Comme vu précédemment, les matériaux de référence dans le domaine de la
conduction protonique sont les pérovskites. Ceci est confirmé dans le Tableau 3 ci-dessous, qui
dresse un récapitulatif des matériaux présentant les meilleures valeurs de conductivité. Les
conditions de mesure sont également précisées.
Matériau Composition Conditions de
protonation ! (S.cm
-1) Température
(°C) Remarques
Pérovskite
BaCe
0,9
Y
0,1
O
3-$
Atmosphère
humide d’H
2
1,0.10
-2 600 Mauvaise
stabilité chimique
SrCe
0,95
Y
0,05
O
3-$
Atmosphère
réductrice
sèche
3,0.10
-3 600 Mauvaise
stabilité chimique
BaZr
0,8
Y
0,2
O
3-$
Atmosphère
humide 1,0.10
-2
450
#
grain
>> #
joint
! minimiser la
résistance des joints de
grains : synthèse par
voie sol-gel à partir de
précurseurs
monocristallins –
densification par frittage
réactif
La
0,98Sr
0,02ScO
3-$ Air humide 1,0.10
-3
500 Prix du Sc très
élevé
Brownmillerite Ba
2
(In
0,8
Ti
0,2
)
2
O
5,2
(BIT02) Air humide 1,1.10
-3
450
Pyrochlore (La
1,95
Ca
0,05
)Zr
2
O
7-$
H
2
humide 6,8.10
-4 600
Tungstates de
terres rares La
5,8WO
11,7 Air humide 2,0.10
-3
600
Tableau 3 : Tableau récapitulatif des principaux matériaux conducteurs protoniques
Les pérovskites de composition type BaCeO
3
possèdent des valeurs de conductivité
protonique élevées, de l’ordre de 10
-2
S.cm
-1
à 600°C pour BaCe
0,9
Y
0,1
O
3-$
sous atmosphère
d’H
2
humide [
121
;
122
]. Cette valeur est supérieure de presque un ordre de grandeur par rapport à
la conductivité du composé SrCeO
3
dopé (3.10
-3
S.cm
-1
à 600°C en atmosphère réductrice
sèche pour SrCe
0,95Y
0,05O
3-"), [
123
]. Malgré ces valeurs de conductivité très intéressantes, les
cérates présentent un inconvénient majeur pour des applications en tant qu’électrolyte de piles
à combustible : une très mauvaise stabilité chimique. Ils réagissent en effet avec des gaz
acides tels que le CO
2
et avec la vapeur d’eau pour former respectivement des carbonates et
des hydroxydes [
124
;
125
]. Ceci constitue un frein à l’utilisation de ces matériaux dans les
PC-SOFC, étant donné que de l’eau va être générée à la cathode durant le fonctionnement de la
pile, et que du CO
2
, issu d’un éventuel vaporeformage du méthane (dans le cas d’une
production d’hydrogène à partir de combustibles hydrocarbonés), peut être présent à l’anode.
Les pérovskites de type LaScO
3 présentent une bonne conduction protonique lorsqu’ils
sont dopés par un accepteur [
126
;
127
]. Par exemple, le composé La
0,98
Sr
0,02
ScO
3-"
a une
conductivité de l’ordre de 10
-3
S.cm
-1
à 500°C sous air humide. Ces matériaux sont
intéressants en raison de leur bonne stabilité chimique et de leur bonne conductivité
protonique. Cependant, le matériau reste très onéreux en raison du prix du scandium.
Les pérovskites de type BaZrO
3
présentent l’avantage d’avoir une excellente stabilité
chimique dans les conditions de fonctionnement [
128
]. Les travaux de recherche actuels
tendent à améliorer les conditions de frittage de ce matériau afin de diminuer la résistance des
joints de grains, qui abaisse la conductivité totale de ces matériaux d’un ordre de grandeur par
rapport à BaCe
0,9Y
0,1O
3-$
. Un protocole de synthèse utilisant la voie sol-gel à partir de
précurseurs nanocristallins, suivi d’un frittage réactif, ont permis de minimiser l’effet des
joints de grains et d’atteindre des conductivités très élevées de l’ordre de 10
-2
S.cm
-1
à 450°C
sous atmosphère humide, dans le cas de BaZr
0,8Y
0,2O
3-" [
129
].
Parmi les autres matériaux possédant de bonnes propriétés de conduction, les oxydes
de structure brownmillerite peuvent afficher une conductivité de 1,1.10
-3
S.cm
-1
à 450°C sous
air humide, avec le composé Ba
2(In
0,8Ti
0,2)
2O
5,2☐
0,8
(également appelé BIT02) [
130
]. Certains
oxydes de structure pyrochlore ont été identifiés comme conducteurs protoniques en 1996 par
Shimura et al. [
131
]. Les meilleures valeurs de conductivité ont été obtenues avec les systèmes
à base de La
2
Zr
2
O
7
, dans lesquels l’incorporation des protons est favorisée par dopage par des
cations de valence inférieure sur les sites La ou Zr [
132
;
133
] (créant ainsi des lacunes d’oxygène
dans le matériau). Le dopage sur le site La (site A) donne de meilleures valeurs de
conductivité, ces dernières pouvant atteindre 6,8.10
-4
S.cm
-1
à 600°C sous hydrogène humide
dans le cas de (La
1,95
Ca
0,05
)Zr
2
O
7-"
, valeur trois fois supérieure à celle du composé dopé sur le
site Zr (site B). Cependant, ces valeurs doivent être encore améliorées avant de pouvoir
envisager une utilisation en tant que matériau d’électrolyte de PC-SOFC.
Enfin, les tungstates de terres rares, de formule générale Ln
6
WO
12
, ont également de
bonnes propriétés de conduction. Des mesures d’impédance réalisées par Shimura et al. [
134
]
en 2001 sous différentes atmosphères (air humide, H
2
humide et D
2
humide) ont montré que la
conductivité de La
5,8
WO
11,7
non dopé était plus élevée sous air humide entre 600 et 800°C,
avec des valeurs entre 2.10
-3
S.cm
-1
à 600°C et 5.10
-3
S.cm
-1
Le Tableau 3 permet également de se rendre compte que les mesures de conductivité
que l’on trouve dans la littérature ne sont pas toutes réalisées dans les mêmes conditions. En
effet, pour mettre en évidence un phénomène de conduction protonique, certains auteurs
utilisent du dihydrogène humide, d’autres de l’air humide. Certains ne précisent pas la nature
du gaz en parlant simplement d’atmosphère réductrice, parfois sèche, parfois humide.
Or, comme vu dans la partie I.3.1, la conduction protonique est un phénomène
complexe, qui requiert au préalable l’insertion de protons au sein du matériau, et qui peut être
affecté par la nature du gaz utilisé pour faire les mesures. Par exemple, la p
O2
est différente si
on utilise de l’air humide, du H
2
humide ou du H
2
sec, ce qui peut induire des défauts
protoniques différents. De même, la p
H2O
, la température, mais aussi la durée de la mesure et
des temps de palier éventuels (par rapport au temps nécessaire aux protons pour rentrer dans
le matériau) peuvent influer sur l’état de protonation du matériau. Le Chapitre IV fera l’objet
d’un questionnement sur les conditions de réalisation des mesures électrochimiques et sur la
pertinence de ces mesures.