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Cette thèse comporte deux objectifs. Le premier est d’encourager les collaborations entre généticiens et dynamiciens des populations en proposant un concept qui englobe des processus génétiques et démographiques. Nous avons choisi de définir et décrire l’effet Allee génétique. Le deuxième objectif est de rechercher l’existence d’un effet Allee génétique et de ses éventuelles conséquences démographiques dans des populations expérimentales de V. canescens, un Hyménoptère dont le système de détermination du sexe entraîne la production de mâles stériles dans les populations dont la diversité génétique est faible.

Pour répondre au premier objectif, nous avons proposé une définition des effets Allee génétiques. Un effet Allee génétique est un effet Allee élémentaire qui apparaît quand deux conditions sont réunies. La première condition est une relation entre la taille de population et un paramètre de la structure génétique (ex : hétérozygotie, richesse allélique). La deuxième condition est une relation entre ce paramètre de la structure génétique et une composante de la fitness. Pour qu’un effet Allee génétique soit observé, la direction des relations (positive ou négative) dans les deux conditions doit être telle qu’une réduction de la taille de la population entraîne une baisse d’une composante de la fitness. Une recherche bibliographique nous a permis de détecter 15 études décrivant un effet Allee génétiques, dont la plupart ne mentionnent pas le terme « effet Allee ». Les résultats de la recherche bibliographique suggèrent qu’il existe de nombreux autres cas d’effets Allee génétiques, qui n’ont été décrits moins précisément que les exemples cités dans l’article I (e.g. études citées par Leimu et al. 2006). Nous avons donc jugé important d’inclure dans l’article des conseils pour détecter un effet Allee génétique, en recommandant la création de populations expérimentales dont on peut manipuler la taille et la diversité génétique indépendamment l’une de l’autre. La dépression de consanguinité, le fardeau de dérive et le fardeau de migration sont les trois mécanismes impliqués dans l’apparition d’effets Allee génétiques. Nous rapportons deux cas d’effets Allee démographiques générés par un effet Allee génétique. Un effet Allee démographique d’origine génétique est aussi suspecté dans 5 autres études (citer) dont liste n’est pas exhaustive. Les effets Allee génétiques joueraient donc un rôle non négligeable dans l’apparition d’effets Allee démographiques car seule une quinzaine de cas d’effet Allee démographique pour lequel on connait le mécanisme de l’effet Allee élémentaire ont été mentionné dans la review de Kramer et al. (2009). Un effet Allee démographique dû à un effet Allee génétique

correspond à une démographie-génétique-démographie qui peut initier un vortex d’extinction s’il s’agit d’un effet Allee fort.

Plusieurs travaux préparatoires ont été effectués avant de commencer les expérimentations visant à répondre au 2ème objectif : tester expérimentalement la présence d’un effet Allee génétique, et éventuellement démographique, dû à la production de mâles diploïdes chez V. canescens.

Nous avons mis au point des marqueurs microsatellites qui permettent de mesurer à la fois la ploïdie des mâles et des paramètres de génétique des populations. Dans les expériences suivantes, nous utiliserons la diversité de ces marqueurs comme un proxy de la diversité génétique au gène du csd.

Nous avons recherché la présence d’un effet Allee génétique dû à la production de mâles diploïdes dans des populations naturelles et captives. Les populations isolées et/ou goulotées avaient une diversité génétique plus faible aux marqueurs microsatellites et une proportion de mâles diploïdes plus élevée. On peut donc supposer que ces populations subissent un effet Allee génétique : dans les populations plus petites les femelles produisent moins de descendants fertiles.

La dépression de consanguinité a été mesurée chez femelles des femelles de V. canescens. Un seul trait, charge en œufs à l’émergence, est affecté par la dépression de consanguinité. La charge en œufs à la mort ne l’est pas. Même dans l’hypothèse où la charge en œufs resterait plus faible pour les femelles consanguines tout au long de leur vie, la production d’œufs par les femelles consanguines reste élevée (charge de 100 œufs à la mort sans ponte). En situation de compétition, les femelles sont limitées par le nombre d’hôtes disponibles, et pas par leur charge en œufs. Le nombre d’hôtes parasités sera donc le même, que les femelles soient consanguines ou non. Par contre, dans les populations naturelles, il se peut que la compétition soit plus faible, auquel cas les femelles consanguines auraient une fécondité plus faible que les autres. Enfin, on ne peut pas exclure que d’autres traits, que nous n’avons pas mesurés, soient affectés par la dépression de consanguinité.

Nous avons ensuite mesuré la fitness des mâles diploïdes et ses conséquences pour la population. Les mâles diploïdes sont similaires aux mâles haploïdes mais ont une probabilité d’accouplement plus faible et sont stériles. Les femelles accouplées à mâles diploïdes sont pseudo- vierges : elles produisent autant de descendants que les femelles accouplées, mais uniquement des mâles. La production de mâles diploïdes peut générer deux types d’effet Allee génétique. Le premier concerne les femelles mères des mâles diploïdes et est présent dans toutes les populations quand la taille de population diminue, le nombre de descendants fertiles produit par femelle diminue. Le deuxième effet Allee génétique concerne les femelles accouplées avec des mâles

diploïdes dans des petites populations où le sex ratio est biaisé vers les mâles. Dans ce cas, les mâles étant plus nombreux que les femelles, ils ont une probabilité d’accouplement, et donc une fitness, réduite. D’après les résultats de simulations d’un modèle théorique, une plus faible probabilité d’accouplement des mâles diploïdes réduit la probabilité d’extinction. Sous certaines conditions (faible capacité de charge et taux d’accroissement élevé, comme dans les populations de l’expérience suivante), les populations avec femelles pseudo-vierges subissent plus d’extinctions que les populations dans lesquelles les femelles accouplées à des mâles diploïdes produisent des descendants triploïdes non viables.

Dans des populations expérimentales de V. canescens, nous avons recherché la présence d’un effet Allee génétique, donc élémentaire, et d’un effet Allee démographique dus à la production de mâles diploïdes. Nous avons créé des populations expérimentales de V. canescens avec différents niveaux de diversité génétique initiale (manipulée via le nombre de fondateurs) et au cours du temps (manipulée via la présence ou l’absence de flux de gènes et la capacité de charge). Ces populations ont été élevées en interaction avec celles de leur hôte de façon à favoriser la mise en place d’une dynamique hôte-parasitoïde et donc de goulots d’étranglement récurrents. Les populations ont été suivies sur plusieurs générations. Les deux effets Allee génétiques précédemment décrits ont été détectés : les populations dont la diversité génétique est faible ont une proportion plus élevée de mâles diploïdes (donc moins de descendants fertiles) et un sex ratio plus biaisé vers les mâles (donc une plus faible probabilité d’accouplement des mâles). Par contre, aucun effet Allee démographiques n’a été détecté : le taux d’accroissement et la probabilité d’extinction ne sont pas influencés par la production de mâles diploïdes. Les extinctions observées, qui concernent presque toutes els populations, seraient donc surtout due à la stochasticité démographique.