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PARTIE I : STABILITE DES PENTES EN MILIEU SOUS – MARIN (Synthèse bibliographique)

Chapitre 2 : Les instabilités gravitaires rencontrées sur les pentes continentales

2.2. Principaux types de processus gravitaires 1. Les glissements en masse

Le processus de glissement défini la mise en mouvement d’une masse de sédiment sur un plan de cisaillement basal. La structure interne de la masse de sédiment est peu ou pas du tout déformée. En fonction de la nature et de l’intensité de la déformation qui affecte le matériel mobilisé, nous pouvons différencier trois catégories des glissements en masse : les glissements sensu stricto ou les

slides (glissements translationels), les slumps (glissements rotationnels) et le fluage (creeping). La

différence entre un glissement translationel (slides) et un glissement rotationnel est représentée par la géométrie de la surface de rupture qui sera plate pour les glissements s. s. et courbe pour les

slumps.

Les slides s’initient par l’apparition d’une fracture de cisaillement le long des plans de cisaillements

discrets. Le volume de sédiments impliqués peut être considérable, allant jusqu’à 300 km3 d’après

Stow (1986). La déformation interne de la masse glissée est très faible. La figure I-11 présente un

schéma idéalisé d’un slide initié dans un matériel normalement consolidé et montre les différents

types de déformation qui peuvent affectées la masse glissée. Parmi ces structures de déformation on peut compter de la tête vers la queue, les suivantes :

- des failles et des fentes d’extension initiées dans la partie amont de la masse glissée

- des microfailles et des plis qui affectent la masse de sédiment mise en mouvement

- des failles (rides) de pression qui apparaissent à l’avant de la masse glissée

Les slumps, quant à eux, représentent des mouvements en masse d’importants volumes de

sédiments, suivant des fractures de cisaillement et accompagnés d’une déformation interne (rotation). La déformation se manifeste par des structures extensives (fente de tension, faille normale) à l’arrière, et par des structures compressives (faille inverse, pli) à l’avant (figure I-12).

La partie centrale, peut préserver plus ou moins la structure initiale. La distance parcourue est pour les slumps plus importante par rapport à celle parcourue par les slides.

Figure I-11 : Schéma d’un slide montrant les différentes structures de déformation dans un sédiment normalement consolidé (traduit d’après Martinsen, 1989).

Figure I-12 : Modèle idéalisé d’un slump montrant la variété et la distribution de différentes structures de déformation interne (traduit d’après Martinsen, 1989).

Le fluage du sédiment (creeping) est un processus de déformation à long terme. Le phénomène peut

s’initier sur des pentes modérées à faibles. La déformation des couches sédimentaires apparaît le long d’une zone de décollement due à la contrainte induite par la charge de la colonne sédimentaire. La déformation s’effectue à charge constante et à faible vitesse, par réorganisation des liaisons électrochimiques entre les particules et par variation de la pression interstitielle (Stow et al., 1996 ; Mulder et Cochonat, 1996).

Caractérisation de paramètres d’un glissement

Après l’identification d’un glissement nous allons essayer de décrire et quantifier certains

paramètres qui caractérisent le glissement. La figure I-13 présente l’exemple d’un glissement et les paramètres que l’on peut quantifier :

- la hauteur du glissement (de la loupe d’arrachement),

- la surface et le volume du glissement,

- la distance parcourue,

- l’épaisseur du dépôt gravitaire.

Figure I-13 : Définition de paramètres d’un glissement (Edgers et Karlsrud, 1982)

Le calcul de la hauteur moyenne du glissement ou de la taille de la cicatrice d’arrachement est assez facile par rapport au volume des sédiments mobilisés. D’après Canals et al. (2004), il existe quatre manières de calculer le volume d’un glissement:

- La première méthode de calcul consiste à créer une bathymétrie pré-glissement dans la zone d’arrachement. Pour y arriver, il faut avoir une loupe d’arrachement bien définie, sans d’autres objets à l’intérieur.

- La deuxième approche est de calculer le volume des sédiments déposés, ce qui implique de connaître l’épaisseur total du dépôt et son extension latérale. Pour bien contraindre l’épaisseur du dépôt gravitaire, il est nécessaire d’établir un modèle de vitesse de compression (Vp), ce qui n’est pas toujours possible.

- Une troisième méthode consiste à établir la limite inférieure du dépôt, correspondant à la bathymétrie avant dépôt, et en suite, calculer le volume déposé au-dessus. Cette méthode n’est pas très utilisée, car il faut avoir une bonne résédimentution bathymétrique dans la zone, et de ne pas supposer une surface plane.

- La quatrième méthode de calcul consiste à comparer la bathymétrie avant et après le glissement. Cette méthode peut être appliquée dans les zones où l’on dispose de cartes bathymétriques de la même résédimentution avant et après l’événement.

Lors de la description morphologique des glissements dans les deux zones d’étude, les différentes méthodes de calcul seront appliquées en fonction du type de glissement et de données disponibles. 2.2.2. Les coulées de débris

Les coulées de débris, débris-flows, sont caractérisées par la présence de fragments de taille variable

(sable, gravier, bloc), qui sont maintenus en suspension par une matrice souvent cohésive (argile et silt). L’écoulement se déplace sous l’action de la gravité même sur des pentes faibles (> 0.5°). Le déplacement de l’écoulement est favorisé par une relative imperméabilité de la matrice par rapport à l’eau qui, en limitant sa dilution, maintient sa densité et donc sa capacité de transport (Stow et al., 1996). Un lit d’eau peut se mettre en place à la base de la coulée de débris ; on parle alors de phénomène d’hydroplanning (Mohrig et al., 1998), qui diminue le frottement basal et le pouvoir érosif de la coulée.

Au moment où les contraintes basales de cisaillement diminuent, la coulée s’arrête très rapidement

et se fige (freezing) (Middleton et Hampton, 1973 ; Stow, 1992). Du fait de ce dépôt en masse, une

coulée de débris se présente sous une forme massive, chaotique, avec une répartition aléatoire des éléments grossiers au sein de la matrice (Middleton et Hampton, 1973). Seule la partie basale peut conserver des imbrications ou un granoclassement inverse, du fait du cisaillement existant durant le déplacement de l’écoulement (Middleton et Hampton, 1973).

2.2.3. Les écoulements granulaires

Les écoulement granulaires, grain-flows, représentent des mélanges viscoplastiques de grains non

cohésifs, où la pression dispersive et les interactions entre les grains assurent la dispersion des grains et engendre la mobilité du mélange. L’initiation de ce processus gravitaire se produit uniquement dans un matériel non cohésif (sable, silt). La présence d’une pente forte (> 18°, Middleton et Hampton, 1973) est nécessaire pour que l’écoulement puisse s’autoentretenir. Dès que la pente diminue, l’énergie potentielle et cinétique de l’écoulement devient inférieure à l’énergie dissipée par les frottements, et donc l’écoulement s’arrête (Lowe, 1976).

La sédimentation de l’écoulement granulaire se fait “en masse“. Le dépôt est massif et présente des limites franches. Il peut présenter un granoclassement inverse à la base et des figures d’échappement des fluides (Middleton et Hampton, 1973).

2.2.4. Les écoulements liquéfiés

Les écoulements liquéfiés, liquefied flow, sont caractérisés par le fait que les particules non

cohésives (sable, silt) sont maintenues en suspension par la surpression dû au fluide interstitiel. La diminution de la résistance effective du matériel granulaire réduit alors la friction interne du sédiment (Mulder et Alexander, 2001). S’il y a un mélange homogène sédiment - eau, on parle d’écoulement liquéfié. La liquéfaction est un phénomène spontané. L’écoulement est possible tant que la surpression interstitielle reste supérieure à la pression hydrostatique. La dissipation de la surpression interstitielle se réalise de la base vers le sommet de l’écoulement (“freezing upward“ ; Middleton et Hampton, 1973).

Ce type d’écoulement se présente sous la forme de dépôts silteux ou sableux, massifs et homogènes. Les dépôts peuvent présenter des figures d’échappements de fluide (“dishes structures“ et “dykes“ ; Nardin et al., 1979).

2.2.5. Les courants de turbidité

Le courant de turbidité représente un courant de densité ou un courant gravitaire (Simpson, 1982), dans lequel la turbulence du fluide maintient la dispersion de grains. La concentration des sédiments dans le fluide permet de définir des courants de turbidité de : (1) basse densité et (2) haute densité (Middleton et Hampton, 1973 ; Nardin et al., 1979 ; Lowe, 1982 ; Mulder et Cochonat, 1996). La concentration des particules au sein de l’écoulement est variable, mais reste inférieure à 9 % du volume total (limite de Bagnold) (Bagnold, 1962). Le transport peut s’effectuer sur des grandes distances, car l’écoulement a la capacité de s’entretenir en trouvant un équilibre dynamique (Bagnold, 1962 ; Middleton et Hampton, 1973). La différence entre l’énergie que l’écoulement dépense avec l’action des forces de frottement et l’énergie cinétique qu’il gagne lors du trajet sur la pente, influence la durée de l’écoulement (Stow, 1996).

Dès 1962, Bouma propose le modèle d’une séquence type de turbidite, connu sous le nom de “séquence de Bouma“, à partir des observations réalisées sur la formation des “Grès d’Annot“ (bassin SE de la France). La séquence-type est composée de 5 intervalles avec, de la base au sommet, les termes Ta, Tb, Tc, Td et Te (Bouma, 1962) (figure I-14a) :

- Ta : intervalle à sable massif, pouvant contenir des graviers ou des galets ;

- Tb : intervalle inférieur à laminations parallèles, composé par des laminations de sables fins et de sables très fins à faible teneur en argiles ;

- Tc : intervalle à rides de courant qui contient du sable très fin et silt à stratifications obliques, des structures convolutes et un granoclassement normal ;

- Td : intervalle supérieur à laminations parallèles, composé par une alternance de lamines de sable très fin ou de silts ou de lamines argileuses ;

- Te : intervalle pélitique, composé de sédiments très fins (argiles), peu structurés, avec un léger granoclassement normal.

L’intégralité de la séquence de Bouma n’est pas toujours observée. Elle est tronquée soit de ses termes supérieurs soit de ses termes inférieurs. Bouma (1962) avait associé l’évolution verticale des

termes, de a à e, à l’évolution au cours du temps de la capacité de transport et de la vitesse du

courant de turbidité. Sanders (1965) montre que le dépôt de la séquence de Bouma est réalisé par

deux processus différents : (1) le passage d’un “lit coulant de grains“ est responsable du terme a et

(2) le passage d’un courant turbulent est à l’origine des termes de b à e (figure I-14b).

Schématiquement, un courant de turbidité comprend, longitudinalement trois régions : la tête, le corps et la queue (Middleton et Hampton, 1973) et verticalement souvent deux parties : une partie basale dense ayant une vitesse plus importante et une concentration en sédiment plus forte que la partie supérieure formée d’un panache de fluide turbulent (Middleton et Hampton, 1973 ; Postma et al., 1988). En se basant sur une étude statistique concernant différentes caractéristiques des faciès sédimentaires (épaisseur des bancs, granulométrie, figures d’érosion, contacts, etc) dans différents

bassins, Walker (1967) met en évidence l’évolution des faciès entre les dépôts proximaux et les dépôts distaux (figure I-14c).

Figure I-14: (a) Séquence de Bouma : termes a, b, c, d et e ; (b) Schéma montrant la composition bipartite d’un courant de turbidité et les profils de vitesses (Postma et al., 1988) ; (c) Evolution de la séquence de Bouma en fonction de la localisation (proximal, distal) par rapport à la source (inspiré de Walker et al., 1967).

Ainsi, la sédimentation de la séquence de Bouma est expliquée par deux mécanismes différents et les caractéristiques des dépôts révèlent une évolution proximale/distale de ces deux mécanismes au cours du transport.