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Principe et généralités sur la tomographie électrique

2. LES VERSANTS INSTABLES, DES OBJETS NATURELS DYNAMIQUES

3.2. LES OUTILS APPLIQUES A L’OBSERVATION DES INSTABILITES DE

3.2.4. Méthodes Hydro-géophysiques

3.2.4.1. Principe et généralités sur la tomographie électrique

La méthode de tomographie électrique (Electrical Resistivity Tomography, ERT) est maintenant utilisée depuis une vingtaine d’année et est devenue un standard dans l’imagerie géophysique de la surface grâce à la simplicité de son utilisation, bien que l’interprétation des données obtenues reste complexe (Loke et Barker, 1996 ; Loke, 1996-2014 ; Hack, 2000 ; Dahlin, 2001 ; Rey, 2005 ; Samouëlian et al., 2005 ; Jongmans et Garambois, 2007 ; Revil et al., 2012 ; Everett, 2013). Cette méthode a été utilisée dans la majeure partie des études présentées dans ce mémoire et nous allons maintenant la détailler.

Le principe de cette méthode consiste à mesurer les différences de potentiels électriques induites par l’injection d’un courant continu entre deux électrodes plantées dans le sol. La donnée obtenue, proportionnelle à la résistance R (en Ω) du matériau, de longueur L (en m) et de section d’aire S (en m²) traversé par le courant électrique est la résistivité électrique :

𝜌 = 𝑅.𝑆𝐿 , (1) avec

𝑅 =𝑉𝐼 . (2)

On voit déjà ici que cette grandeur, inverse de la conductivité σ (𝜌 = 1 𝜎⁄ ), présentant de grandes gammes de valeurs (en Ω.m) et est sensible à la charge électrique du milieu. Cette dernière est contrôlée par de nombreux facteurs tels que la teneur en argiles, la teneur en eau et sa conductivité, ou encore le degré d’altération et de fracturation de la roche. Archie (1941) est un des premiers auteurs à utiliser la résistivité électrique en milieu naturel pour la caractérisation de réservoirs.

Comme nous l’avons vu avec l’équation (2), la loi physique décrivant la circulation d’un champ électrique E (en V.m-1) dans un milieu de conductivité σ (en S.m-1) à l’échelle macroscopique est la loi d’Ohm :

𝐉 = 𝜎𝐄 , (3)

reliant la densité du courant J (en A.m-2) à l’intensité du courant E, obtenue grâce à la mesure du potentiel électrique V (en V) :

𝐄 = −∇𝑉 . (4)

Le potentiel est mesuré grâce à l’injection d’un courant d’intensité I en un point source à la surface, générant des lignes d’équipotentiel électrique dans le sol se propageant radialement dans les trois dimensions de l’espace (Figure 62a). La différence de potentiel ∂V entre deux équipotentielles hémisphériques séparée d’une distance ∂r s’exprime par :

𝜕𝑉

𝜕𝑟 = −𝜌. 𝐽 , (5)

avec

𝐽 =2𝜋𝑟²𝐼 . (6) On a donc après intégration :

𝑉 =2𝜋𝑟𝜌𝐼 . (7) Concrètement, la mesure s’effectue grâce à des électrodes d’injection de courant (nommées A et B ou C1 et C2) à travers lesquelles un courant continu est injecté, et des électrodes de mesure de potentiel (nommées M et N ou P1 et P2) aux bornes desquelles un résistivimètre réalise la mesure (Figure 62a).

Il est donc possible d’exprimer la différence de potentiel mesuré en fonction des distances séparant les électrodes dont on connaît les coordonnées :

∆𝑉 = 2𝜋𝜌𝐼[𝐴𝑀1 −𝐵𝑀1 −𝐴𝑁1 +𝐵𝑁1 ] . (8) et la résistivité électrique : 𝜌 = [ 2𝜋 (𝐴𝑀1 )−(𝐵𝑀1 )−(𝐴𝑁1)+(𝐵𝑁1 )] ∆𝑉 𝐼 = 𝐾 ∆𝑉 𝐼 , (9) avec K, le facteur géométrique, dont la valeur dépend de la géométrie de l’arrangement des paires d’électrodes (Figure 62b).

Figure 62 : Principe de la tomographie électrique, d’après Revil et al., 2012. (a) Arrangement type d’électrodes impliquant deux électrodes d’injection de courant (A et B) et deux électrodes de

mesure de potentiel (M et N) avec les trajets des lignes de courant injectées (rouge) et des équipotentielles générées (bleu) ; (b) Les principaux types d’arrangement d’électrodes (en surface et en sondage), avec a, la distance élémentaire entre deux électrodes, et n, l’entier multiplicateur de

a contrôlant l’écartement des paires d’électrodes ; (c)Schéma expliquant la construction d’une pseudo-section de résistivités apparentes avec l’arrangement en dipôle-dipôle ; (d) Diagrammes

Il est important de noter ici que la mesure réalisée en un point, dépend des résistivités des terrains traversés par le courant en trois dimensions. Ainsi, on appelle la résistivité mesurée sur le terrain, la résistivité apparente (ρa). Afin de connaître la résistivité "vraie", il est nécessaire de passer par un processus d’inversion que nous aborderons plus loin. Grâce à des mesures en laboratoire, on connaît les gammes de valeurs de résistivité propres à de nombreux matériaux, allant du moins résistif (plus conducteur) tels que les métaux, au plus résistif (moins conducteur) comme les roches ignées (Figure 63). L’état d’altération du milieu, ainsi que sa teneur en eau et en argiles jouent fortement sur les valeurs mesurées (Loke, 1996-2014 ; Hack, 2000 ; Samouëlian et al., 2005 ; Revil et al., 2012 ; Everett, 2013).

Figure 63 : Synthèse des gammes de résistivité obtenues pour différents sols, roches et minéraux, d’après Loke, 1996-2014.

Le choix du dispositif utilisé est fondamental pour l’observation que l’on souhaite réaliser, où un compromis entre la profondeur de pénétration, la résolution et la sensibilité (verticale ou horizontale) doit être établi (Figure 64). Dans la suite de ce travail, nous privilégierons l’utilisation du dispositif dipôle-dipôle, qui présente des sensibilités intéressantes à l’imagerie structures verticales ainsi qu’une bonne résolution.

Il existe de nombreuses approches pour mesurer la résistivité d’un terrain. Ainsi, des dispositifs en une dimension (1D), utilisant quatre électrodes, ont longtemps été utilisés pour établir des profils verticaux de résistivité du sol ainsi qu’à travers des sondages, permettant d’établir des profil en pseudo-2D (Daily et al., 1992 ; Ellis et Oldenburg, 1994 ; Slater et al., 1997, 2000 ; Dahlin, 2001 ; Binley et al., 2002 ; Furman et al., 2007 ; Oldenburg et al., 2007 ; Looms et al., 2008 ; Kuras et al., 2009).

Figure 64 : Résumé des caractéristiques des principaux dispositifs utilisés en tomographie électrique. La table résume les caractéristiques d’acquisition (d’après Edward, 1977 et Samouëlin

et al., 2005) et les diagrammes représentent les sections 2D (x;z) des fonctions de sensibilité (la croix blanche indique la localisation du point mesuré), adapté de Loke, 1996-2014.

Grâce à la réduction des temps de calcul des ordinateurs et à l’apparition de résistivimètres multicanaux que la tomographie électrique a connu un réel essor. L’obtention de profil 2D se fait maintenant aisément grâce une acquisition automatisée lors de laquelle le résistivimètre adapte l’espacement élémentaire intra-électrodes (a) et inter-électrodes (n) le long d’une ligne multi-électrodes. Une pseudo-section de résistivités apparentes est alors produite, où chaque point (quadripôle) correspond à la mesure effectuée par deux paires d’électrodes (Figure 62c) (Edward et al., 1977).

La tomographie électrique est également utilisée pour réaliser des cartographies 3D des contrastes de résistivités du sous-sol. Deux approches existent :

- La pseudo-3D consiste à réaliser une série de profils 2D que l’on peut extrapoler (Vanneste et al., 2008) ;

- L’acquisition en 3D est réalisée grâce à une disposition en grille des électrodes et pendant laquelle le résistivimètre mesure les potentiels selon plusieurs directions (Figure 62d) (Zhou et al., 2001 ; Dahlin et al., 2002 ; LaBrecque et al., 2004 ; Singha et al., 2005 ; Friedel et al., 2006 ; Singha et Gorelick, 2006b ; Wisen et al., 2006 ; Wilkinson et al., 2010a, 2016 ; Chambers et al., 2011, 2013 ; Merritt et al, 2014 ; Uhlemann et al., 2015).

Les dispositifs présentés précédemment sont utilisés pour élaborer ces pseudo-sections et leurs sensibilités respectives les rendent adaptées pour imager différentes structures (verticales ou horizontales). Ces arrangements d’électrodes permettent d’atteindre des profondeurs plus importantes en jouant sur les distances a et n. Certains ne permettent d’agir uniquement sur l’espacement élémentaire a (Wenner, pôle-pôle), tandis que d’autres permettent d’atteindre de plus grandes profondeurs d’investigation en agissant sur l’espacement entre les paires d’électrodes n (Schlumberger, dipôle-dipôle, pôle-dipôle). Il est intéressant de remarquer que les dispositifs Wenner-alpha et Wenner-beta correspondent en fait aux dispositifs Schlumberger et dipôle-dipôle respectivement lorsque l’espacement n

de ces derniers est égale à 1. Cependant, nous voyons clairement sur la Figure 64 que la valeur du niveau d’acquisition n influence grandement la sensibilité de la mesure et donc son exactitude. Ainsi, un seuil (n = 6) a été défini pour ces dispositifs de telle sorte à garder des mesures cohérentes (Loke, 1996-2014).

Certains dispositifs utilisent des électrodes placées à l’"infini" (pôles). En pratique, ces électrodes sont placées à une distance assez grande du dispositif principal de mesure (théoriquement au moins 20 fois l’espacement entre A et M assure une erreur inférieure à 5%, l’effet d’une électrode d’injection (et de mesure) est proportionnel au rapport des distances AM/BM (Loke, 1996-2014)) de telle sorte à minimiser leurs effets sur la mesure, tout en produisant de grandes lignes de courant permettant d’atteindre des profondeurs d’investigation très importantes (quelques centaines de mètres). La mise en place de ces dispositifs reste néanmoins lourde et le signal mesuré présente de fait un bruit instrumental faible mais pouvant perturber la qualité de la mesure (grand volume parcouru par l’onde électrique).

L’asymétrie du dispositif pôle-dipôle peut être rectifiée par une double acquisition, où le résistivimètre considère l’électrode "infinie" d’injection en A, puis en B. Les deux profils indiquent ainsi deux asymétries opposées l’une à l’autre qu’il est nécessaire de combiner (Loke, 1996-2014).

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