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3.3 L A MISE EN DÉPÔT DE MATÉRIEL DRAGUÉ DANS LE S AINT -L AURENT

3.3.2 Les principaux secteurs de dépôts

Il existe deux types de sites de dépôt pour déblais de dragage dans le Saint-Laurent : les zones de dépôts en eau libre et les aires de dépôts contrôlées. Durant toute l’histoire des travaux de dragage dans le Saint-Laurent, le matériel dragué a été déposé à divers endroits à même le fleuve, parfois sans trop d’organisation mais le plus souvent déposé le long du chenal maritime par soucis d’économie. Quelques fois le matériel a été utilisé pour remblayer les quais. Entre 1937 et 1946, les matériaux dragués ont été déposés, comme le suggérait le rapport du conseil interministériel en 1937, à des endroits spécifiques de manière à compenser les effets du dragage effectué. On ne connaît malheureusement pas le lieu précis où a été déposé le matériel, mais les responsables du dragage indiquent que le dépôt de matériaux dragué a permis des améliorations notables des niveaux d’eau à plusieurs endroits dans le fleuve Saint-Laurent (Transports, 1946). Plusieurs dépôts ont été effectués sur des îles du Saint-Laurent, ayant ainsi des répercussions sur leur élévation et leur drainage. La localisation de ces sites « modifiés » est difficile étant donné la rareté des sources et l’étendue de la période pendant laquelle se firent des dépôts de dragage.

Les aires de dépôts connues et contrôlées ont commencé à être utilisées par la GCC au début des années 1960. On connaît mieux leur superficie et surtout l’historique des dépôts qui y ont été effectués. Les prochaines sections traitent des caractéristiques des principales zones contrôlées de dépôt de matériel dragué.

3.3.2.1 Delta des îles de Sorel

Plusieurs sites contrôlés ont été utilisés pour le dépôt de sédiments de dragage. Dans le rapport annuel de 1915 du ministère de la Marine et des Pêcheries, on indique que conformément à la recommandation des membres de la commission nommée pour faire enquête et rapport sur le régime des eaux du fleuve Saint-Laurent à Montréal et en aval de cette ville, on a commencé à construire des digues compensatoires. Afin de diminuer le coût des travaux, il a été décidé de se servir autant que possible des matériaux de dragage provenant du chenal maritime et de déposer ces matériaux sur les emplacements des digues projetées. En 1915, des matériaux de dragage ont été donc déposés sur les futurs sites des reversoirs des îles de Sorel : dans le chenal aux Corbeaux (entre l’île de Grâce et l’île Lapierre), dans le chenal des Barques (entre l’île aux Barques et l’île du Moine), et dans le chenal du Moine. En 1915, on déposa aussi du matériel dragué en face de Repentigny, entre l’île à la Bague et l’île Bellegarde, et dans le secteur de Pointe du lac, à l’endroit où des seuils naturels ont été enlevés vers la fin du 19e siècle.

Selon le rapport annuel du ministère de la Marine et des Pêcheries (1929), on utilisa des matériaux de dragage comme matériel de remplissage pour la construction de nouveaux quais des ports du

Saint-Laurent. Cela a été le cas en 1915 pour les nouveaux quais du chantier naval de Sorel. Cette façon de faire avait été adoptée également par les Commissaires du port de Montréal au 19e siècle.

Dans le secteur des îles de Sorel, on utilisa entre 1916 et 1930 quelques zones afin de déposer le matériel dragué lors des travaux du chenal de 10,7 m. Ces zones sont situées de part et d’autres du chenal maritime et sont cartographiées sur la carte du ministère de la Marine et des Pêcheries et annotée par l’hydrographe Parizeau en 1938.

Dans cette section du chenal maritime, les travaux subséquents ont eu lieu entre 1940 et 1946 alors que l’on redressa considérablement le chenal maritime entre l’île Lapierre et l’île du Moine. Dans le secteur fluvial des îles de Sorel, les aires de dépôt créées par la GCC ont été utilisées pour le dépôt de matériel provenant des travaux d’approfondissement de 1992 et de 1998. Ces aires, au nombre de 4 et cartographiées sur les cartes marines actuelles, sont situées le long du rivage sud de l’île Saint-Ignace.

3.3.2.2 Lac Saint-Pierre

Au fil des années, un important volume de sédiments dragués a été déposé le long du chenal maritime du lac Saint-Pierre. Vers le milieu du 19e siècle, les responsables des travaux de dragage désiraient déposer les dépôts de dragage sur une ligne au sud du chenal afin de canaliser celui-ci et afin d’éviter des effondrements causés par les courants et les vagues.

La Figure 16 montre une partie des zones de dépôt de dragage du lac Saint-Pierre utilisées au cours du 20e siècle. Ces zones sont situées le long du chenal maritime (bandes jaunes et rouge là où il y a eu le plus d’accumulation) et on peut aussi apercevoir les îlots artificiels qui ont été construits dans les années 1960 en bordure du chenal maritime (centre du lac). Dans ce secteur, les zones de dépôt forment deux bandes continues longeant le chenal de part et d’autre. Une zone de dépôt importante se trouve directement au sud de l’ancrage de Yamachiche (Figure 17). Cette cartographie a été effectuée à partir des données du MNT du fleuve Saint-Laurent qui a été développé par Environnement Canada.

Figure 16 : Aperçu des zones de dépôt et des îlots artificiels du lac Saint-Pierre

La carte marine du ministère de la Marine et des Pêcheries annotée par Parizeau en 1938 détermine les limites des zones de dépôt utilisées entre 1910 et 1937 environ. Ces zones ont une étendue plus importante que celles utilisées au 19e siècle. On remarque la présence de quelques zones de dépôt le long du chenal dans le delta des îles de Sorel et à l’entrée du lac proprement dit. Ensuite, les dépôts s’étendent en bandes étroites, des deux côtés du chenal et sur presque toute sa longueur. Enfin, quelques zones de dépôts étaient présentes près de la Courbe no. 3 et à la sortie du lac (Figure 17 ).

Lors de la construction du mouillage de Yamachiche entre 1949 et 1951, on déposa les matériaux dragués dans une zone située au sud de ladite zone. Entre 1968 et 1970, les travaux de dragage ont été effectués par des dragues aspiratrices qui refoulaient les déblais de dragage à une distance de 450 m du chenal maritime (Pellegrin, 1976).

Au cours du 20e siècle, plusieurs travaux de dragage d’entretien ont été effectués dans le lac Saint-Pierre, principalement dans les secteurs des courbes du chenal dans la partie amont du lac et au centre du lac.

Lors des travaux d’entretien, le matériel dragué a été généralement déposé au dessus de zones situées au centre du lac, au nord ouest de l’ancrage de Yamachiche et à la sortie du lac Saint-Pierre (Figure 17).

La connaissance des zones de dépôt de matériel provenant des dragages d’entretien est en partie assurée par le rapport du ministère des Travaux publics (1989). Ce rapport comprend des données sur les travaux de dragage d’entretien dans le chenal depuis 1945 environ (volumes dragués, fréquence et cartographie) ainsi que des données sur les zones où ont été déposés les matériaux de dragage (volumes, fréquence et cartographie).

L’ancrage de Yamachiche ne requiert pas de travaux sur une base régulière mais entraîne l’excavation de volumes relativement importants de matériaux (1990, 1977 et 1957) (Procéan, 1996). Avant 1988, des aires de dépôt ont été choisies pas la GCC afin d’accueillir les sédiments provenant des travaux d’entretien à cet endroit. À partir de 1989 environ, la GCC créa de nouvelles aires de dépôt en plus de prolonger certaines aires déjà existantes. Les matériaux qui ont été dragués dans le lac Saint-Pierre au cours des dernières années ont été déposés principalement au sud-est de l’ancrage de Yamachiche et aussi dans une aire de dépôt en face de Cap-de-la-Madeleine (Procéan, 1996). Les limites géographiques des aires de dépôt sont cartographiées sur la carte marine actuelle du lac Saint-Pierre.

Depuis environ 50 ans, les dépôts des matériaux de dragage se sont principalement faits au centre du lac (ce qu’on appelait autrefois les flats ou les hauts fonds du lac Saint-Pierre), de part et d’autre du chenal maritime sur de grandes superficies longilignes.

Figure 17 : Zones utilisées au 20e pour le dépôt de matériel dragué dans le tronçon fluvial du lac Saint-Pierre

Il est important de noter que le dépôt de sédiments provenant des activités de dragage a fait l’objet de plusieurs controverses au cours des dernières années, en particulier au lac Saint-Pierre. En 1988 par exemple, la GCC avait retenu un emplacement pour un site de dépôt, qui se trouvait dans les limites d’un important site de pêche commerciale. À l’époque, divers intervenants et utilisateurs du lac craignaient que le choix de ce site ne provoque une perturbation et une forte baisse des activités de pêche. À la demande du ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, la GCC adopta un nouvel emplacement pour son site de dépôt.

Au cours des dernières années, la GCC a fait effectuer des travaux de dragage dans le chenal maritime : le projet de dragage de 1992, le projet du dragage sélectif de 1998 et plusieurs travaux d’entretien du chenal maritime ou encore dans le Port de Sorel. Au fil des ans et parallèlement, des recherches ont montrées que le lit du Saint-Laurent contenait des contaminants aux métaux lourds. En 1992, on établissait les

« Critères intérimaires pour l’évaluation de la qualité des sédiments du Laurent » (Centre

Saint-Laurent et MEQ, 1992) afin de déterminer des seuils d’effets mineurs des contaminants sur le milieu et ainsi mieux gérer, dans ce cas ci, les déversements de sédiments dans le Saint-Laurent.

En 1998, lorsqu’a été prise la décision de déverser du matériel dragué dans le lac Saint-Pierre en face du village de Yamachiche, celui-ci provenant entre autres du Port de Sorel et de la rivière Richelieu, les résidents de cet endroit et quelques groupes environnementaux ont critiqué fortement cette pratique (Trahan, 1998). On accusa les responsables du dragage et le ministère de l’Environnement du Québec de ne pas ternir compte du rapport du BAPE (1998), celui-ci ayant conclu que le rejet de sédiments dans le lac Saint-Pierre était inacceptable et nuisible pour l’écosystème.

3.3.2.3 Contrecœur

Le chenal de Contrecœur nécessita des travaux de dragage très importants. Ce secteur constitue en effet l’un des principaux endroits où ont été déposés des matériaux de dragage entre Montréal et Québec au 20e siècle. Dans le rapport de Auclair (1995) effectué dans le cadre de Saint-Laurent Vision 2000, on indique que l’on déposa du matériel sur ou le long de plusieurs îles de l’archipel de Contrecœur : îlets à Lacroix, îles du Pilier, de la Cache, Chipeau, aux Rongeurs, à Lefebvre, de la Petite Colonie, Duval, Saint-Ours et Viau. Une cartographie sommaire des endroits de dépôts de dragage est présente dans ce rapport. Selon cette cartographie, le dépôt de matériel dragué se serait fait dans des zones d’herbier aquatique : une large bande le long de la partie ouest de l’île Saint-Ours et une autre bande suivant le chenal au sud sur une bonne distance (entre du début de la section jusqu’à la courbe Bellmouth).

Les zones utilisées pour le dépôt de matériel dragué entre 1915 et 1926 à l’occasion des travaux du chenal de 10,7 m ont été utilisées jusqu’en 1952. Dans cette section, les travaux de dragage subséquents ont eu lieu entre 1954 et 1960 alors qu’on a élargi le chenal à une largeur minimale de 244 m. Lors de ces travaux, on se servit du matériel dragué afin de créer des monticules dont certains forment des îlots émergés et submergés. Ces monticules ont été maintenus en place grâce à l’existence d’un haut-fond artificiel, lui-même conçu avec des sédiments de dragage et situé entre le chenal maritime et cette zone de dépôt. Ce haut-fond forme une barrière qui ralentit le courant et diminue l’impact des vagues et leur pouvoir d’érosion (Comité d’étude sur le fleuve Saint-Laurent, 1978). On peut aussi apercevoir sur des photos aériennes récentes la trace de certains dépôts sur l’île Saint-Ours. Les différentes zones utilisées dans le secteur de Contrecœur pour la mise en dépôt du matériel dragué selon sont cartographiées à la Figure 18.

Figure 18 : Zones utilisées au 20e pour le dépôt de matériel dragué dans le tronçon fluvial de Contrecœur

3.3.2.4 Îles de Boucherville

Le dépôt de matériel dragué dans le secteur des îles de Boucherville ne date pas d’hier. Au 19e siècle, on déposait déjà du matériel dragué dans le chenal de Pointe-aux-Trembles sur des sections peu profondes le long des battures Tailhandier. Entre 1884 et 1887, certains résidents des municipalités riveraines de la rive sud de Montréal, affligés par d’importantes inondations du Saint-Laurent, soutenaient que ces dernières étaient liées au dépôt massif de matériel dragué le long des battures et au sud du haut-fond de Longueuil (Côté et Morin, 2007).

Au 20e siècle, on continua toutefois de déposer du matériel dragué le long des battures Tailhandier. La carte du SHC annotée par Parizeau en 1938 montre que les zones de dépôt s’étendent sur une bande continue entre le chenal de Pointe-aux-Trembles et les battures. Ces zones ont été utilisées entre 1910 et 1928, entre 1938 et 1940 et entre 1946 et 1951. Les travaux de dragage subséquents ont eu lieu entre 1965 et 1968 alors qu’on a élargi le chenal à une largeur minimale de 244 m. Le matériel dragué lors des travaux de dragage plus récents a été vraisemblablement déposé dans une aire de dépôt située entre la courbe de Longue Pointe et le rivage de l’île Sainte-Marguerite, aux abords du tracé du pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine.

3.3.2.5 Batiscan à cap Charles

Cette section très rocheuse du Saint-Laurent constitue le plus important secteur dragué à l’est du lac Saint-Pierre. Les zones ayant vraisemblablement utilisées pour le dépôt de matériel entre les années 1910 et 1952 environ sont connues car leur limite géographique est cartographiée sur la carte du SHC annotée par Parizeau. On assume que ces zones ont été utilisées jusqu’en 1952 pour le dépôt de matériel provenant à la fois des travaux de dragage de capitalisation et des travaux d’entretien.

Dans cette section, d’autres travaux ont eu lieu en 1954-1955 alors qu’on creusa le mouillage de Batiscan, et entre 1965 et 1971 alors qu’on procéda à des travaux d’élargissement majeur.

Enfin, au cours des dernières décennies, la GCC créa des aires de dépôts en marge du chenal. Celles-ci sont situées à divers endroits le long du chenal maritime et servent au dépôt de matériel provenant des travaux d’entretien, et aussi probablement des travaux de dragage récents (1992 et 1998).

3.3.2.6 Autres secteurs de dépôt

3.3.2.6.1 Île aux Vaches

En 1978, dans un rapport du Comité d’étude sur le fleuve Saint-Laurent, on indiquait que l’île aux Vaches constituait à l’époque un site de dépôt « en voie de remplissage ». On indiquait que la construction d’un émissaire de la CUM amènerait, sur l’île aux Vaches une quantité appréciable de mort terrain et d’enrochement. Les matériaux proviendraient des travaux d’excavation et de dragage et seraient contenus à l’intérieur d’une digue (Comité d’étude sur le fleuve Saint-Laurent, 1978).

3.3.2.6.2 Cap-de-la-Madeleine

Cette aire de dépôt de 1750 m x environ 300 m est située peu après la courbe du chenal face à Cap-de-la-Madeleine du côté nord du chenal. Entre 1988 et 1996, une partie des sédiments provenant des travaux de dragage d’entretien dans le lac Saint-Pierre a été déposée dans cette aire de dépôt (Procéan, 1996). Le secteur du chenal maritime qui se trouve entre Trois-Rivières et Cap-à-la Roche constitue une importante zone de sédimentation. Entre 1988 et 1994, un total de 303 000 m3 de sédiments y a été extrait. Les matériaux dragués ont été déposés dans l’aire de dépôt de Cap-de-la-Madeleine (Procéan, 1996).

3.3.2.6.3 Saint-Pierre-les-Becquets

Cette aire de dépôt de 1860 m x 290 m est située le long du chenal maritime, du côté sud un peu avant l’ancrage de Batiscan. Selon les informations obtenues, cette aire de dépôt a été utilisée à partir de 1986.

On l’utilise principalement pour y déposer les sédiments provenant des travaux de dragage d’entretien dans l’ancrage de Batiscan, secteur important de sédimentation demandant des travaux d’entretien

réguliers. Avant 1986, les résidus de dragage provenant de l’ancrage de Batiscan étaient rejetés en aval de l’estuaire de la rivière Batiscan (Procéan, 1996).

3.3.2.6.4 Dépôts terrestres

Depuis quelques années, on semble vouloir privilégier les techniques de mise en dépôt terrestre. Cette pratique n’est certainement pas une nouveauté puisqu’on pratique le dépôt en berges depuis le 19e siècle.

Nombreuses sont les îles sur lesquelles a été déposé du matériel dragué. Ces opérations ne sont malheureusement pas documentées. Parmi les dépôts terrestres les plus connus, mentionnons les battures Tailhandier, les îles de Sorel et les battures de Beauport près du port de Québec. Durant les années 1960-1970, l’autorité du port de Québec se servit du matériel dragué dans le port afin de remblayer les battures de Beauport.

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