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7. Synthèse et conclusions générales

7.2 Principaux résultats

La caractérisation d’un cône de tempête actuel et l’identification des paléotempêtes dans le système lagunaire palavasien ont pu être réalisées avec une approche muli-traceur, principalement à partir de l’étude d’archives sédimentaires prélevées le long de plusieurs transects. L’étude de la géochimie (éléments majeurs et traces) et des minéraux argileux nous permet de définir quatre sources différentes susceptibles de contribuer au remplissage sédimentaire de la lagune: le bassin versant de la Mosson, la barrière sableuse, les rejets anthropiques et l’activité biologique de la lagune (section 3.3.). Les deux pôles principaux sont d’une part le bassin versant de la Mosson caractérisé par des concentrations élevées en Al2O3 et Fe2O3 et de fortes teneures en Smectite. Et d’autre part, le cordon littoral principalement composé de SiO2, CaO, et pour les argiles d’Illite et de Chlorite contenant également des minéraux lourds avec d’importante teneur en Zr (apport provenant du Rhône). Cette étude permet de définir les rapports SiO2/Al2O3, Zr/Al2O3 et Smectite/(Illite + Chlorite) traçant les apports sédimentaires provenant du cordon littoral, durant les périodes de tempêtes (section 3.3.). De plus, l’analyse de la taille des grains présents dans les carottes, permet de définir principalement deux populations granulométriques avec une fraction fine (argile - silt)

caractéristique de la sédimentation lagunaire, et une plus grossière (silt - sable) liée au fonctionnement d’un cône de tempête. Les données faunistiques obtenues sur les différentes populations de mollusques permettent d’identifier des espèces spécifiques de l’environnement lagunaire telle que Hydrobia acuta alors que d’autres, comme Bittium recticulatum, se rencontrent dans ce milieu quand il est dominé par une forte influence marine, liée à l’action d’une tempête. Cela nous a amené à définir une séquence de sédimentation caractérisant la présence d’un cône de tempête au sein d’une sédimentation lagunaire (section 3.2.). L’analyse de ces différents traceurs selon plusieurs transects de carottages, trace l’influence de ces dépôts de tempêtes à des distances supérieures à 600 depuis le cordon jusque dans la lagune. De plus, l’analyse des profils sismiques, corrélée aux données obtenues sur les carottes, permet d’associer deux réflecteurs majeurs à des événements de tempêtes affectant l’ensemble de la lagune. Ce milieu apparaît donc comme un environnement idéal pour reconstituer l’histoire des tempêtes du passé.

L’établissement d’un cadre chronologique aux archives sédimentaires étudiées, a été réalisé à deux échelles temporelles distinctes. Sur des courtes périodes de temps, de l’ordre du dernier siècle, nous avons utilisé les données 210Pb et 137Cs, obtenues par spectrométrie gamma, afin de déterminer la vitesse actuelle de comblement. Les taux de sédimentations présentent des variations entre 4.2 et 2.65 mm.an-1, selon les différentes carottes (section 3.2. et 4.2.). Seule la carotte PB06 a été analysée à haute résolution avec un échantillon tous les centimètres. Les vitesses d’accumulations obtenues sur PB06 à l’aide des pics du 137Cs (essais nucléaires, Tchernobyl) et d’un modèle simple de bioturbation pour le 210Pb sont en bonne adéquation et donnent un taux moyen de 2.65 ± 0.2 mm.an-1 (section 4.1.). Connaissant la profondeur actuelle de cette lagune (environ 65 cm) nous pouvons nous attendre à un comblement de ce système dans 200 à 250 ans, sans tenir compte de l’élévation actuelle du niveau marin et de la diminution de l’espace lagunaire (progradation du delta et recul du cordon).

Afin d’obtenir une chronologie à l’échelle de l’Holocène, des datations par 14C sur des mollusques ont été réalisées. Cependant, le milieu lagunaire fortement influencé par les apports continentaux présente un âge réservoir important qui varie au cours du temps en fonction du bilan eau douce/eau marine et donc de l’évolution du milieu lagunaire. L’âge réservoir de la lagune actuelle (fortement isolée), est estimé à 943 ± 25 14C an, par corrélation avec les données de 210Pb, 137Cs et l’utilisation d’archives textuelles (section 4.2.). Cependant, l’étude de la malacofaune présente dans ce milieu, montre un changement important de cet

d’une lagune protégée (section 5.1.). L’âge réservoir durant cette période est donc plus faible et égal à 618 ± 30 14C an, valeur marine estimée pour le Golfe du Lion. La chronologie 14C est donc calibrée en corrigeant de la déviance de ces âges réservoirs par rapport à l’âge réservoir marin global (∆R), selon les différents environnements de dépôts. Nous pouvons ainsi calculer le taux de sédimentation qui varie de 1 mm.an-1 (entre 6500 et 1000 ans cal B.P.) à 2.7 mm.an-1 (pour le dernier millénaire) (section 4.2.). On remarque que la vitesse de sédimentation obtenue pour les derniers 1000 ans est identique à celle acquise par la chronologie 210Pb et 137Cs pour le XXème siècle.

Le croissement des différents traceurs associé à des données radiochronologiques, nous permet d’identifier trois événements extrêmes de tempêtes au cours du Petit Age Glaciaire (PAG). Ces trois événements ont une intensité supérieure à celle de 1982, soit au moins de catégorie 3 sur l’échelle de Saffir-Simpson (section 3.2. et 6.1.). Les données historiques présentes dans les délibérations communales, relatent les tempêtes ayant affecté la région, permettant ainsi, par corrélation avec les archives sédimentaires, de donner un âge précis à ces trois niveaux de sables, datés en 1742, 1848 et 1893. Le lien clairement établi entre ces trois événements majeurs nous autorise à conclure que depuis les 500 dernières années les tempêtes enregistrées dans nos archives ont affecté l’ensemble du système lagunaire. Ces événements extrêmes ont probablement ébranlé toute la région en comparaison avec les effets de la dernière grosse tempête datant de 1982, d’intensité trop faible pour être présente dans nos enregistrements (section 6.1.).

La morphologie du cordon littoral ayant varié depuis 7000 ans (section 5.1.), nous ne pouvons pas comparer les événements entre eux, en terme d’intensité (section 6.2.). Notre enregistrement permet de reconstituer la variabilité de ces événements extrêmes au cours de l’Holocène mettant en évidence six périodes d’augmentation de l’activité des tempêtes datées à 6200, 5500, 4400, 3200, 1500 an cal B.P. et durant le PAG (section 6.2.). Le PAG est également une période où l’activité hydrologique des fleuves de la région se trouve perturbée avec une recrudescence des phénomènes de crues (section 6.1.). Les autres périodes de forte activité des tempêtes durant l’Holocène sont en anti-phases avec les phases d’aridification affectant la partie Nord Ouest de la Méditerranée. Cela nous permet de supposer que les phénomènes de fortes précipitations et de tempêtes sont étroitement liés à l’échelle de l’Holocène, comme suggérées par les données instrumentales pour la période actuelle.

L’augmentation de l’activité des tempêtes est corrélée aux périodes froides, décrites dans l’Atlantique Nord au cours de l’Holocène, et associée à une diminution des températures aux

pôles (section 6.1. et 6.2.). De plus ces périodes de forte activité sont en phase avec celles enregistrées à l’échelle du bassin Ouest Méditerranéen et dans l’Europe du Nord, laissant suggérer un mécanisme affectant toute cette zone durant les périodes froides.

L’un des mécanismes climatiques modérant l’activité des tempêtes à l’échelle de cette région est l’Oscillation Nord Atlantique (NAO) (section 6.1.). Cependant ce phénomène oscillatoire affecte l’Europe du Nord lors de sa phase positive et la Méditerranée en phase négative. Il est donc difficile d’associer ce mécanisme à l’augmentation des tempêtes dans ces deux zones. Les reconstitutions de l’indice NAO au cours des 500 dernières années ne montrent pas non plus de corrélation claire avec notre enregistrement lors du PAG. De plus une approche statistique menée en collaboration avec des modélisateurs du climat (section 6.1.), sur la période 1960-2001, montre que les 204 événements de tempêtes, dans la zone d’étude durant cette période, sont principalement associés (26%) à la phase positive du mode de circulation atmosphérique EAP (Eastern Atlantic Pattern). Alors que la phase négative du NAO (North Atlantic Oscillation) ne représente que 14% du signal. Ainsi il semble délicat d’associer les tempêtes au phénomène NAO à cause de l’échelle temporelle, en effet il y a des difficultés inhérentes pour lier des phénomènes d’une durée de 2 à 3 jours avec des moyennes mensuelles de l’index NAO.

Un autre mécanisme peut être invoqué pour expliquer l’augmentation des tempêtes durant les périodes froides. Il est lié à l’amplification du gradient thermique en lien avec la diminution des températures aux hautes latitudes (section 6.1.). Ce gradient thermique à l’origine des courant-jets troposphériques (circulant d’Ouest en Est à nos latitudes) est un milieu favorable, par interaction barocline (isobares recoupant les isothermes), aux cycles d’évolution des dépressions et des tempêtes. Cette altération atmosphérique à grande échelle peut être responsable de l’augmentation des vents violents et des fortes précipitations dans les régions de l’Europe du Nord et de la Méditerranée de l’Ouest, durant le PAG. Bien que les processus induisant les périodes froides au cours de l’Holocène sont encore sujets à discussions, nous supposons que le mécanisme invoqué ci-dessus pour le PAG peut être à l’origine de l’augmentation de l’activité des tempêtes durant ces périodes froides au cours de l’Holocène expliquant ainsi notre enregistrement (section 6.2.).

La reconstitution de la fréquence et de l’intensité des paléotempêtes dans le domaine côtier languedocien est indispensable en regard de l’augmentation de la population vivant sur le littoral actuel (section 6.1.). En effet, le nombre d’habitants a été multiplié par un facteur 15 depuis le milieu du 18ème siècle, avec un fort accroissement surtout au cours des 40 dernières

événements climatiques extrêmes. Les archives sédimentaires étudiées durant ce travail montrent qu’aucun événement catastrophique de tempête n’a directement affecté cette région durant le XXème siècle. Cependant si le régime de tempêtes enregistré durant le PAG revenait à l’heure actuelle, les implications seraient dramatiques. Enfin, pour conclure il apparaît primordial de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de cette augmentation, afin de réaliser des prévisions les plus précises possibles quant à l’exposition des populations et des activités humaines dans cette région au risque de tempête.

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