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Prime d’agence et complémentarité du crédit-bail

ARBITRAGE ENTRE LE CREDIT BAIL ET L’EMPRUNT

SECTION 2 : THEORIES SUR LE COUT DU CREDIT-BAIL

2- Prime d’agence et complémentarité du crédit-bail

Nous allons présenter deux études empiriques qui traitent du rôle du crédit-bail dans le coût du financement externe des entreprises.

Le recours au crédit-bail permet-il d’identifier les entreprises à l’origine du canal du crédit, sujettes à des contraintes financières et soumises à une prime d’agence ? Dans quel cas, peut-on conclure à l’hypothèse de la complémentarité du crédit-bail au crédit classique ?

2.1- Prime d’agence :

Jean Bernard Chatelain et Jean Christophe Teurlai ont procédé à une étude empirique permettant d’analyser le comportement d’investissement des entreprises sous l’hypothèse d’existence d’une

prime d’agence mesurant l’influence des imperfections financières sur le coût de financement externe131.

Le modèle testé est dérivé sous l’hypothèse que le coût du financement externe est une fonction croissante du ratio d’endettement des entreprises.

Les contraintes financières peuvent influencer le comportement d’investissement d’un nombre important d’entreprises et peuvent être à l’origine d’un canal de transmission de la politique monétaire à travers les conditions d’octroi des crédits aux entreprises

Une hausse du taux d’intérêt sur le marché monétaire peut conduire à un accroissement de la prime de risque du crédit octroyé à certaines entreprises fortement endettées et au développement du rationnement du crédit.

Les auteurs utilisent, le recours au crédit-bail pour financer les investissements comme un critère spécifique pour isoler les entreprises à l’origine du canal du crédit et sujettes à des contraintes financières.

Le crédit-bail est un moyen de financement qui permet parfois à certaines entreprises de compléter des programmes d’investissement qui, dans certains cas, seraient refusés par des banques en raison d’asymétries d’informations et ou de coûts associés au risque de faillite.

Le crédit-bailleur, propriétaire juridique du bien loué est le premier servi par rapport aux autres créanciers lors d’une faillite du preneur.

Le coût du risque de faillite est donc plus réduit pour le crédit-bailleur que pour le banquier classique.

Pour construire l’échantillon, les auteurs ont utilisé les données contenues dans les bilans annuels d’entreprises industrielles soumises à l’impôt sur les sociétés provenant de la centrale des bilans de la Banque de France.

Ils ont utilisé l’ensemble des informations contenues dans la liasse fiscale y compris les données sur le crédit-bail.

131

J.B Chatelain et J.C Teurlai le « le recours au crédit-bail permet-il d’identifier des entreprises à l’origine du canal du crédit ? » Revue économique -2003/4 – Vol 54 – pages 811 à 833.

La prise en compte du crédit-bail a nécessité le retraitement de l’information comptable traditionnelle en le considérant comme un actif financé par emprunt.

Le crédit-bail a été intégré dans la mesure du capital productif, des cash-flows et de la dette. Il n’a pas été incorporé dans la mesure des charges financières en raison de l’insuffisance de l’information disponible.

Apres avoir construit les variables nécessaires et éliminé les observations extrêmes ou douteuses, les auteurs ont utilisé un panel constitué de 4025 entreprises présentes d’une façon continue, entre 1988 et 1996.

Les auteurs ont procédé à l’évaluation du coût de financement externe en estimant une équation d’Euler de l’investissement incorporant une prime d’agence sur différents sous-échantillons correspondant à une classification des entreprises selon trois critères :

2.1.1- Selon la taille des entreprises

Les auteurs ont voulu vérifier à l’aide de ce modèle, l’existence d’une corrélation entre la taille des entreprises et le coût du financement externe.

Pour cela l’échantillon de 4025 entreprises a été segmenté en trois groupes en plus du groupe constitué par l’ensemble de l’échantillon.

Le premier groupe est celui des petites entreprises de moins de 100 employés qui représente 66% de l’échantillon

Le deuxième groupe, constitué des entreprises de taille moyenne dont les effectifs sont compris entre 100 et 499, représente 26% de l’échantillon.

Le troisième groupe, qui représente 8% de l’échantillon, est celui des grandes entreprises de plus de 500 employés.

Les tests réalisés conduisent à l’acceptation des quatre régressions.

Les résultats montrent que le paramètre correspondant à la prime d’agence n’est significatif sur aucun des quatre échantillons considérés.

Ces résultats ne mettent donc pas en évidence l’existence d’imperfections financières susceptibles d’affecter le coût du financement externe des entreprises.

Même les petites entreprises, qui sont à priori sensibles aux imperfections sur le marché du crédit, ne semblent pas subir des coûts d’agence.

2.1.2- Selon la taille des entreprises et leur fréquence de recours au crédit-bail

La taille n’étant pas un moyen de discriminer entre les entreprises affectées par les contraintes financières, les auteurs ont croisé ce critère avec la fréquence de recours au crédit-bail.

Une indicatrice de recours au crédit-bail a été définie de la façon suivante : les entreprises ayant recours au crédit-bail sont celles qui y ont recours au moins une fois sur la période considérée soit 51% de l’échantillon.

L’autre groupe non utilisateur du crédit-bail représente 49% de l’échantillon.

L’étude des statistiques descriptives des différentes classes d’entreprises conduit aux observations suivantes :

Les entreprises adeptes au crédit-bail semblent moins capitalistiques que celles non utilisatrices. Elles investissent au total bien plus que celles non utilisatrices de crédit-bail.

A cet égard le groupe des petites entreprises est exemplaire avec un taux d’investissement total de 11% pour les utilisatrices du crédit-bail contre 8% pour les non utilisatrices.

Le crédit-bail assure 21% de l’investissement total des petites entreprises qui y recourent contre 15 % pour les moyennes entreprises et 7,5% pour les grandes entreprises.

Les entreprises faisant usage du crédit-bail sont plus fortement endettées que les autres.

La part du crédit-bail dans l’endettement total représente 27% de la dette totale des petites entreprises adeptes du crédit-bail, 12% pour les moyennes entreprises et 7,8% pour les grandes entreprises.

On observe, également que les entreprises de moins de 500 employés classées dans le régime du crédit-bail doivent s’acquitter de lourdes charges d’intérêt et sont, de ce fait, susceptibles de connaitre des problèmes de solvabilité.

Elles semblent avoir des conditions de financement moins favorables.

Le taux de l’intérêt apparent de la dette financière classique est supérieur à celui des entreprises ne faisant pas usage du crédit-bail.

Les statistiques descriptives montrent donc que le recours au crédit-bail semble être un bon moyen de discriminer entre les deux profils d’entreprises.

Mais, l’économétrie n’apporte pas la confirmation de ces résultats. Le test de sur-indication conduit à l’acceptation de toutes les régressions.

Le paramètre correspondant au taux de marge est significatif pour l’ensemble des estimations. Le paramètre des coûts d’ajustement portant sur le taux d’intérêt est non significativement différent de zéro pour tous les échantillons considérés.

Le paramètre structurel associé à la fonction de coût d’agence est non significativement différent de zéro pour les entreprises adeptes du crédit-bail.

Ce résultat montre que l’apparente fragilité financière observée chez les entreprises, en particulier les petites, faisant usage de crédit-bail, ne se traduit pas par une prime d’agence payée au dessus du taux sans risque.

Le critère de la taille croisé avec celui de recours au crédit-bail ne permet donc pas d’identifier les entreprises soumises à une prime d’agence.

2.1.3- Selon l’accroissement de l’endettement des entreprises et leur fréquence de recours au crédit-bail

Les observations ont été séparées en deux sous-échantillons selon le critère de l’accroissement de l’endettement.

Le premier groupe est constitué d’entreprises s’endettant de plus en plus dont la variation du taux d’endettement global, y compris le crédit-bail, rapporté au stock total de capital est pour les quatre années d’estimation au moins trois fois supérieur à la médiane du ratio.

Le deuxième groupe est composé des entreprises, à priori, moins susceptibles de connaitre des contraintes de financement du fait de la faible hausse de leur endettement.

Les auteurs ont distingué au sein de chaque groupe les entreprises utilisatrices de crédit-bail et celles qui n’en prennent pas.

Les régressions réalisées sur ces échantillons montrent que le critère d’accroissement de l’endettement ne suffit pas à discriminer entre les entreprises sujettes à des contraintes de financement et celles qui ne le sont pas.

Par contre, pour les entreprises s’endettant fortement et utilisatrices du crédit-bail (environ 16% de l’échantillon total), le paramètre structurel associé à la fonction de coûts d’agence est, à la fois, significatif et positif.

Ces entreprises s’acquittent d’une prime d’agence évaluée à 5,1 % au point médian de l’échantillon.

Le crédit-bail parait, dans ce cas, répondre à une logique de complémentarité avec le crédit classique.

2.2- Complémentarité du crédit-bail

L’objet de l’étude empirique de Jean Christophe Teurlai est de tester l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail au crédit classique à partir de l’estimation d’une équation d’Euler de l’investissement incorporant une prime d’agence mesurée pour des entreprises faisant usage du crédit-bail deux années consécutives et pour celles n’en faisant pas usage132.

L’originalité de ce travail réside dans le fait qu’il intègre le crédit-bail dans la modélisation du comportement d’investissement des entreprises et dans le fait qu’il discrimine entre les deux principales formes de contraintes financières utilisées dans la littérature : le rationnement du crédit et les coûts d’agence.

132

J.C Teurlai – « investissement corporel et coût du financement externe : identification des différents régimes et rôle du crédit-bail »

2.2.1- Données utilisées

Les données utilisées proviennent des bilans annuels d’entreprises industrielles soumises à l’impôt sur les sociétés adhérant à la centrale des bilans de la Banque de France. Elles comprennent l’ensemble, des informations contenues dans les états de synthèse y compris le crédit-bail.

L’intégration du crédit-bail constitue une nouveauté car dans la plupart des études empiriques réalisées à partir des données industrielles d’entreprises le crédit-bail est ignoré.

L’utilisation du crédit-bail a nécessité le retraitement de l’information comptable traditionnelle. Il a été considéré comme un actif financé par un emprunt et intégré dans la mesure du capital productif, de l’investissement, des cashs flows et de la dette.

Mais, le crédit-bail n’a pas été incorporé dans la mesure des charges d’intérêt en raison de l’indisponibilité de l’information.

Apres avoir construit les différentes variables nécessaires à l’étude et après avoir éliminé les observations extrêmes ou douteuses l’auteur a obtenu un panel de 4025 entreprises continûment présentes entre 1988 et 1996.

2.2.2- Statistiques descriptives

La question qui se pose est de savoir si les entreprises qui recourent au crédit-bail sont différentes des autres ?

Une des hypothèses centrales du modèle est que les entreprises recourent au crédit-bail pour compléter des programmes d’investissement qu’il serait plus couteux voir impossible de financer par un crédit classique.

Une analyse descriptive devrait donner quelques indications sur la pertinence de cette hypothèse. En effet les entreprises ayant recours au crédit-bail devraient être plus endettées que celles qui n’ayant pas recours.

Elles devraient être également plus risquées et avoir une politique d’investissement plus soutenue dont la rentabilité économique justifie le recours à ce mode de financement.

Pour comparer les deux profils, l’auteur a introduit une variable indicatrice égale à 1 lorsque les entreprises recourent deux années consécutives au crédit-bail et à zéro dan le cas contraire.

Les entreprises adeptes au crédit-bail durant deux années consécutives représentent chaque année 13,4% de l’échantillon total alors que les entreprises qui n’ont jamais fait appel au crédit-bail pour financer leur investissement représentent 50% de la population totale.

Les statistiques descriptives montrent :

- La taille moyenne des entreprises qui recourent au crédit-bail deux années consécutives est sensiblement supérieure à celle du reste de la population.

Ce résultat peut sembler à priori surprenant puisque ce mode de financement est supposé être privilégié par les petites et moyennes entreprises.

Néanmoins, il peut s’expliquer par la fréquence d’intervention des grandes entreprises sur le marché du crédit-bail.

Celui-ci apparait comme un moyen de financement complémentaire des projets d’investissement non budgétés mais dans la réalisation s’avère nécessaire.

- Les entreprises adeptes au crédit-bail sont en moyenne moins capitalistiques que leurs homologues non utilisatrices.

- Les entreprises qui recourent au crédit-bail, deux années consécutives investissent au total bien plus que celles n’employant pas ce mode de financement.

Le taux d’investissement total pour la période est en moyenne de 13,3 % pour les premières et de 8,5% pour les secondes.

En plus, le crédit-bail assure chaque année environ de 35% de l’investissement total des entreprises qui y recourent.

- Les entreprises adeptes au crédit-bail sont plus rentables que celles qui ne recourent pas à ce mode de financement.

Le taux de profit est, en moyenne annuelle, de quatre points supérieur pour les entreprises adeptes au crédit-bail.

- Les entreprises faisant usage du crédit-bail, deux années consécutives, sont plus fortement endettées que les autres.

Le ratio d’endettement mesuré hors crédit-bail s’élève à environ 62% en moyenne annuelle pour le premier groupe contre 55% pour le deuxième groupe.

- Les entreprises adeptes au crédit-bail paient de lourdes charges d’intérêt, mesurées hors crédit-bail, de l’ordre de 30% supérieures à celles des entreprises non utilisatrices de ce mode de financement.

Tous ces résultats des statistiques descriptives plaident en faveur de l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail au crédit classique. Qu’en est-il des résultats du modèle économétrique ?

2.2.3- Résultats des régressions

L’auteur a testé l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail au crédit classique à partir de l’estimation d’une équation d’Euler de l’investissement incorporant une prime d’agence mesurée pour des entreprises faisant usage de crédit-bail deux années consécutives et pour celles n’en faisant pas usage.

Les diverses régressions effectuées à partir de ce modèle d’investissement ont conduit aux résultats suivants :

a- Estimations sur l’échantillon total

L’estimation du modèle sur l’échantillon total ne permet pas de valider l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail ni de conclure à l’existence d’une prime d’agence alors que l’hypothèse de complémentarité semblait être accréditée par les statistiques descriptives.

Néanmoins les estimations ont été réalisées sous l’hypothèse d’absence de rationnement du crédit pour toutes les entreprises.

Or un problème de spécification pouvant modifier les conclusions des tests économétriques peut se poser si cette hypothèse a été imposée à tort.

En effet, les estimations additionnelles effectuées sous l’hypothèse de rationnement du crédit montrent que certaines entreprises sont susceptibles d’être rationnées sur le marché du crédit ou de subir une contrainte financière alternative au rationnement du crédit et aux coûts d’agence.

b- Discrimination entre les firmes potentiellement rationnées et celles faisant face à un coût d’agence

J.C Teurlai teste l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail sur deux sous-échantillons segmentés suivant le critère d’autofinancement qui permet de discriminer entre les firmes potentiellement rationnées sur le marché du crédit et celles faisant face à un coût d’agence. Selon J.C Teurlai la contrainte de rationnement de crédit n’affecte pas l’ensemble des entreprises. Elle n’affecte pas notamment celles dont l’autofinancement rapporté au stock du capital productif de l’année précédente est, pour les quatre années d’estimation toujours inferieur à la médiane de cette variable.

Les entreprises de ce sous-échantillon non rationné, appelé groupe NR, caractérisé par un faible ratio d’autofinancement, représente 25% de l’échantillon total.

L’autre groupe appelé groupe R représente environ 75% de l’échantillon total et il est composé d’entreprises susceptibles d’être rationnées sur le marché du crédit.

Les statistiques descriptives montrent que les entreprises du groupe NR semblent être de plus grande taille que celles du groupe R.

Les entreprises du groupe NR sont également plus capitalistiques que celles du groupe R.

En plus leurs charges d’intérêt, leur taux d’investissement et leur taux d’endettement sont légèrement en retrait par rapport à ceux du groupe R.

Les résultats des différentes régressions effectuées sur chacun des deux groupes montrent :

- Pour le premier groupe NR, l’hypothèse d’absence de rationnement de crédit est acceptée par les tests d’éxogénéité des instruments financiers additionnels

Par ailleurs, on observe pour les entreprises de ce groupe une hiérarchie des primes d’agence selon qu’elles recourent ou non au crédit-bail.

Cette hiérarchie des primes d’agence est vérifiée aux points moyen et médian de l’échantillon.

Ce qui incite à accepter l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail au crédit classique.

- Pour le deuxième groupe R, l’hypothèse d’absence de rationnement de crédit est fortement rejetée par les tests d’éxogénéité des instruments financiers additionnels. Par ailleurs, les coûts d’agence sont non significativement différents de zéro pour le modèle estimé.

Les coûts d’agence ne semblent pas affecter les entreprises de ce groupe R et ce quelque soit la politique d’investissement en matière de crédit-bail