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Chapitre IV Interaction hydrodynamique locale-structure et

IV. 2. Principaux résultats et discussion

Les biofilms obtenus à la fin de l’expérience de croissance, présentent des physionomies différentes. Le biofilm épilithique développé dans la section à faible vitesse (LV) est plus épais et présente des répartitions spatiales plus denses que ceux développés dans les sections de vitesses plus importantes (Figure IV. 1). Ces mêmes observations ont été faites par [Battin et al., 2003] pour des biofilms bactériens développés dans différentes conditions hydrodynamiques.

Figure IV. 1. Vues supérieures de l’évolution des biofilms épilithiques dans les sections LV

et HV à 8 (a, e), 14 (b, f), 21 (c, g) et 28 (d, h) jours après ensemencement.

L’analyse statistique (ANOVA) de l’évolution temporelle de la MS et de la MSSC (g m-2) (Figure IV. 2.) dans les trois sections a montré que l’influence de la vitesse d’écoulement sur la MS n’est significative qu’en phase de colonisation (15 premier jours).

Cette influence devient non significative à partir de la troisième semaine de croissance. Les valeurs atteintes à la fin de l’expérience avoisinent une moyenne de 93,95 ± 15,74 (g m-2, MS) and 23,10 ± 4,03 (g m-2, MSSC) dans les trois sections. Ceci peut s’expliquer par les effets conflictuels de la turbulence et de l’écoulement sur le biofilm dans la zone en proche paroi. En effet, durant la phase initiale de colonisation, les importantes forces de frottement et de cisaillements induites par des vitesses importantes empêchent le dépôt et l’attachement des cellules algales, induisant à l’inverse dans la zone à faible vitesse (LV), une plus importante colonisation.

Chapitre IV. Interaction hydrodynamique locale-structure et dynamique du biofilm épilithique :

Etude expérimentale

94 Figure IV. 2. Evolution de la Matière sèche ± SE et de la Matière sèche sans cendre ±SE (g

m-2) dans les trois sections d’écoulement (LV, IV et HV).

A partir de la troisième semaine, les plus grands taux de diffusion et d’échange de métabolites (substances organiques) entre les cellules épilithiques et la colonne d’eau dans les sections à vitesses plus importantes (IV et HV) accélèrent la productivité des cellules et compensent le retard enregistré. Cette différence dans la diffusion des métabolites dans les trois sections a été déduite à partir de la persistance des bulles observées autour des hémisphères colonisés dans la section LV (Voir Figure IV. 2. b et c), alors que les bulles ne sont présentent que dans la zone laminaire dans les creux situés entre les hémisphères dans la section HV.

L’effet de trainée de sillage et du frottement en zone proche des substrats et le long des filaments de biofilm conduit à une évolution assez complexe de la longueur de rugosité puisque cette grandeur intègre tous les processus qui se déroulent dans la canopée (voir Nikora et al., 2007 a, b). En effet on peut constater dans la figure (IV. 3.) qui illustre l’évolution des paramètres hydrodynamiques en proche paroi, que dans des conditions d’écoulement avec une hauteur d’eau assez profonde (section LV), les valeurs de la longueur de rugosité ks sont restées relativement proches de la valeur initiale c.à.d. 1 cm. Aussi, les

variations des vitesses de frottement et du Reynolds turbulent k+ restent négligeables tant que le biofilm est resté compact jusqu’à la troisième semaine de croissance (Figure IV. 3.).

95 Figure IV. 3. Variation de la vitesse de frottement u*, de la longueur de rugosité équivalente

de Nikuradse ks et du Reynolds rugueux k+ LV : faible vitesse, IV : vitesse intermédiaire et

HV : forte vitesse.

Cependant, une nette diminution dans la valeur de ks est enregistrée dès que les longs

et épais filaments deviennent dominants, définissant ainsi une nouvelle structuration (forme, dimension, répartition dans l’espace) des rugosités. Cette nouvelle structuration induit une longueur de rugosité nettement inférieure à la longueur de rugosité initiale définie par les substrats hémisphériques (diminution vers une valeur proche de 0,0035 m).

Dans les sections IV et HV, l’écoulement est initialement très confiné puisque le rapport entre les dimensions des substrats et la hauteur d’écoulement est faible dans les deux sections (∆/h = 4 dans la section IV et ∆/h = 3 dans la section IV). Ainsi, l’évolution des valeurs de ks est très différente. Une rapide baisse est enregistrée au début de l’expérience

lorsque la matière épilithique a rempli les espaces entre les substrats modifiant ainsi la topographie des rugosités en diminuant leurs hauteurs. Ceci a induit une diminution du cisaillement et du frottement dans la canopée et donc une baisse des valeurs de la vitesse de frottement u* et de la rugosité turbulente k+ (Figure IV. 3.).

Sur les 72 espèces diatomiques déterminées, celle dominante est la diatomée centrique

Melosira moniliformis (O.F.Muller) dans tous les échantillons (21,53% dans A1, 22,43% dans

A2, 26,84% dans B1, 14,32% dans B2, 18,59% dans B3, 19,25% dans C1, 26,95% dans C2 et 21,73% dans C3) excepté dans l’échantillon A3 où Fragilaria capucina var. mesolepta

(Rabh) Rabenhorst était dominante (24,06%). Cette diatomée centrique dominante a une

structure associée à des secrétions sur les surfaces des valves qui relient les cellules entre elles dans des colonies linéaires [Wehr and Sheath, 2003 Leflaive et al., 2008]. Cette structuration

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Etude expérimentale

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donne un aspect plus au moins filamenteux au biofilm en fonction de l’intensité des forces de cisaillement et de frottement due à l’hydrodynamique en proche paroi.

Le nombre d’espèces recensées dans les trois sections est pratiquement le même. Il a été comptabilisé 40 dans la section LV, 44 dans la section IV et 39 dans la section HV. Néanmoins, la classification des échantillons par une analyse d’espèce Indicatrice (IndVal) [Dufrène and Legendre, 1997] montre que les espèces indicatrices sont Fragilaria capucina var. mesolepta dans le groupe des échantillons de la section LV avec u*.= 0,010 à 0,012 m s−1,

Navicula atomus, N. capitatoradiata and Nitzschia frustulum dans la section IV avec u*.=

0,023 à 0,030 m s−1 et enfin Amphora pediculus, Cymbella proxima, Fragilaria capucina var.

vaucheriae et Surirella angusta dans la section HV avec u*.= 0,033 to 0,050 m s−1.

Ainsi, on constate que les espèces dans le groupe de la section LV sont multicellulaires et coloniales telles que décrites par Blum [1957], Whitford and Schumacher [1961] et Tornés and Sabater [2010] dans les écoulements à faibles vitesses. Ces espèces sont remplacées par des espèces unicellulaires libres de forme prostrée ou adnée (Navicula,

Nitzschia, Amphora) dans les écoulements à plus grandes vitesses [Martínez et al. 2003]. En

effet les forces de frottement affectent les algues de grandes dimensions alors que les petites se cachent dans la couche laminaire dans les creux situés entre les substrats [Silvester and

Sleigh; 1985].

Aussi, les diatomées Navicula et Nitzchia se caractérisent par leur capacité à se maintenir en contact avec les différentes surfaces du micro habitat à l’aide de fentes situées sur la surface de leurs squelettes, alors que Cymbelal s’attache à l’aide de tiges gélatineuses et Amphora est connue pour avoir une forme extrêmement asymétrique qui lui permet de s’accrocher au substrat. Ces caractéristiques rendent ces espèces plus résistantes aux cisaillements hydrodynamiques et à toute sorte d’autres perturbations [Wehr and Seath, 2003].

D’autres espèces (Achnanthidium saprophila (Kobayasi et Mayama) Round &

Bukhtiyarova, Navicula reichardtiana Lange-Bertalot, Nitzschia fonticola Grunow in Cleve et Möller et Sellaphora seminulum (Grunow) D.G. Mann) sont assez abondantes (>5%) mais

n’ont pas montré de préférence vis-à-vis des trois régimes hydrodynamiques.

Dans le canal d’arrachage, l’augmentation du débit d’écoulement a fait varier la vitesse de frottement dans un intervalle allant de 0,010 à 0,064 m s-1. Pour le biofilm développé dans les trois sections, le test d’arrachage a provoqué le détachement d’une partie du biofilm qui couvre les hémisphères. En effet une partie du biofilm fortement attachée au

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substrat persiste après le test d’arrachage (Tableau IV. 1), alors qu’une autre partie composée principalement de filaments est emportée par l’écoulement.

Des photos prises lors du test en effectuant les mesures PIV ont permis de constater que le détachement des filaments s’opère dès que la valeur de la vitesse de frottement exercée dans le canal d’arrachage dépasse la vitesse moyenne de frottement exercée durant la croissance du biofilm pour chacune des trois sections. Aussi, il a été constaté que la proportion de biomasse détachée est inversement proportionnelle à la vitesse de frottement moyenne exercée durant la croissance du biofilm (Tableau IV. 1).

Tableau IV. 1 Mesures de la biomasse (MS) dans le test d’arrachage appliqué aux biofilms

pris dans les trois sections LV, IV et HV (vitesses d’écoulement égales respectivement à 0.10 m s-1, 0.25 m s-1 et 0.40 m s-1) avec u* dans le canal d’arrachage allant jusqu’à 0.064 ms-1.

Section du canal Vitesse de frottement moyenne u* durant la croissance du biofilm (ms-1) MS±SE avant l’arrachage (gm-2) MS±SE après l’arrachage (gm-2) Proportion Détachée LV 0,010 121,39±2,94 57,9±18,56 52% IV 0,025 99,11±11,50 70,7±10,85 29% HV 0,040 104,49±1,25 93,5±3.27 11%

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