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1 Les apports de la modélisation numérique pour la compréhension des interactions mécaniques entre

1.2 Fondements mécaniques pour la conception d’emboiture

1.2.1 Principe de fonctionnement des emboîtures quadrilatérales

Les emboîtures quadrilatérales sont un concept d’emboîture imaginé par Radcliffe à la fin de la seconde guerre mondiale afin de répondre au besoin des mutilés de guerre (Radcliffe, 1955).

Comme cela a été détaillé précédemment, la zone distale du membre résiduel est une zone particulièrement douloureuse qui ne peut donc pas servir d’appui pour transmettre, entre autres, l’effort vertical appliqué par la prothèse. L’ischion s’est alors révélé être une zone d’appui privilégiée pour la transmission des actions mécaniques de l’emboîture au membre résiduel. Le bord proximal des emboîtures quadrilatérales est donc constitué d’un plateau sur lequel peut s’appuyer l’ischion (Figure 12a).

Naturellement, le bassin a tendance à basculer du côté sain, autour d’un point pivot situé quelque part sur l’appui ischiatique, du fait de l’action du poids du corps de la personne amputée (Figure 13). Les principes mécaniques sous-jacents à la conception de l’emboiture ont été décrits par Radcliffe. Dans la suite de ce paragraphe, une mise en équation rigoureuse a été conduite en considérant les hypothèses suivantes : résultante des actions mécaniques dans le plan horizontal négligée et équilibre statique. L’objectif est d’asseoir la compréhension des concepts mécaniques dans le plan frontal et le plan sagittal et de préparer l’interprétation des résultats de la modélisation éléments finis en dégageant le sens physique.

Figure 13 : Action du poids du corps de la personne amputée (P) sur le bassin autour d’un point pivot Pp localisé sur l’appui ischiatique.

En isolant le corps de la personne amputée, à l’exception du membre résiduel et de la prothèse, les actions mécaniques appliquées au système sont : l’action du fémur (FF), l’action des tissus mous (FMR), les actions musculaires (T) et le poids de la personne (P). Les actions des ligaments sont négligées ici (Figure 14a).

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Figure 14 : Interactions entre le membre résiduel fémoral et l'emboîture dans le plan frontal. (a) Bilan des forces appliqué au corps de la personne amputée, (b) Bilan des forces induisant un moment d'abduction au bassin au point PP. (c) Bilan des forces induisant un moment d'abduction au bassin au point CTF (d)Bilan des

forces agissant sur le fémur (e). Actions induisant un moment d’abduction du le fémur (f) Bilan des forces appliqués à l'emboîture. (g) Représentation de l’interaction entre l’emboîture et le membre résiduel, comprenant

les tissus mous, le fémur et le bassin, telle que décrite par (Radcliffe, 1955).

D’après le Principe Fondamental de la Statique :

Équation 1 : {𝜏(𝐵̅→𝐵)} = {𝜏(𝑀𝑅→𝐵)} + {𝜏(𝑇→𝐵)} + {𝜏(𝑃→𝐵)} + {𝜏(𝐹→𝐵)} = {0}

Le théorème de la résultante implique que :

Équation 2 : 𝑅⃗ (𝐵̅→𝐵)= 𝐹 𝑀𝑅+ 𝑇⃗ + 𝑃⃗ + 𝐹 𝐹= 0

En supposant les composantes horizontales et le moment de l’action du fémur négligeable au point CTF, le théorème du moment résultant en au centre de la tête fémorale induit d’autre part pour le moment d’abduction dans le plan frontal :

Équation 3 : 𝑀𝑐𝐴𝑏𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛𝑇𝐹 (𝐵̅→𝐵)= −𝑦× 𝑇 − 𝑧× 𝐹𝑀𝑅+ 𝑥× 𝑃 = 0

Radcliffe précise également que plus de 50 % de l’effort vertical transmis au bassin passe par l’appui ischiatique.

En isolant le fémur (Figure 14d), le bilan des forces comprend : l’action du bassin (FB), l’action des muscles (T) ainsi que l’action de contact des tissus mous (FE) et du poids du fémur (PF). Pour simplifier l’action des tissus mous est représentée par un effort de réaction localisé au barycentre des pressions la zone où les contraintes appliquées au fémur sont les plus importantes.

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Équation 4 : {𝜏(𝐹̅→𝐹)} = {𝜏(𝐸→𝐹)} + {𝜏(𝑇→𝐹)} + {𝜏(𝑃𝐹→𝐹)} + {𝜏(𝐵→𝐹)} = {0}

Le théorème de la résultante implique que :

Équation 5 : 𝑅⃗ (𝐹̅→𝐹)= 𝐹 𝐸+ 𝑇⃗ + 𝑃⃗ 𝐹+ 𝐹 𝐵 = 0

En supposant le moment de l’action du fémur et de l’action du poids du fémur négligeables au point CTF, le théorème du moment résultant au centre de la tête fémorale, CTF, induit (Figure 14e) pour le moment d’abduction dans le plan frontal :

Équation 6 : 𝑀𝐶𝐴𝑏𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛𝑇𝐹

(𝐹̅→𝐹)= −𝑤 × 𝐹𝐸+ 𝑦 × 𝑇 = 0

L’action des muscles que le fémur se trouve en position d’abduction c’est-à-dire en contact avec la paroi de l’emboîture, par l’intermédiaire des tissus mous.

En isolant l’emboîture (Figure 14f) il vient que les actions mécaniques appliquées au système sont les suivantes : l’action de la prothèse (FB), le poids de l’emboîture (PE) et l’action des tissus mous (FMR).

Équation 7 : {𝜏(𝐸̅→𝐸)} = {𝜏(𝑀𝑅→𝐸)} + {𝜏(𝐹𝑝→𝐸)} + {𝜏(𝑃𝐸→𝐸)} = {0}

En particulier, l’action des tissus mous est une action de contact répartie sur l’ensemble de la surface de l’emboîture. Dans la (Figure 14f), cette action est distribuée en deux principales actions : l’appui sous ischion et le serrage. Par analogie avec les illustrations de (Radcliffe, 1955), l’appui sous ischion est représenté par l’action S, le serrage dans le plan frontal par les actions M et L.

Les mêmes actions mécaniques interviennent dans le plan sagittal (Figure 15). Il faut toutefois noter une différence des répartitions de l’action des tissus mous sur l’emboîture en fonction du cycle de marche (Figure 15d). En effet selon l’instant du cycle de marche, le recrutement musculaire est principalement celui des extenseurs de hanche ou celui des fléchisseurs de hanche. L’extension ou la flexion du fémur induite par l’action des muscles entraîne donc un appui localisé sur le mur antérieur ou postérieur de l’emboîture (Figure 15b).

En particulier, on peut s’intéresser au moment de flexion appliqué sur le corps de la personne amputée, à l’exception du membre résiduel et de la prothèse, au centre de la tête fémorale, toujours en négligeant les composantes horizontales des efforts au regard des composantes verticales (Figure 15f) :

Équation 8 : 𝑀𝑐𝐹𝑙𝑒𝑥𝑖𝑜𝑛𝑇𝐹

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Figure 15 : Interactions entre le membre résiduel fémoral et l'emboîture dans le plan sagittal. (a) Bilan des forces appliqué au corps de la personne amputée, (b) Bilan des forces agissant sur le fémur. (c) Bilan des forces appliqués à l'emboîture, (d) Représentation de l’interaction entre l’emboîture et le membre résiduel, comprenant les tissus mous, le fémur et le bassin, telle que décrite par (Radcliffe, 1955) (e) Bilan des forces induisant un

moment d'abduction au bassin (f) Bilan des forces induisant un moment d'abduction du fémur.

Plusieurs conclusions émanent de ce bilan mécanique :

 La composante verticale du poids du sujet est égale à la somme des composantes verticales des actions des muscles, des tissus mous et du fémur. L’ensemble de ces composantes interviennent donc dans le torseur des actions intersegmentaires entre le membre résiduel et le bassin.  Plus l’appui ischiatique est éloigné du centre de la tête fémorale, moins les muscles abducteurs

de hanche ont besoin d’être sollicités (Équation 3).

 L’action des muscles implique que le fémur est dans une position en abduction dans les tissus mous, qui est donc en contact avec le bord latéral de l’emboîture. Dans le plan sagittal, selon que le fémur soit position d’extension ou de flexion, le contact est soit avec le mur antérieur ou postérieur de l’emboîture.

 Dans le plan sagittal, l’appui ischiatique induit un moment d’extension de hanche (Équation 8).  Le contact avec le fémur induit des contraintes superficielles importantes sur la zone distale du mur latéral ainsi que sur les murs antérieur ou postérieur de l’emboîture. L’appui ischiatique induit une concentration de contraintes sur la zone proximale des parois médiale et postérieure de l’emboîture.

Radcliffe en déduit plusieurs impératifs pour la conception des emboîtures quadrilatérales. Tout d’abord, l’appui de l’ischion doit être le plus éloigné possible du centre de la tête fémorale afin de moins solliciter les muscles du membre résiduel, en particulier dans le plan frontal, les muscles abducteurs. En outre, les

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muscles étant mieux recrutés à leur longueur de repos (Ullrick, 1967), le fémur doit être positionné légèrement en adduction dans l’emboîture, pour anticiper l’abduction de l’os induite par les actions des abducteurs. Pour arriver à ce résultat, le mur médial de l’emboîture doit être parallèle au sol tandis que le mur latéral, plus pentu, est plus serré au niveau distal sur le membre résiduel. Le serrage de l’emboîture est principalement réalisé sur la dimension antéro-postérieure de l’emboîture. Une partie de l’effort vertical induit par le poids peut alors être également repris par un appui postérieur permettant ainsi de réduire la taille de l’appui ischiatique. La dimension antéro-postérieure étant très serrée sur le membre résiduel, la dimension medio-latérale est adaptée afin de permettre à la personne amputée d’enfiler son emboîture.