3.2 Formation, évolution et environnement des galaxies
3.2.4 Les premiers objets de l’Univers
Le gaz d’éléments légers se concentre donc initialement grâce aux petites
surden-sités que sont les halos de matière noire. Il va alors se condenser et, étant encore
dé-pourvu d’éléments atomiques lourds, s’effondrer très rapidement pour former de très
grosses étoiles dont le rayonnement va terminer la période dite des Âges Sombres
de-puis la recombinaison. Ces étoiles vont vivre peu de temps et exploser violemment en
éjectant les premiers éléments lourds synthétisés qui se retrouveront dans les nouvelles
étoiles qui vont se former.
Des ensembles complexes, constitués d’étoiles et de gaz plus ou moins enrichis
en éléments lourds, vont ainsi nécessairement apparaître. Ces structures de matière
baryonique sont plus ou moins autogravitantes, subissant en permanence la
compéti-tion entre gravitacompéti-tion et expansion, ainsi que l’influence des différents halos de matière
noire et autres étoiles alentours.
Comment définir les premiers objets de l’Univers ? Si on pose comme condition
qu’ils soient autogravitants, jusqu’à quel degré peuvent-ils l’être à cet instant de
l’Uni-vers qui est encore relativement dense ? Pour les étoiles prises individuellement, il n’y
pas de doute possible. Mais les nuages de gaz qui les ont formées, ne sont-ils pas
ap-parus avant ? Et même si on admet que les étoiles sont les véritables premiers objets
autogravitants de l’Univers, nous sommes encore loin d’une galaxie telle que nous les
connaissons autour de nous. La question des premiers objets de l’Univers n’est encore
pas résolue, et ce problème n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît dans le contexte
des galaxies. Nous voyons ici la nécessité de définir proprement ce qu’on appelle une
galaxie si on veut pouvoir retracer l’histoire complète de ces objets (Sect.5.1).
3.2.5 Évolution et diversification des galaxies
En toute logique, l’évolution d’une galaxie n’est rien d’autre que l’évolution de ces
constituants fondamentaux que sont les étoiles, le gaz et la poussière (Sect.2.3et5.1).
Indépendamment de la galaxie qu’on considère, chacun des constituants a des raisons
propres d’évoluer.
Les étoiles vieillissent toutes seules selon leur masse et leur métallicité. Elles
changent en nombre, en distribution d’âge et de masse lorsque de nouvelles étoiles
se forment au sein de la galaxie, ou lorsque d’autres étoiles sont accrétées par la
ga-laxie, par exemple lors de fusions de deux galaxies. Les étoiles les plus jeunes sont
plus métalliques car formées avec du gaz transformé au cœur des étoiles massives des
générations précédentes. Enfin, les étoiles changent leurs cinématiques et leurs
répar-titions en fonction des influences gravitationnelles internes à la galaxie, ou externes
(autres galaxies, matière noire ; voir Sect.5.4).
Le gaz modifie sa distribution, sa concentration, sa cinématique, sa température,
son taux de ionisation en fonction de l’environnement gravitationnel et radiatif en
per-pétuel changement. Il peut se condenser pour former des étoiles, et sa composition
s’enrichit en éléments lourds grâce aux étoiles qui explosent en supernovae et relâchent
le produit de leur combustion thermonucléaire.
Poussières et molécules modifient leurs distributions, densités, cinématiques,
tem-pératures suite à de nombreux évènements, comme les perturbations gravitationnelles
ou les ondes de chocs générées par des explosions d’étoiles. Elles sont chauffées et
même détruites par les rayonnements des étoiles chaudes ou même en provenance du
noyau central de la galaxie. Les rayons cosmiques également peuvent les détruire. Les
poussières et molécules voient leur composition chimique, et donc leur taille et leur
complexité, se modifier selon les conditions locales et suite aux perturbations de tous
ordres. Elles peuvent même aller jusqu’à se condenser en des nuages de plus en plus
denses pour former des étoiles.
Les structures morphologiques des galaxies, tels que les bulbes, disques, halos
stel-laires, barres et bras spiraux, sont simplement les traces visibles des propriétés
cinéma-tiques principalement des étoiles. Elles traduisent la distribution des orbites stellaires
dans la galaxie, qui sont modifiées selon les aléas de l’environnement gravitationnel
local.
Enfin, l’activité du noyau des galaxies, avec ou sans la présence d’un trou noir
central, est alimentée très certainement à la suite de perturbations gravitationnelles
impliquant des modifications drastiques des orbites du gaz et des étoiles de la galaxie.
In fine, ce sont les descripteurs tirés des observations qui vont caractériser leurs
états évolutifs, donc l’état évolutif de la galaxie.
Quand on parle de l’évolution d’une galaxie, c’est donc bien de tout cela dont
on parle, dont on devrait parler. Car la formation et l’évolution des galaxies sont une
problématique majeure de l’astrophysique contemporaine. Cependant, qu’entend-on
exactement par formation, par évolution ? Le Chapitre5traitera ces notions plus
pro-fondément, mais dans le contexte de ce chapitre nous pouvons dores et déjà en préciser
les contours.
Par formation, on entend en principe création ou apparition. Mais la formation des
galaxies concerne à la fois la formation des premiers objets de l’Univers qui peuvent
être considérés comme galaxies (encore faut-il définir cet objet), et la formation d’une
galaxie dans l’état où nous l’observons à un redshift quelconque. Ce deuxième cas est
généralement ignoré, ou largement amalgamé avec l’évolution au travers d’un concept
flou de transformation. Pourtant, chaque fois qu’une galaxie se modifie
significative-ment, elle forme bel et bien un nouvel objet (Sect.5.4). La formation des galaxies est
donc généralement une expression assez vague que l’astrocladistique précise en
iden-tifiant clairement les processus d’évolution qui sont des processus de transformation
des galaxies (Sect.5.3).
Le terme “évolution” sous-entend à la fois modification et temporalité : la
mo-dification se déroule au cours du temps. Par évolution des galaxies on confond
gé-néralement l’évolution des galaxies en tant que population (les toutes premières
ga-laxies n’ont rien à voir avec celles à z=0) et l’évolution de l’individu (une galaxie toute
seule évolue parce que ces constituants évoluent). La modification au cours du temps
peut être diversifiante si le nombre et la complexité des constituants évolutifs, la
va-riété des environnements, et la nature des processus d’évolution rendent peu probables
des changements identiques pour tous les objets. Par exemple, dans le modèle
hiérar-chique de formation des galaxies, la diversité des masses des galaxies serait apparue
au cours du temps, progressivement, les galaxies massives étant le résultat du mélange
de galaxies plus petites. Peut-ont imaginer qu’elles grossissent ainsi toutes au même
rythme ? Nous reviendrons sur les processus d’évolution et de formation des galaxies
au Chapitre5, mais la diversité observée des galaxies plaide largement en faveur d’une
évolution avec diversification.
Il semble de plus que le terme “évolution” s’applique bien à une unité, que cela
soit la population des galaxies, une galaxie individuelle, ou un paramètre particulier
(comme la masse), associant une quantité en tant que fonction du temps. Il est alors
facile de comprendre la notion relative de “plus ou de moins évolué”. Par contre,
lors-qu’un objet est intrinsèquement multivarié, c’est-à-dire lorsque plusieurs paramètres
sont nécessaires pour le caractériser fidèlement, les évolutions différentes de ceux-ci
rendent généralement les comparaisons peu pertinentes : quel est le plus évolué entre
un éléphant et une fourmi, ou entre une galaxie naine possédant des étoiles très vieilles
et une grosse galaxie spirale possédant surtout des étoiles jeunes ?
La diversification, naturellement multivariée, est l’action menant à la diversité. Par
exemple, dans le modèle initial de formation des galaxies par effondrement
monoli-thique, la diversité (notamment en masse) serait apparue au moment de la formation
de toutes les galaxies au tout début de l’Univers. Elle aurait donc été générée
initia-lement, en un laps de temps très “court”, sans modification ultérieure. Dans ce cas
extrême, la diversité ne serait pas liée au temps, donc à l’évolution, mais serait
primi-tive. Cependant, comme les interactions et les fusions ont nécessairement modifié et
donc fait évoluer les galaxies (Sect.3.2.3,5.4), ce modèle paraît trop radical. D’une
manière plus générale, la diversification sous-entend une augmentation de la variété,
les modifications étant donc multiples et diverses.
En conclusion, il nous semble que le terme de diversification est plus précis et
moins ambigu que “évolution”, il inclut les notions de formation, d’évolution et même
de classification. C’est en cherchant à définir proprement ces notions et l’objet
“ga-laxie” que nous conclurons au Chapitre 5 que le terme de diversification recouvre
complètement les véritables préoccupations des astrophysiciens lorsqu’ils parlent de
“formation et évolution des galaxies”.
3.3 Classer des objets complexes en évolution
Dans ce chapitre et le précédent, nous avons constaté que la biologie évolutive et
l’astrophysique des galaxies sont confrontées à la même problématique. Tant du côté
des organismes vivants que des galaxies, il est nécessaire de synthétiser les
observa-tions des objets complexes en évolution et d’en comprendre les relaobserva-tions. La
systé-matique, qui est la science de la classification des organismes vivants, a, au cours des
Âges, clairement identifié les objectifs, les possibilités et les limitations de la
classifi-cation de tels objets, et a permis le développement de méthodes adaptées. Plus de deux
mille ans d’histoire de la classification des espèces vivantes ont fourni à l’Humanité
une expérience précieuse sur les meilleures manières d’appréhender la complexité du
monde qui nous entoure. Nous allons maintenant nous détacher des objets eux-mêmes
pour esquisser les concepts.
Dans le document
DE LA DIVERSIFICATION DES GALAXIES
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