B- Les détails de la démarche
I- Principaux résultats
Au terme de l’analyse des résultats, il apparaît que dans la prise en charge des personnes
présentant un trouble de l’adaptation, le rôle du médecin généraliste est déterminé par la relation
et la communication avec le patient.
La prise en charge est facilitée quand la relation est bien établie, et lorsque le patient verbalise, le
médecin assure son rôle d’accompagnement. Il ne ressent pas le besoin d’outils d’évaluation,
l’entretien est suffisant pour entrer dans une relation d’aide à l’autre.
Au contraire, lorsque la relation échoue ou le patient ne verbalise pas, le médecin se sent limité
et a tendance à orienter vers une aide extérieure.
La bonne conduite d’un entretien clinique prend toute sa place dans cette prise en charge, sans se
limiter à la bonne connaissance du patient et de l’entourage déjà préétablie.
Nous l’avons vu, le médecin a tendance à adopter de manière inconsciente des attitudes
relationnelles, telles que définies par Porter [15].
Il s’appuie la plupart du temps sur une stratégie intuitive influencée à la fois par son expérience
professionnelle et par son expérience personnelle.
De même, la relation qu’il met en place avec son patient est souvent subjective, parfois familière.
Il lui arrive de s’impliquer émotionnellement.
Tous ces éléments peuvent favoriser une prise en charge personnalisée, adaptée au patient et à sa
situation.
En effet, le but n’est pas d’écarter complètement ces éléments instinctifs et subjectifs dans la
prise de décision. « La décision médicale étant conditionnée pas uniquement par les données
validées de la science mais par le croisement de ces données avec les circonstances cliniques et
les préférences du patient », en se basant sur l’EBM [16][17].
L’important est de les reconnaitre, d’avoir conscience de leurs influences.
Selon Balint dans Techniques psychothérapeutiques en médecine [18], « le remède classique
contre les effets indésirables des émotions incontrôlées ou inconscientes du médecin est
l’analyse personnelle » ; « le remède particulier, qui nous a paru assez satisfaisant, est la
participation à une discussion suivie du cas, où les membres non impliqués du séminaire peuvent
plus facilement reconnaitre les émotions du médecin que le médecin impliqué lui-même ».
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C’est pourquoi, demander la réflexivité du patient nous impose de l’être avec nous-même en tant
que personne et en tant que thérapeute. Le médecin doit être capable de délibérer sur ses propres
pratiques, les partager, afin de les améliorer et appréhender de nouvelles pistes d’action.
Au travers de cette enquête, la majorité des médecins a, d’une part pris conscience d’une
problématique qui ne les avait pas nécessairement interrogés au préalable, et d’autre part pu
exprimer leurs ambivalences face à leurs limites.
Les médecins reconnaissent leurs limites par rapport à cette prise en charge, identifient leurs
ressources, sans être toutefois vraiment prêts à pouvoir changer.
L’enquête a ainsi mis en lumière plusieurs points d’ambivalence :
Face à la relation établie avec le patient : essayer de trouver le juste équilibre entre une
attitude « dirigiste » de conduite d’entretien, et la tentation d’un certain « paternalisme ».
Manque de temps fréquemment évoqué : si certains médecins sont prêts à dépasser le
temps de consultation, d’autres ne le souhaitent ou ne le peuvent pas.
Une pratique plutôt satisfaisante par les médecins généralistes, malgré le manque de
formation spécifique en psychiatrie
Dans la majorité des cas, la mise à disposition d’outils dédiés n’est pas plébiscitée, mais
dans les situations les plus complexes, certains médecins indiquent que des outils
pourraient apporter un appui utile.
Ecart entre la fréquence de la pathologie en médecine générale et le manque de formation
initiale. Au regard du nombre de cas de personnes souffrant d’un trouble de l’adaptation,
celui-ci apparaît en définitive comme peu spécifique, et relevant pleinement du rôle de
médecin généraliste « non spécialisé ni en psychologie ni en psychiatrie ».
Si les médecins généralistes ont l’impression d’être limités par leurs compétences en psychiatrie,
le but n’est pas de les former pour qu’ils deviennent des psychothérapeutes mais de les aider à
accompagner au mieux ces personnes, d’améliorer leurs capacités à l’identification du trouble et
de mettre à leur disposition les outils pour la prise en charge.
Les médecins utilisent souvent, sans les nommer et sans en avoir totalement conscience, des
outils relationnels et communicationnels suffisants à ce type de prise en charge.
Comme soutient Donald A. Schön dans Le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché
dans l'agir professionnel [19] : « Chose certaine, ils en savent plus qu'ils ne le laissent
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Les outils communicationnels et relationnels ne sont donc pas des outils de spécialistes en
psychologie, psychiatrie, coaching ou autres mais bien des outils que les médecins généralistes
devraient s’approprier en toute conscience et réflexivité dans leur contexte professionnel.
Nous l’avons compris, la prise en charge de ces patients passe avant tout par la verbalisation du
vécu du patient et il est donc nécessaire de créer un cadre propice à celle-ci.
Le travail du médecin consiste à diriger le cadre, la temporalité sans diriger la parole.
Expliciter son vécu va permettre au patient de prendre conscience, de prendre du recul.
L’entretien est centré sur :
l’histoire du patient
ses émotions et leur contexte
la connaissance du patient :
identifier ses besoins, ses attentes, ses représentations
appréhender les différents aspects de sa vie et de sa personnalité, évaluer ses
potentialités, ses motivations
appréhender la manière de réagir du patient à sa situation et ses ressources
personnelles et aussi environnementales.
Ceci revient à élaborer un diagnostic éducatif [20]. Selon l’OMS [21], « il s'agit d'un recueil
systématique, détaillé et itératif d'informations par le soignant, concernant la situation
bioclinique, éducative, psychologique et sociale du patient. »
Il faut également que le patient se sente écouté, compris.
Pour cela, le médecin doit utiliser des outils de communication, tels que :
l’écoute active, attentive, bienveillante, respectant les silences, en vérifiant la
compréhension du contenu du message et le sentiment de l’interlocuteur par la
reformulation, le résumé
des questions ouvertes.
La qualité de la relation dépend des attitudes du médecin qui nous rappellent les 3 attitudes
fondamentales de Carl Rogers [22] :
acceptation du patient tel qu’il est sans jugement et dans sa globalité
compréhension empathique
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