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Premiers tests – caractérisation d’un potentiel complexe d’insertion

Chapitre 2 : Synthèse de complexes π-arènes d’Au(III) par insertion migratoire d’oléfines dans la

6. Tentative de mise au point d’un processus d’arylation directe de l’éthylène par C-H

6.2. Premiers tests – caractérisation d’un potentiel complexe d’insertion

Nous avons dans un premier temps testé cette réactivité en utilisant un sel d’argent comportant un contre-anion peu coordinant (AgSbF6) de manière à former un composé cationique électrophile. Le 1,3,5-triméthoxybenzène (TMB) a été choisi comme arène riche et la réaction a été réalisée sous une atmosphère d’éthylène. Dans un premier temps, la formation propre d’une espèce résonnant à δ 64 ppm en RMN 31P a été constatée à température ambiante mais celle-ci s’est rapidement dégradée en complexe

II5 d’Au(I). Afin de pouvoir caractériser l’espèce formée, la réaction a été répétée à basse température

(-60°C). Le même espèce s’est alors formée et s’est montrée stable à cette température, permettant une caractérisation complète par RMN 2D. L’espèce a donc été identifiée comme le complexe II14 (Schéma 69) présentant le groupement sec-alkyl –CH(CH3)Ar de manière similaire au complexe II4 d’insertion de l’éthylène. En revanche, une grande constante de couplage avec le phosphore a été observée pour le carbone du groupement méthine (2J

PC = 53,7 Hz contre 2JPC = 7,7 Hz dans le cas du complexe II4) ce qui indiquerait dans ce cas un arrangement cis du Cnaphthyle et du groupement sec-alkyle.

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Schéma 69 : Réactivité du complexe dicationique avec le TMB et l'éthylène - formation du complexe cationique II14

La présence de signaux distincts pour les deux groupements o-méthoxy et les deux Cmeta-H en

RMN 1H et 13C à -60°C comme à température ambiante indique une absence de libre rotation autour de l’axe Cméthine-Cipso. Dans ce cas, une interaction de l’oxygène du groupement méthoxy avec l’or peut être

postulée mais une interaction π fortement dissymétrique avec le noyau aromatique est également possible au vu des données spectroscopiques. Un fort blindage du carbone ipso (Δδ Cipso = 38 ppm) et

un léger déblindage des carbones quaternaires Cortho et Cpara (Δδ Cq-OMe = 13-15 ppm) est en effet

constaté en comparaison avec le 1-éthyl-2,3,5-triméthoxystyrène.[190]

Nous avons postulé un mécanisme par sphère interne pour expliquer la formation du complexe

II14 en nous basant sur la réactivité précédemment explorée avec l’éthylène (Schéma 70). Un complexe

dicationique est tout d’abord formé par abstraction des iodes du complexe I25 et réagit ensuite avec le TMB via une C-H auration pour former l’espèce int-C-H (un arrangement en trans de l’atome de phosphore est à priori plus favorable en raison de son influence trans moins importante que celle du carbone). Une coordination d’éthylène suivie d’une insertion migratoire forme le complexe primaire d’insertion. Ce dernier subit un réarrangement similaire au cas du complexe II4 pour former le complexe

II14 via l’intermédiaire pour lequel une isomérisation cis/trans est cette fois-ci favorable. .

Schéma 70 : Mécanisme par sphère interne postulé pour la formation du complexe II14

Il est important de noter qu’un mécanisme par sphère externe consistant en la π-activation de l’éthylène peut également être envisagé pour la formation du complexe II14 (Schéma 71). L’étude

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entreprise pour déterminer lequel des deux mécanismes est le plus plausible est détaillée à partir de la partie 6.3.

Schéma 71 : Mécanisme par sphère externe pour la formation du complexe II14

L’évolution du complexe II14 à température ambiante a ensuite été suivie par RMN et une dégradation complète a été constatée en 4h (Schéma 72). De manière surprenante, aucune trace du 2,3,5- triméthoxystyrène n’a pu être détectée par RMN ou par GC/MS. Si le complexe II5 a pu être identifié comme composé majoritaire de dégradation, celle-ci a mené à la précipitation d’or métallique et à un mélange complexe à partir duquel aucun fragment organique n’a pu être reconnu.

Schéma 72 : Dégradation du complexe II14 à température ambiante

Nous avons émis plusieurs hypothèses pour expliquer cette absence de 2,3,5-triméthoxystyrène. Dans un premier temps, l’Au(I)[191] et l’Au(III)[192] étant connus pour provoquer la polymérisation cationique du styrène et de ses dérivés, il n’est pas exclu que la formation d’oligomères en solution puisse empêcher l’identification des fragments organiques. De plus, une oligomérisation par réinsertion du 2,3,5-triméthoxystyrène dans la liaison Au-C du complexe II14 peut également être imaginée.

Afin de tenter d’éliminer ce problème de dégradation et de confirmer l’attribution RMN du composé II14, nous avons envisagé de le stabiliser en utilisant une source de chlore comme NBu4Cl. De manière surprenante, l’addition d’un équivalent de NBu4Cl sur le complexe II14 n’a eu aucun effet et l’utilisation de 5 équivalents a été nécessaire à la conversion complète en un nouveau composé résonnant à δ 72 ppm en RMN 31P. Ce composé a été identifié comme le composé piégé II15 sur la base de quelques signaux RMN et de la HRMS (Schéma 73). La nécessité d’un excès de chlore pour le piégeage de ce complexe cationique II14 va dans le sens d’une interaction stabilisante qu’il est nécessaire de déplacer pour former le complexe II15. Lors des essais de traitement visant à isoler ce dernier de l’excès de NBu4Cl, il s’est dégradé en un mélange faisant apparaître une nouvelle espèce

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résonant cette fois ci à δ 111 ppm en RMN 31P et identifiée formellement comme le composé dichloré

II16. Cette dégradation s’est accompagnée de la formation de complexe II5 d’Au(I) et de 2,3,5-

triméthoxystyrène.

Schéma 73 : Piégeage du complexe II14 par le chlore et dégradation du complexe II15 obtenu

Une solution concentrée du complexe II15 a ensuite été recouverte de pentane dont la diffusion lente à -35°C a permis l’obtention de cristaux de qualité suffisante pour obtenir une structure cristallographique (Figure 8). Le composé n’a en revanche pas pu être complètement caractérisé par RMN, la quantité obtenue étant trop faible et se dégradant en solution. Ce manque de stabilité est surprenant car les complexes (P,C) saturés porteurs d’un atome de chlore sont habituellement très stables. Cette observation suggère une dissociation spontanée de l’atome de chlore sous l’influence du noyau aromatique riche, ce qui est probablement en lien avec la nécessité d’un excès de chlore pour piéger le complexe II14.

Figure 8 : Structure cristallographique du complexe II15

La structure cristallographique du complexe II15 a permis de confirmer la configuration plan carré de l’Au(III) et la présence sec-alkyl –CH(CH3)Ar en position trans de l’atome de phosphore comme déterminé pour le précurseur cationique II14 lors de la caractérisation RMN à basse température. Ayant prouvé la capacité de notre complexe (P,C) à former un dérivé du styrène à partir d’un arène riche et de l’éthylène, nous avons voulu déterminer si cette transformation était permise par un mécanisme de C-H activation/insertion migratoire en tentant de synthétiser l’intermédiaire supposé de C-H activation int-C-H (Schéma 70).

P

C Au

Cl

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