• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1  : ETAT DE L’ART AUTOUR DES CYCLOADDITIONS [5+2] ET METHODES UTILISEES

B.   Principe de synthèse sous irradiation micro­ondes 45 

Les micro‐ondes sont des ondes électromagnétiques possédant une fréquence comprise  entre 0,3 et 300 GHz. De nos jours, tous les systèmes micro‐ondes domestiques ou dédiés à  la synthèse organique opèrent à la fréquence de 2,45 GHz (correspondant à une longueur  d’onde de 12,24  cm)  pour  ainsi  éviter  des  interférences  avec  les  systèmes  de  télécom‐ munication (type RADAR) et les radiofréquences utilisées dans la téléphonie. L’énergie d’un photon micro‐onde correspondant à cette fréquence est de 0,0016 eV et à cette énergie, il  n’est pas possible de rompre une liaison chimique. C’est pourquoi les ondes micro‐ondes ne  peuvent induire des réactions chimiques en elles‐mêmes.83,84 

L’intérêt du chauffage par irradiation micro‐ondes est la production efficace du chauffage  interne  par  couplage  direct  entre  les  ondes  et  des  molécules  présentes  au  sein  du  milieu  réactionnel  par  les  effets  de  chauffage  diélectrique  micro‐onde.  Etant  électromagnétique,  l’onde micro‐onde  possède  ainsi  deux  composantes :  une  composante  électrique  et  une  magnétique. Mais seule la composante  électrique d’un champ électromagnétique cause un échauffement lors de l’irradiation. Par  ailleurs,  il  existe  deux  principaux  mécanismes  induisant l’élévation de température : la polarisation dipolaire et la conduction ionique.85–87 

D’une part, les dipôles (par exemples les molécules de solvant, les réactifs présents) vont être affectés par la polarisation dipolaire tandis que les particules chargées (généralement  des ions) vont être soumis à la conduction ionique.  

Techniquement  lors d’une irradiation à des fréquences micro‐ondes  (Schéma  37),  les  dipôles et les espèces ioniques présents dans l’échantillon s’alignent sur le champ électrique  appliqué. 

 

  Schéma 37: Principe de l'alignement suivant un champ électrique (micro‐ondes) appliqué à 

Par exemple, pour des molécules d’eau, l’application d’un champ micro‐ondes  va  provoquer  une  rotation de ces molécules qui viennent s’aligner sur le pole électrique de signe contraire. C’est pourquoi la charge partielle négative présente sur les oxygènes s’aligne avec le pôle positif de l’onde appliquée.  

Une série d’oscillations de ce champ va provoquer une oscillation similaire des espèces.  Ces réalignements provoquent une perte d’énergie sous forme de chaleur, d’une part dues  aux frictions des molécules entre elles (et le solvant) et d’autre part par perte diélectrique. Cette traduction d’énergie  en  chaleur  par  un  matériel  ou  une  espèce  chimique  est  un  processus  directement  relié  à  la  capacité  de  la  matrice  à  se  réaligner  sur  la  fréquence  appliquée. Il est à noter que si le dipôle n’a pas suffisamment de temps pour se réaligner ou se réoriente trop rapidement par rapport au champ appliqué, alors il n’y a pas de dissipation d’énergie dans le milieu, et il n’y a donc pas de chauffage. La fréquence de 2,45  GHz  appliquée  dans  les  systèmes  micro‐ondes  se  situe  entre  ces  deux  limites  et  donne  par  conséquent aux dipôles le temps nécessaire de se réaligner.88 

La chaleur produite pendant ce processus est évaluée par le facteur de dissipation, aussi  appelé tangente de perte ou tan δ. Ce tan δ correspond plus spécifiquement à la capacité  d’un matériel à convertir l’énergie électromagnétique en chaleur à une fréquence donnée et  la température obtenue est ainsi évaluée par cette tangente de perte. Mathématiquement,  tan δ est le  rapport  entre  la  perte  diélectrique ε’’ (facteur de perte),  définie  comme  la  quantité d’énergie micro‐onde  perdue  par l’échantillon par dissipation de chaleur et la constante diélectrique ε’ (permittivité relative), définie comme la capacité d’une molécule à être  polarisée  par  un  champ  électrique  et  à  stocker  les  charges  électriques, 

Lorsqu’un solvant organique est utilisé pour ce type de synthèse, celui‐ci  est  classé  dans  l’une des 3 catégories :  

‐ si tan δ > 0,5, alors ce solvant est classé comme ayant un niveau d’absorbance élevé et ainsi il restitue au système par la suite une grande quantité de chaleur, ce qui signifie que la  température du mélange augmentera très vite. On peut citer par exemple l’éthylène glycol  (1,350), l’éthanol (0,941) ou encore le diméthylsulfoxyde (DMSO) (0,825).89–91 

‐ si 0,1 < tan δ < 0,5, alors le niveau d’absorbance du solvant est moyen, ce qui se traduit  par  une  élévation  moyenne  de  la  température  par  rapport  à  des  solvants  ayant  un  haut 

Chapitre 1 : Etat de l’art autour des cycloadditions [5+2] et méthodes utilisées 

niveau d’absorbance.  De  nombreux  solvants  sont  présents  dans  ce  groupe  comme  le  1,2‐ dichlorobenzène (0,280), le diméthylformamide (DMF) (0,161) ou encore l’eau (0,123).89–91 

‐ si tan < 0,1, alors ce solvant est considéré comme ayant un bas niveau, ce qui signifie  que  celui‐ci participera peu à l’élévation de température. Parmi  eux,  on  trouve  comme  exemple  des  hydrocarbures  de  type  toluène  (0,04),  hexane  (0,02)  ou  encore  le  dichlorométhane (0,042) ou le chloroforme (0,091).89–91 

Tableau 2: Facteur de perte tan δ de différents solvants 

Solvant  Tan δ  Solvant  Tan δ  Solvant  Tan δ 

Ethylène 

glycol  1,350  2‐Butanol  0,447  Chloroforme  0,091 

Ethanol  0,941  1,2‐

Dichlorobenzene  0,280  Acétonitrile  0,062 

DMSO  0,825  NMP  0,275  Acétate 

d’éthyle  0,059 

2‐propanol  0,799  Acide acétique  0,174  Acétone  0,054 

Acide 

formique  0,722  DMF  0,161  THF  0,047 

Méthanol  0,659  1,2‐

Dichloroéthane  0,127  DCM  0,042 

Nitrobenzène  0,589  Eau  0,123  Toluène  0,040 

1‐butanol  0,571  Chlorobenzene  0,101  Hexane  0,020 

Le chauffage d’une réaction repose sur trois paramètres. Le premier est une élévation de  température  par  chauffage  du solvant.  Pour cela, il est  nécessaire que le facteur  de  perte  soit  au  moins  supérieur  à  0.1.  Le  second  cas  est  une  élévation  de  température  due  à  l’irradiation des réactifs dans un solvant transparent (tan δ <0.1) ou sans solvant. On utilise  un  solvant  transparent  en  synthèse  micro‐ondes  pour  deux  raisons :  éviter  les  réactions  parasites  avec  les  réactifs  d’une part,  et d’autre part limiter la  dégradation  du  solvant  à  haute température, comme c’est le cas avec le DMF (supérieure à 150°C), qui se dégrade en  diméthylamine et en acide acétique et parfois une provoque une production de monoxyde  de carbone. 

Une dernière manière d’augmenter la température est l’utilisation d’éléments chauffant passifs. En effet dans certains cas, la température souhaitée n’est soit  pas  atteignable par  l’irradiation seule du solvant ou des réactifs, soit la montée vers cette température est lente 

et nécessite plusieurs dizaines de minutes.  Une première solution  est l’ajout de liquide ou  solide  ionique  au  mélange  réactionnel.  L’ajout  d’un  liquide  ionique,  tel  que  1‐butyl‐3‐ méthylimidazolium  hexafluorophosphate  ([bmim]PF6)  possédant  une  forte  absorption  des 

micro‐ondes et donc une forte restitution de chaleur au milieu, a été particulièrement étudié  ces  dernières  années.  Depuis  la  première  introduction  de  ce  type  de  réaction  par  Ley  en  2001,92 les liquides ioniques ont été très largement utilisés,93–97 dont un exemple est donné  ci‐après98 (Schéma 38). 

 

Schéma 38: Exemple de synthèse sous irradiation micro‐ondes utilisant un liquide ionique, le  [IsMIM]PF6 93 

Dans  cet  exemple  décrit  par  Leadbeater,  les  auteurs  utilisent  un  liquide  ionique,  le  [IsMIM]PF6  (93),  dans  le  toluène  pour  effectuer  une  réaction  de  Diels‐Alder  entre  le 

butadiène 86a et l’acrylate de méthyle (92) pour obtenir le carboxylate correspondant 94. Il  est  à  noter  que  cette réaction n’est pas effectuée en fonction de la température  mais  en  fonction de la pression du réacteur micro‐onde à 300 bars et une puissance délivrée fixe de  100  W.  Cela  veut  donc  dire  que  si  la  pression  reste  constamment  sous  les  300  bars,  la  puissance délivrée sera constamment de 100 W. Un rendement de 80% est obtenu pour le  composé 94 dans ces conditions. 

Plus généralement, les liquides ioniques ont la particularité de changer complètement les  profils  de  température  des  réactions  et  sont  thermiquement  très  stable.  Leadbeater  et  Torenius98 ont déterminé qu’une petite quantité de ces liquides (0.1 mmol par ml de solvant)  suffit  à  augmenter  drastiquement  la  température.  De  plus,  beaucoup  de  liquides  ioniques  sont  non‐miscibles avec la plupart des solvants organiques, ce qui facilite d’une part le traitement des bruts réactionnels, mais permet aussi leur relatif recyclage. 

L’utilisation de solide inorganique peut‐être également envisagé. Il peut s’agir d’ajout  direct de poudre dans le milieu, d’ajout d’un élément cylindrique ou d’utiliser un réacteur spécifique, constitué par exemple de carbure de silicium.99–102 Ce matériau absorbe de façon 

Chapitre 1 : Etat de l’art autour des cycloadditions [5+2] et méthodes utilisées 

intense les ondes micro‐ondes et est inerte envers les réactifs contenu dans ce réacteur.   En ce qui concerne spécifiquement les éléments en carbure de silicium, deux stratégies sont  envisageables : l’utilisation des réacteurs en carbure de silicium d’une part (b) ou l’ajout à la  solution à l’intérieur d’un réacteur micro‐ondes classique en Pyrex d’un cylindre de carbure  de silicium (a) (Figure 8). 

 

Figure 8: (a) Réacteur micro‐ondes de type Pyrex de 10 ml contenant un agitateur  magnétique et un cylindre d'élément passif chauffant de carbure de silicium (SiC). (b) 

Réacteur micro‐ondes constitué uniquement de SiC 

Le dernier point abordé ici est  la réduction de l’énergie délivrée par un système micro‐ onde pour chauffer une réaction103 (Figure 9).  

 

Figure 9: Consommation énergétique d’une synthèse sous irradiation micro‐ondes (1),  classique en ballon avec un bain d’huile (2) et  classique avec un chauffe‐ballon (3)     

Comme le montre les graphiques ci‐dessous, l’énergie délivrée par un appareillage micro‐ ondes  pour  une  réaction  donnée  (100  kJ  environ,  (1))  est  largement  inférieure  en  comparaison  avec  une réaction  effectuée par chauffage classique en  bain d’huile (1800 kJ environ, (2)) ou avec une réaction effectuée dans un chauffe‐ballon (1200 kJ environ, (3)). De  plus, la différence entre l’énergie totale délivrée et l’énergie nécessaire pour la réaction est plus  grande  pour  une  réaction  classique  en  bain d’huile (200 kJ environ) que pour un chauffage par micro‐ondes (inférieure à 50 kJ), ce qui implique la possibilité d’effectuer des réactions  secondaires  de  plus  grande  énergie  que  celle  de  la  réaction  souhaitée.  Cette  constatation apporte donc un intérêt particulier à l’utilisation des micro‐ondes en synthèse  organique. 

Après  avoir  abordé  les  aspects  théoriques  des  réactions  sous  irradiation  micro‐ondes,  nous allons voir à présent les applications des micro‐ondes aux synthèses d’hétérocycles.