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A partir de la simulation des signaux, la spectroscopie d’absorption X possède de nombreux atouts pour l’étude de la spéciation des éléments traces dans les sols car elle permet d’obtenir des informations structurales. Malheureusement, sa principale limite est inhérente à la nature des échantillons naturels. En effet, les sols et les sédiments sont des milieux hétérogènes et un élément est généralement présent sous plusieurs formes (systèmes multiphasiques). Comme le signal mesuré reflète l’environnement moyen de l’élément étudié, l’XAS de poudre est donc peu sensible aux formes minoritaires, alors masquées par les formes majoritaires. Ce phénomène est accentué lorsque ces formes minoritaires sont constituées d’atomes légers. Ainsi, le cuivre ayant une forte affinité pour la matière organique, et celle-ci étant hétérogène, l’application de cette technique à cet élément est délicate.

Cette difficulté peut être contournée en complétant les mesures d’XAS de poudre en couplant par des mesures de micro-fluorescence X (ȝ-XRF), de micro-spectroscopie X (ȝ-XAS), et de micro-diffraction X (ȝ-XRD). La micro-fluorescence X donne accès à la répartition des éléments chimiques majeurs et en traces et donc à leurs associations. Mais des conclusions déduites de cette seule technique pourraient se révéler infondées, voire fausses. Supposons, par exemple, que l’on observe sur une carte de fluorescence X une association Cu-Fe. Il est tentant de conclure que le cuivre est inclus dans une seule espèce ferrifère, par exemple la chalcopyrite CuFeS2. Or ce minéral peut être recouvert d’oxyhydroxyde de fer issu de l’oxydation du sulfure et dans lequel une fraction des atomes de Cu aurait été piégée. Dans le minéral primaire Cu est un élément majeur, tandis que dans le minéral secondaire c’est un élément mineur ou trace selon sa concentration. Les atomes de cuivre n’ayant pas le même environnement structural dans chacun des cas, cette ambiguïté peut être levée par ȝ-XAS, d’autant que la fraction de Cu contenue dans chacune des phases porteuses du système binaire devrait normalement varier d’un point d’analyse à l’autre facilitant ainsi leur discrimination (Fig. 3.1).

Dans les sols, la taille des hétérogénéités peut descendre jusqu’au nanomètre et les signaux obtenus par ȝ-XAS restent alors fondamentalement des signaux moyens, cependant il est tout de même possible à cette échelle d’obtenir le signal d’espèces pures dont la taille est supérieure à celle du faisceau (Fig. 3.2) et la contribution des espèces minoritaires est ponctuellement renforcée, ce qui facilite leur identification. Dans la pratique, la spectroscopie

P-XANES, dont le temps d’acquisition est relativement court (une vingtaine de minutes), permet d’analyser un grand nombre de points. Lorsqu’un spectre ȝ-XANES est suffisamment différent des précédents, un spectre ȝ-EXAFS est enregistré. Sur l’ensemble des signaux P-XANES obtenus, les proportions des espèces sont variables. L’Analyse en Composantes Principales (ACP) permet alors de déterminer le nombre d’espèces pures présentes dans la matrice. Une opération mathématique associée, la transformation cible (Target Transformation en anglais), permet de déterminer si le spectre d’une espèce connue (référence) fait partie des composantes du jeu de données et donc de déterminer si cette espèce est présente ou non dans le système étudié. Dans le cas d’espèces pour lesquelles il n’existe pas de référence, le couplage avec la ȝ-XRD fournit des informations sur la structure cristalline éventuelle de la phase porteuse. Une fois le nombre et la forme des espèces connues, la spectroscopie d’absorption X de poudre permet de quantifier la spéciation de l’élément étudié, c’est-à-dire de déterminer la proportion de chacune des espèces dans le volume analysé. Cette démarche analytique est largement utilisée pour étudier la spéciation des éléments traces dans les sols naturels (Manceau et al. 2002; Manceau et al. 2004; Sarret et al. 2004; Panfili et al. 2005; Isaure et al. 2005; Kirpichtchikova et al. 2006).

Figure 3.1: Cartographie ȝ-XRF et spectres ȝ-XRF et ȝ-XANES de deux spots. Pour chacun des spots

le rapport de l’intensité de fluorescence da la raie KD du cuivre sur l’intensité de fluorescence de la raie KD du fer (Ifluo.KD[Cu]/ Ifluo.KD[Fe]) est proche, pourtant les signatures spectrales ȝ-XANES au seuil K du cuivre sont très différentes. Le fer est en rouge, le cuivre en vert et le calcium en bleu.

Toutefois, cette méthode d’identification et de quantification présente quelques limites. Il faut tout d’abord que les fractions de chaque espèce varient d’un point d’analyse à l’autre et que les signatures spectrales des espèces soient suffisamment différentes (au sens ou les différences doivent être significatives vis-à-vis du bruit présent sur les données). Ensuite, son succès dépend de la base de données des spectres XAS de référence, qui doit être la plus

complète possible. Enfin, le choix du nombre et des spectres de référence à utiliser pour la reconstruction du spectre de poudre se fait à partir de l’analyse des résultats de l’ACP. A l’heure actuelle, les indicateurs usuels associés à cette technique présentent des comportements atypiques (Beauchemin et al. 2002) et les jeux de données étudiés étant relativement limités (une trentaine de spectres au maximum) le choix est souvent fait à partir de l’appréciation de l’expérimentateur. Or pour une évaluation la plus rigoureuse possible de l’ensemble des formes de l’élément, il est indispensable de multiplier les observations puis de traiter l’information par une approche statistique fiable.

Figure 3.2 : Principe du ȝ-XAS. Dans cette technique la taille du faisceau X est de l’ordre de quelques

dizaines de ȝm². Dans le cas de gauche, le signal obtenu est la moyenne pondérée des signaux des espèces A B et C. Dans le cas de droite le signal obtenu est celui de l’espèce A.

L’objet de la suite de ce chapitre est de présenter, au travers de l’étude de cas expérimentaux représentatifs des pollutions au cuivre dans les sols (mine de cuivre et rejets anthropiques en milieu périurbain), l’application de cette approche couplée qui mettra en évidence les difficultés rencontrées pour la détermination du nombre de phases cuprifères.