une représentation adéquate en mémoire. La présentation des connaissances dans le contexte de cas spécifiques favorise l’organisation des connaissances par la construction d’une représentation adaptée au contexte d’application de ces connaissances. Ainsi, différentes méthodes d’apprentissage utilisent la schématisation pour favoriser l’organisation des connaissances comme l’usage de schéma physiopathologique ou de cartes conceptuelles (Coté, Bellavance, Chamberland, & Graillon, 2005 ; Marchand & Gagnayre, 2005).

6.1.6. Favoriser une récolte de données cliniques

pertinentes et discriminantes

Différentes études ont démontré l’importance d’orienter la recherche d’information selon les hypothèses précoces émises. La qualité des informations recueillies dépend de la pertinence des hypothèses émises. Ainsi Kassirer (1983) propose d’initier le recueil d’information de façon logique par rapport à la plainte du patient plutôt que favoriser la recherche exhaustive des données sans hiérarchisation. Bien qu’il soit important d’orienter la recherche d’information autour d’hypothèses, il faut veiller au biais de confirmation qui consiste à tenir compte de toutes les informations qui confirment notre hypothèse et négliger les autres (Klayman & Brown, 1993). Il convient dès lors d’inciter les étudiants à expliciter les liens entre une information particulière et une liste d’hypothèses et de les contraster afin d’aider l’étudiant à comprendre et retenir ce qui les différencie (Avrahami et al., 1997). Cet

exercice favorisera le développement des liens entre les différents concepts et les maladies en mémoire et en facilitera la récupération face à de nouveaux cas, par la création de différentes voies d’accès. Ils apprendront alors que certaines caractéristiques du cas peuvent être discriminantes alors que d’autres assez peu spécifiques. Reprenons l’exemple du diabète : perdre du poids peut en être un signe mais peu spécifique à l’inverse d’uriner beaucoup, qui orientera plus sûrement vers le diagnostic. Certaines études ont démontré l’effet bénéfique de la recherche d’éléments discriminants pour l’apprentissage, c’est-à-dire pour la rétention et l’utilisation ultérieure de ces connaissances (Wigton, Connor, & Centor, 1998).

Tous ces éléments relevés par Nendaz et al. (2005) mettent à nouveau en évidence la nécessité de développer simultanément la base de connaissances, la structuration de ces connaissances et les différentes formes de raisonnement. Bien que cette approche vise à développer le raisonnement diagnostique chez les étudiants de niveau de formation clinique, tous ces conseils sont tout à fait transférables à l’enseignement du raisonnement biomédical au niveau préclinique.

L’enseignant doit prendre conscience qu’il dispose d’un savoir « compilé » et qu’il a tendance à utiliser des raccourcis dans sa pensée lorsqu’il raisonne. Il est nécessaire de rendre explicite tous les liens établis entre les éléments de la situation, la physiopathologie, les connaissances et expériences antérieures afin de clarifier, développer et « rendre utilisables » les réseaux de connaissances.

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