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Chapitre I : spécificités d’un discours produit sur un support pré-structuré

« La règle au sens de la régularité observée, c’est la transgression des règles » (Girin, Grosjean 1996, p.5).

Nous allons étudier dans ce chapitre l’incidence de l’introduction d’un formulaire électronique de saisie en tant que support de la production discursive des interventions initiatives. Ces interventions initiatives correspondent, rappelons-le, à la saisie des informations initiales sur un formulaire élaboré, qui a été conçu par l’entreprise. Les autres interventions étaient par contre saisies sur le formulaire intitulé Enrichissement, peu structuré et donc peu contraignant.

Notre hypothèse de départ est donc que le formulaire de saisie (en tant qu’élément du cadre communicatif) influence et plus précisément contraint la production discursive61. Notre objectif est d’apprécier si, malgré ces contraintes, les acteurs ont pu s’adapter et produire par là même un discours permettant l’intercompréhension. Ainsi, grâce aux apports théoriques de la linguistique de l’énonciation, nous montrerons que le formulaire de saisie des informations initiales, même vide, en tant que support de communication, est porteur d’une signification, et plus précisément d’une énonciation et d’un énoncé implicite, que nous nommerons procédure rédactionnelle. L’énonciateur de cette procédure sera nommé le couple logiciel-concepteurs.

Les recherches de Bronckart (1985, 1987) fortement inspirées par la linguistique de l’énonciation, associées aux apports de la théorie des Actes de Langage (Austin, 1970, Searle, 1972), nous permettront de constituer une grille d’analyse de notre corpus afin de repérer la manière dont les locuteurs ont géré les contraintes de ce support de saisie. Nous montrerons qu’ils ont eu recours à des procédés de référenciation co-textuelle entre champs et qu’ils n’ont pas toujours respecté les

61 Nous considérons ainsi deux notions de l’interface dans les termes de Pouteau, Romary, Pierrel « celle d’un support de représentation et d’action sur le monde et celle d’un médiateur de l’opérateur

dans sa relation au monde » (1994, p. 491). Ainsi la première notion est plutôt abordée dans ce

chapitre et la seconde dans le chapitre 2 de la seconde partie de cette étude. Plutôt car, bien

règles de la procédure que nous nommerons rédactionnelle. Ce modèle nous permettra surtout de mesurer le degré de lisibilité des discours produits.

Nous ferons alors des hypothèses sur les conséquences de ces caractéristiques en matière d’interprétation discursive et donc sur les risques d’incompréhension. Ces hypothèses seront à consolider dans les deux autres chapitres de cette première partie et seront évaluées dans la seconde partie de ce travail. En effet, ce sera seulement dans l’analyse des échanges que nous pourrons en mesurer les conséquences sur l’interprétation des interventions et donc sur le niveau d’intercompréhension entre les acteurs.

3. Le formulaire vide

La linguistique de l’énonciation a pour objectif de décrire et d’étudier les traces de l’acte de production dans le produit. Il est vrai que, originellement, cette linguistique se proposait d’étudier l’Enonciation définie comme « la mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation » (Benveniste, 1970, p. 12). Cependant comme il est difficile d’étudier l’acte de production, la problématique de cette linguistique est devenue la suivante :

« faute de pouvoir étudier directement l’acte de production, nous chercherons à identifier et à décrire les traces de l’acte dans le produit, c’est-à-dire les lieux d’inscription dans la trame énoncive des différents constituants du cadre énonciatif. » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 30).

Ce cadre nommé énonciatif, c’est le cadre communicatif que nous avons présenté dans notre problématique62. Ainsi, dans un premier temps, nous montrerons que le formulaire vide, en lui-même, fait sens. Il est porteur d’un énoncé formulé implicitement par les énonciateurs qui ont conçu le formulaire. Ce dernier constitue une véritable procédure rédactionnelle car il impose différents cadres communicatifs.

62 Nous reconnaissons ici le rôle historique de la linguistique de l’énonciation dans l’élaboration de la linguistique interactionniste. Ainsi, l’influence du cadre a d’abord été étudiée à un niveau discursif (linguistique de l’énonciation) pour s’étendre ensuite à l’interaction dans son ensemble (linguistique interactionniste).

3.1 L’énonciateur : le couple logiciel-concepteurs

Le papier en tant que canal et support de transmission est sémiotiquement non-signifiant, c’est-à-dire qu’il véhicule ce que les locuteurs disent ou font, mais n’a pas de sens qui lui est propre. En effet, lors de la lecture d’un écrit produit sur du papier ce dernier s’efface devant les signes qui y sont inscrits. A contrario, dans notre situation, le support est un formulaire avec des intitulés, une structuration qui est porteuse de signification. Comment fait-elle sens ?

L’énoncé que produira le locuteur après avoir rempli le formulaire vide peut être décrit formellement selon les étapes suivantes :

 Les concepteurs de la société Lotus ont conçu l’interface du logiciel Notes dans son ensemble, ils ont donc produit un énoncé que nous nommons A.

a ---> b = A

 A partir de A, les concepteurs de la société observée ont conçu un formulaire électronique de saisie,

a’ --> b’ = B

Ils ont conçu le formulaire à partir de ce qui a été créé par les concepteurs du logiciel, c’est pourquoi a’ c’est A,

Nous avons donc déjà un énoncé que nous nommons en abîme, qui peut être formalisé de la façon suivante :

a ---> b |_________| A a’ ---> b’ |____________________| B

Cependant ce n’est pas fini, car à partir de cela, le locuteur va construire son énoncé :

a’’ ---> b’’ = C

Celui-ci s’articule avec ce qui a été énoncé précédemment : a ---> b

|_________|

A (énoncé des concepteurs Lotus : l’interface du logiciel) a---> b

|____________________|

B (énoncé des concepteurs de la société en question : le formulaire)

a’’’ ---> b’’’ |_____________________________________| C (énoncé de l’utilisateur)

Ainsi C est la résultante de trois énonciations dont les énonciateurs sont, les concepteurs Lotus, les concepteurs de la société observée et le locuteur, et de trois énoncés, A, B, C.

Notre problématique nous amène à étudier, plus particulièrement, les difficultés que peuvent rencontrer un locuteur à devoir construire un discours à partir de A et de B. Notre objectif est en effet d’appréhender l’influence du support de communication de type formulaire issu du travail des concepteurs de la société (ces derniers ayant eux-mêmes utilisé les outils de conception des constructeurs du logiciel). Le reste de l’interface n’est pas pertinent pour cette partie de l’analyse. D’une part, elle n’intervient pas dans la construction du discours des locuteurs, d’autre part, elle constitue, sur ce point, une source de signification relativement indépendante. Nous nous intéresserons donc à l’interface de saisie du discours, c’est-à-dire au formulaire conçu par la société à partir de ce dont elle disposait. Nous nous centrerons ainsi sur les deux derniers niveaux B et C.

Cependant, lorsque le locuteur saisit son discours, il interagit avec le logiciel par l’intermédiaire de l’interface et nous pouvons dire, par métaphore, que le logiciel parle au nom des concepteurs. C’est pourquoi nous nommons les deux énonciateurs des niveaux A et B, le couple logiciel-concepteurs.

3.2 L’énoncé implicite : un scénario issu du processus d’action

commerciale

Pour expliquer comment fonctionne le niveau B et approfondir la réflexion, nous allons prendre comme exemple un des formulaires électroniques vides qui se présente de la façon suivante (formulaire de saisie intitulé Rencontre63) :

Voici donc le formulaire vide , support de production discursif :

63 Nous rappelons que les formulaires de saisie conçus par la société se nommaient respectivement :

Rencontre, Demande spontanée, Appel d’offre/de Candidature, Média, Dossiers. De plus, nous avons

enlevé les boutons informatiques qui n’ont pas de conséquences sur la production discursive ainsi

que l’intitulé insertion d’un fichier qui, rappelons-le, permettait à l’utilisateur d’insérer dans le

_______________________________________________________________________ Auteur : créé le : ---Détail de la rencontre--- Date de la rencontre : Origine/Contexte : Interlocuteur(s) présent(s titre(s) et téléphone(s) : Nom de la structure : Secteur d'activité : Autres intervenant(s) d'ALGOE présents:

---Compte rendu de l'entretien---

texte :

---Motivations, hypothèses d'intervention

---texte :

Nature de la prestation:

Nom(s) du/des Client(s) potentiel(s) : proposition d'action(s):

---Engagements à court terme---

Nom(s)de la/des personne (s) à contacter titre(s), téléphone(s) :

Engagement pris :

---Diffusion---

Responsable(s) de dvlpt : Diffusion pour action :

Diffusion pour information : Diffusion papier:

Rappelons64 que pour éviter de répéter toujours la même formulation, nous remplacerons les noms des champs, par des abréviations :

 Détail de la rencontre, Détail de la demande DR/DD

Compte rendu d’entretien, CR

Motivations/Hypothèses d’intervention, MHI

Propositions d’action, PA

 Engagements pris, EP

 Diffusion pour action, DA.

Le formulaire vide ci-dessus contient des unités linguistiques qui sont porteuses de sens et plus précisément, un énoncé implicite, porteur d’une énonciation. Pour décrire ce phénomène, nous allons reconstruire explicitement celui-ci.

Cet énoncé est un des scénarios issu du processus d’actions commerciales à informatiser. Tel qu’il a été défini par le groupe de concepteurs, il peut être formulé de la façon suivante65 :

Nous vous demandons de saisir votre information de la façon suivante :

choisissez un des contextes suivants : avez-vous obtenu cette information ? :

en écoutant une émission à la radio, en lisant un article,

à la suite d’une rencontre avec une personne dans une mission ou en dehors d’une mission,

en lisant un appel d’offre, un appel de candidature,

suite à un appel spontané.

Supposons que le locuteur choisisse le formulaire intitulé Rencontre.

Nous inscrivons par défaut votre nom et la date de saisie de votre message.

Commencez par donner ce que nous appelons le contexte de votre information, inscrivez :

la date de la rencontre,

l’origine et le contexte dans lequel vous avez eu cette information,

les noms et titres des interlocuteurs,

leur structure d’appartenance (son secteur d’activité),

les autres interlocuteurs appartenant à notre société.

Faites ensuite le compte rendu de l’entretien dans le champ intitulé compte rendu de l’entretien, puis exposez vos Motivations concernant cette information, c’est-à-dire expliquez la raison pour laquelle vous l’avez choisie et formulez finalement vos Motivations (pourquoi estimez-vous que cette information est pertinente ?) et vos hypothèses d’intervention (quelles pourraient être les possibilités d’interventions ?) dans le champ intitulé Motivations et hypothèses d’interventions.

Dans le champ engagement à court terme, indiquez s’il y a lieu d’être :

les noms, prénoms, titres, et numéros de téléphone des personnes à contacter

le type d’engagement en cours à savoir, vous êtes-vous engagé à le recontacter ? Enfin, dans le champ diffusion, choisissez dans la liste des soutiens potentiels les initiales d’un ou des soutiens commerciaux que vous devez obligatoirement informer,

65 Voir le cahier des charges du système en annexe n°1, les différents formulaires en annexe 4, et la présentation du système dans l’introduction de cette étude.

puis choisissez dans la liste des consultants ceux à qui vous diffusez cette information, pour action ou pour information.

Ainsi ce scénario est un énoncé implicite car celui qui veut saisir une information doit le reconstruire. L’énonciateur de cet énoncé implicite est le couple logiciel-concepteurs. Enfin, cet énoncé implicite est une procédure rédactionnelle car, comme nous allons le montrer ci-dessous, elle impose un contenu et un ordre discursif.

3.3 La procédure rédactionnelle

Ce scénario « rencontre » tel qu’il a été présenté en guise d’exemple, a été, en fait, l’objet de nombreux débats autour des questions suivantes : quelles sont les informations nécessaires et suffisantes à donner, à remplir pour l’utilisateur ? dans quel ordre doit-il les donner ? quelle structure proposer ? comment nommer les différentes parties constitutives de la structure du formulaire ?

Les questions d’ergonomie ont d’abord été abordées, en particulier, la manière dont il fallait saisir l’information au niveau de l’interface. Au regard de l’objectif d’efficacité commerciale, il s’agissait de faire en sorte que les utilisateurs donnent toutes les informations importantes66 tout en faisant en sorte que le formulaire de saisie tienne sur un seul écran.

Il fallait donc articuler des critères de qualité, de quantité et de lisibilité67. Il a été finalement décidé, après divers essais (voir, en annexe 4, les formulaires intermédiaires), de structurer le formulaire en parties et en champs.

Les concepteurs ont ensuite longuement réfléchi sur le découpage en parties, sur l’ordre des informations et sur les intitulés à donner aux paragraphes et aux champs. Après que de nombreuses options aient été envisagées, une décision a dû être prise :

sur le type et la quantité d’informations à transmettre (certains membres du groupe de conception pensant que ce qui était demandé était suffisant, d’autres pas : par exemple doit-on transmettre ou ne pas transmettre l’adresse de la structure ? ),

sur l’ordre des informations (combien de parties et de champs faut-il faire, quel découpage ? ),

66 De nombreux débats ont eu lieu autour de la question suivante : quelles sont les informations importantes pour optimiser l’efficacité du processus ?

67 Nous pouvons faire ici un parallélisme avec les maximes conversationnelles de Grice (1979) maximes

de quantité, de qualité, de relation, de modalité (donner la quantité et la qualité nécessaire

 sur les intitulés (par exemple : doit-on nommer le premier champ Contexte de la rencontre, Cadre de la rencontre... ?, doit-on parler de structure, d’organisation, d’entreprise, de société...?).

En d’autres termes, le locuteur ne peut pas raconter ce qu’il veut dans l’ordre qu’il souhaite. Il doit connaître et accepter les intitulés, c’est-à-dire donner l’information demandée. Plus précisément, ce locuteur devra :

 connaître le/les scénarios de saisie contenus dans les différents formulaires,

 faire en sorte que son cas entre dans un des scénarios choisis comme exemple d’une catégorie de situations,

 accepter de ne donner que les informations qui lui sont demandées (certains champs ayant été d’ailleurs rendus obligatoires),

 accepter de construire son discours à partir de ce qui a été demandé,

accepter de saisir les informations dans l’ordre demandé,

comprendre et accepter les intitulés, c’est-à-dire la terminologie employée pour nommer les champs et les champs à remplir.

La quantité, la qualité et l’ordre de l’information demandée implicitement dans le formulaire ont été, ainsi, une fois pour toutes, décidés, constituant par là-même un système de règles de saisie imposé c’est-à-dire une procédure rédactionnelle.

Effectivement, la procédure rédactionnelle est bien portée implicitement par le formulaire car il est nécessaire pour le reconstruire de remplir les vides à partir des intitulés qu’il contient dans le formulaire. Chaque intitulé du champ suivi des deux points fait sens (par exemple : structure : signifie saisissez le nom de la structure à laquelle appartient la personne rencontrée).

Les énonciateurs de cet énoncé sont les concepteurs. Lorsque l’utilisateur se trouve devant le champ, Origine/contexte, il faut qu’il comprenne le message suivant, formulé implicitement par un énonciateur : saisissez le contexte dans lequel vous avez obtenu cette information et l’origine de ce contexte.

Le logiciel est porteur de ce message car il est l’énonciateur d’un message implicite construit par les concepteurs de l’organisation. Pour cette raison, nous parlerons du couple logiciel-concepteurs qui est l’énonciateur de cet énoncé.

une procédure rédactionnelle un support de communication (énoncée par le couple logiciel-concepteurs) le formulaire vide

a ---> b

|____________________________________________________| B

Grâce aux apports théoriques de Bronckart68 (s’inspirant, en particulier, de la linguistique de l’énonciation et de la théorie des actes de langage), nous allons montrer que la procédure implique que le locuteur se projette dans plusieurs cadres spatio-temporels et sociaux, au sein desquels il va devoir produire différents types de discours correspondant à des actes de langage spécifiques.

3.4 Les cadres spatio-temporels et sociaux imposés par la procédure

Bronckart (1985) a en effet mis en évidence qu’à chaque situation spatio-temporelle et sociale correspond un certain type de discours que l’on peut reconnaître à partir d’un ensemble de traits linguistiques. Nous montrerons ainsi que la procédure rédactionnelle se manifeste par une projection des locuteurs dans plusieurs cadres spatio-temporels et sociaux, correspondant aux différentes parties du formulaire, au sein duquel ils devront produire un certain discours.

3.4.1 Les types discursifs

La linguistique de l’énonciation, nous l’avons souligné, met en évidence que chaque cadre énonciatif impose son ou ses types discursifs. Bronckart développe cette idée en posant comme hypothèse « qu’à des conditions de productions différentes suffisamment contrastées devraient correspondre des types de textes différents et qu’idéalement les caractéristiques des conditions de production devront permettre de prévoir les caractéristiques morpho-syntaxiques des textes » (1985, p. 67). Nous reconnaissons bien ici un des thèmes de réflexion de la linguistique de l’énonciation qui s’interroge ainsi sur les conséquences des caractéristiques des conditions de production sur le type de discours produit.

68 Rappelons que son modèle nous intéresse à deux niveaux. D’une part, parce qu’il fait un parallélisme entre types de cadre communicatif et types de discours, et d’autre part parce qu’il mesure le degré de lisibilité de ces types de discours.

A partir de cette hypothèse, Bronckart définit quatre types discursifs fondamentaux (1985) correspondant à diverses conditions de production. Ces types sont différenciés en fonction de « leur mode d’ancrage à la situation de production..., c’est-à-dire par la nature des relations qui sont posées entre les paramètres de cette situation et, d’une part, les paramètres du référent (objets du discours), d’autre part, les paramètres de l’interaction sociale » (Revaz et Bronckart, 1988, p. 39).

Deux procédures peuvent être appliquées pour reconnaître ces types de discours. Elles consistent à poser :

 « un rapport de conjonction ou de disjonction entre le contenu du discours et la situation de production ; soit le contenu est présent (ou « rendu présent ») dans l’espace-temps de production, soit au contraire, il en est absent (...),

un rapport d’implication ou d’autonomie entre les paramètres du niveau social et ceux de l’acte de production. Ou bien le but de l’action, son lieu social, son allocutaire et son énonciateur impliquent le producteur et l’espace temps de production ou bien les paramètres de l’interaction sociale sont dissociés de l’acte matériel de production » (Revaz et Bronckart, 1988, p. 39).

Selon le premier rapport, lorsqu’une grand-mère raconte un conte à ses petits-enfants, les objets du discours sont absents, et son discours est donc un rapport de disjonction par rapport au référent. La situation est différente si elle gronde sa petite fille qui a fait une bêtise (par exemple, elle a sali la moquette de sa chambre). Les objets du discours sont alors présents dans l’acte de production, son discours est dans un rapport de conjonction.

Selon le second, lorsqu’un enseignant anime un débat en classe, son discours est dans un rapport d’implication avec les paramètres de l’interaction sociale (lieu, but, interlocuteurs). A contrario, s’il prépare son cours dans un café, le discours est produit dans une situation d’autonomie par rapport aux paramètres de l’interaction.

A partir de ces quatre types de rapport, Bronckart définit donc les quatre archétypes discursifs suivants :

 le discours en situation (DS),

 le récit conversationnel (RC),

 le discours théorique (DT),

 la narration (N).

Ces types croisent les rapports décrits ci-dessus de la manière suivante (Bronckart, 1985) :

Rapport au contenu Conjoint Disjoint Rapport à Impliqué DS RC l’interaction sociale Autonome DT N

Pour décrire d’un point de vue linguistique les caractéristiques de chaque type de discours, Bronckart a utilisé, entre autres, les apports de linguistique de l’énonciation.

3.4.1.1 Apports de la linguistique de l’énonciation

La linguistique de l’énonciation nous apprend que la référenciation des données spatio-temporelles, des objets69 et des acteurs dans le discours se fait par un certain type d’unités linguistiques. Ces unités sont soit des déictiques, soit des procédés de référenciations co-textuelles, soit de référenciations absolues.

Les déictiques sont des unités linguistiques dont le fonctionnement est sémantico-référentiel car ils ne prennent un sens que par rapport à un référent (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 36). Par exemple, ça ne prend sens que par rapport, par exemple, à une chaise qui est montrée au moment de l’énonciation. Ainsi, les

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