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que peut prendre la maladie et c'est cette image projetée qui constitue la projection de trajectoire

Dans le document Les Temps du Cancer (Page 126-129)

que peut prendre la maladie et c'est cette image projetée qui constitue la projection de

trajectoire.

seul le suivi thérapeutique y est assuré afin de contrôler que l'absence de

symptômes perdure. Le patient est dit "en rémission". Cette phase recouvre

le redressement physique et émotionnel qui suit la phase aiguë. Elle est

donc pour une large part gérée en dehors du centre et implique un travail

biographique important de la part du patient, surtout lorsque sa trajectoire

est invalidante

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.

À la faveur d'un examen de contrôle, le radiothérapeute de Melle T.

découvre un an plus tard une nouvelle masse pathologique. Puisqu'elle

récidive, Melle T. entre à nouveau dans une phase aiguë : de recherche

diagnostique d'abord puis, après la confirmation par biopsie de la rechute,

de second traitement. On lui fait un nouvel arrêt de travail. Après une

chimiothérapie lourde, programmée pour 8 cures, sa tumeur a "fondu" mais

il reste, au vu des clichés, des micro-calcifications dont on ne peut assurer

qu'elles sont bénignes, d'autant plus que ses marqueurs restent élevés par

rapport à la norme biologique. Son médecin chimiothérapeute - elle ne voit

plus le radiothérapeute - lui propose une chimiothérapie d'entretien afin

d'empêcher le développement de ces indices résiduels qu'on ne parvient à

faire disparaître. Melle T. entre alors dans une phase de stabilité : les

symptômes sont toujours présents mais ne se développent pas.

La phase de stabilité concerne un temps où la maladie n'évolue pas,

sans que les symptômes aient été pour autant totalement éradiqués. Il reste,

malgré les traitements entrepris, ce que les médecins appellent "des signes

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-Selon Strauss et Corbin, 1988, op. cit., le travail biographique consiste à incorporer une

trajectoire de maladie dans sa propre biographie (contextualization) ; à parvenir à un certain

degré de compréhension et d'acceptation des conséquences biographiques qu'entraînent des

performances amoindries, réellement ou potentiellement (coming to terms) ; à réintégrer une

identité dans une nouvelle intégrité autour des limitations de performances (reconstituting

identity), ou bien encore donner de nouvelles directions à sa biographie (biographical

recasting).

résiduels de maladie". La phase de stabilité est celle où il y a peu de

changement, soit en aggravation, soit en amélioration, dans l'état du

malade. On y inclut rémissions et détériorations très lentes.

Pendant ces phases de stabilité, le travail médical confine à nouveau

au contrôle thérapeutique. Melle T., après 4 cures de chimio d'entretien, est

soumise régulièrement à des examens sanguins, on contrôle assidûment ses

marqueurs biologiques, on pratique des examens radiographiques, afin de

repérer le signe qui rendrait compte d'une reprise de l'évolution de la

maladie contre laquelle les thérapeutiques disponibles pourront quelque

chose, ne serait-ce que la contrôler. Un traitement de principe peut, à cette

étape, être entrepris si le médecin considère que le patient attend de lui une

prise en charge thérapeutique concrète devant la permanence de signes

résiduels de maladie. En effet, il arrive régulièrement aux cancérologues du

centre d'accueillir des malades qui avaient changé d'institution parce qu'ils

avaient le sentiment de n'être plus pris en charge par leur médecin, ceux-ci

savent donc que proposer un traitement, cela peut aussi avoir pour objectif

de maintenir l'engagement du malade dans le processus médical

institutionnel, particulièrement dans les phases de stabilité. Le contenu du

traitement administré pendant ces phases peut alors être le même que celui

que les médecins prescrivent en phase aiguë alors que l'objectif de la

prescription consiste avant tout à rassurer le patient, en lui montrant

ostensiblement qu'on ne l'abandonne pas à un sort incertain, même si les

médecins, de fait, considèrent que leur traitement n'aura guère d'autres

effets que psychologiques. De surcroît, le médecin continue de "ne pas

savoir" même s'il peut projeter un cours probable de la maladie, des

rémissions exceptionnelles peuvent toujours être obtenues, défiant les lois

de la statistique.

Au bout de quelques mois, ses marqueurs biologiques augmentent à

nouveau, Melle T. est de plus en plus fatiguée, perd l'appétit et maigrit. Elle

se plaint de douleurs dorsales : on arrête le traitement chimique qu'on avait

repris et on irradie la métastase vertébrale qu'une scintigraphie a permis de

déceler et qui est à l'origine des douleurs. Tous ses traitements ont lieu en

hôpital de jour. On lui prescrit de la morphine à faible dose dont elle gère

elle-même la prise quotidiennement en fonction de sa souffrance. En trois

semaines, les douleurs disparaissent, elle retrouve une vie plus autonome

(elle ne pouvait plus conduire, la position assise lui était devenue

intolérable et elle passait ses journées à dormir à cause de la morphine).

Elle n'a plus de traitement, les semaines se suivent et son état physique est

fluctuant. Parfois très fatiguée, parfois parfaitement valide : elle est entrée

dans une phase d'instabilité. Puis de nouvelles douleurs l'assaillent, au

niveau de la hanche cette fois, elle est à nouveau irradiée puisqu'on a

découvert une nouvelle métastase osseuse à ce niveau. Les douleurs

disparaissent et elle n'a plus besoin de béquille pour marcher. Cela fait

maintenant trois ans qu'on lui a diagnostiqué son cancer. Un examen

sanguin relevant, trois mois après la fin de l'irradiation une forte hausse de

ses marqueurs, le chimiothérapeute prescrit alors une chronothérapie. On

lui pose un port-a-cath

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et son traitement intra-veineux est diffusé à l'aide

d'une pompe qu'elle porte en permanence à la ceinture pendant 5 jours

consécutifs toutes les 3 semaines et ce pour une durée que le médecin n'a

pas fixée. Elle vient au centre le lundi pour se faire poser sa perfusion et le

vendredi pour se la faire ôter lorsqu'elle est en semaine de cure. À l'issue de

la première semaine, elle a été sujette à des vomissements, des nausées

importantes et une grande fatigue. Le médecin a décidé de baisser les doses

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-Un tube flexible est introduit dans une veine. L'infirmière pique l'extrémité de cette sonde

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