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Première partie : D’Alinsky à Obama, sociogenèse d’un métier de faiseur de représentants

« À l’origine simple agrégat silencieux, le groupe s’est doté d’un nom et de représentations mentales associées au nom. Pour qu’un groupe apparaisse sur le tissu des relations sociales, il faut en effet que soit forgé son concept et que soit institué son nom. »

Luc Boltanski, Les Cadres, 1982, p. 57

Selon le récit canonique de ses origines, le community organizing naît à l’été 1939, dans un quartier ouvrier de Chicago, lorsque Saul Alinsky, ancien étudiant en sociologie à l’Université de Chicago devenu travailleur social, fonde le Back of the Yards Neighborhood Council (BYNC), dans une alliance improbable avec un syndicaliste, le directeur d’un parc et un prêtre catholique, pour résoudre les problèmes de délinquance juvénile par la participation active des habitants à la vie associative et citoyenne. Pour résoudre la misère urbaine, il faut plus de représentation. Dans un contexte de montée des fascismes et de crise de légitimité des démocraties représentatives occidentales, la presse construit immédiatement le BYNC en « miracle de démocratie1 » et Alinsky comme sauveur d’une démocratie américaine menacée à la fois par le danger fasciste et le péril communiste2.

Des années 1930 jusqu’à l’élection d’Obama, la fondation du BYNC continue d’être considérée comme l’acte de naissance du community organizing, que ce soit dans une perspective hagiographique3 ou critique4, dans des ouvrages scientifiques ou dans la vaste littérature grise produite par les praticiens5. En 2010, Nicholas von Hoffman, ancien community

organizer embauché par Alinsky devenu journaliste, explique par exemple de son ancien patron

et mentor que « ses livres se vendent par milliers, on lui attribue l’élection d’un président, et

1 Article du Chicago Daily Times non daté, cité dans S.D. Horwitt, Let Them Call Me Rebel, op. cit., p. 105.

2 On trouvera la version la plus complète de ce récit des origines dans S.D. Horwitt, Let Them Call Me Rebel,

op. cit.

3 Voir par exemple H.C. Boyte, Commonwealth, op. cit. ; Jeffrey Stout, Blessed Are the Organized: Grassroots Democracy in America, Princeton, Princeton University Press, 2010 ; L. Bretherton, Resurrecting Democracy,

op. cit. ; A. Schutz et M. Miller (eds.), People Power, op. cit.

4 Jane McAlevey, No Shortcuts: Organizing for Power in the New Gilded Age, New York, Oxford University Press, 2016.

5 Larry Parachini et Sally Covington, Community Organizing Toolbox: A Funder’s Guide to Community Organizing, Washington, D.C., Neighborhood Funders Group, 2001 ; R. Sen, Stir It Up, op. cit.

62 des centaines de milliers de personnes qui cinq ans plus tôt n’avaient jamais entendu son nom encombrent la toile pour l’injurier6. » Le travail de mythification est facilité par l’existence d’une seule véritable biographie de Saul Alinsky, écrite par un de ses disciples, empreinte d’une fascination marquée pour le personnage, mais aussi par la rareté de travaux historicisant les pratiques qui sont associées à son nom7.

En se focalisant sur la seule personne d’Alinsky, on tend à occulter le contexte social et politique spécifique dans lequel émergent, se consolident et s’institutionnalisent ces pratiques de mise en représentation par la participation. En décentrant le regard du « père fondateur » vers le groupe et les conditions qui rendent possible sa formation, il devient possible de voir « le travail social qui a donné au groupe sa forme et qui l’a rendu visible8 » et de réinscrire ce dernier dans les recompositions de la division du travail politique.

Le déplacement de la focale vers le groupe permet de formuler plusieurs interrogations imbriquées qui serviront de fil conducteur aux chapitres de cette partie. Ce qui se joue des années 1930 à la fin des années 2000, c’est d’abord l’invention d’un rôle politique qui institue une division supplémentaire dans le travail de la représentation entre, d’une part, le représentant d’un groupe (le leader), c’est-à-dire celui qui parle en son nom et le fait ce faisant exister, et d’autre part celui qui forme, façonne et légitime ce représentant – celui qui le « fait »

(l’organizer). Dans l’espace du community organizing, les professionnels, ce ne sont pas les

porte-parole populaires mais les organizers, qui non seulement vivent « pour » et « de » leur activité, pour reprendre la formule wébérienne, mais revendiquent également une éthique professionnelle et un sens du métier – alors que celle-ci est au contraire déniée car « peu avouable » chez les professionnels de la politique9. Dans le même temps, les professionnels n’exercent pas non plus de tâches de porte-parole au sens strict du terme10. Leur métier consiste plutôt à former des sujets de la représentation, à leur faire prendre conscience qu’ils peuvent l’être, ce qui implique de se mettre en retrait, de ne pas prendre la parole à la place de « la communauté », comme le résume ce qui est souvent présenté comme la « règle d’or » du

community organizing : « Il ne faut pas faire pour les gens ce qu’ils peuvent faire par

eux-6 « His books are selling by the thousands, he is being credited with electing a president and hundreds of thousands who had not heard his name five years ago are clogging cyberspace reviling him. » N. von Hoffman, Radical,

op. cit., p. xi.

7 Voir néanmoins R. Fisher, Let the People Decide, op. cit. ; F. Bardacke, Trampling Out the Vintage, op. cit.

8 Luc Boltanski, Les cadres : la formation d’un groupe social, Paris, Éditions de Minuit, 1982, p. 51.

9 D. Damamme, « Professionnel de la politique, un métier peu avouable », art cit.

10 Baptiste Giraud, Julian Mischi et Etienne Pénissat, « Que portent les porte-parole ? », Agone, 2015, no 56, p. 7‑11.

63 mêmes 11. » Or, non seulement cette dissociation des rôles s’accompagne d’une rhétorique de proximité, de réduction de la distance sociale entre le porte-parole et celui qui le « fait », mais elle se manifeste progressivement dans une exigence de représentativité sociale du « faiseur de représentants ». Même si l’organizer ne parle pas au nom des groupes qu’il met en représentation, depuis les années 1980 les normes professionnelles en vigueur prescrivent qu’il partage certaines propriétés saillantes avec les représentés – en particulier en termes d’appartenances raciales.

La dissociation entre le porte-parole et celui qui le « fait » renvoie à une seconde interrogation, celle des formes que prend la relation de représentation. Naissant au croisement du travail social et de la mobilisation politique, les pratiques de community organizing mêlent deux logiques distinctes de représentation des groupes dominés. La première est associée à une tradition de libéralisme social réformateur valorisant la responsabilisation individuelle des pauvres et le secours mutuel (self-help) en dehors de toute intervention directe de l’État. Cette mise en représentation par en haut constitue un moyen d’encourager les vertus civiques, le sens des responsabilités, le contrôle social informel. La seconde est façonnée par des mouvements de contestation sociale (années 1930, années 1960), qui font de la mobilisation des exploités et des opprimés un impératif politique, et qui manifestent une méfiance, voire un refus, de la délégation de leur capacité de décision individuelle et collective. Alors que le type de représentation qu’encourage l’action sociale libérale présuppose l’acceptation des structures sociales dominantes, la revendication d’une représentation politique autonome implique la remise en cause des rapports de domination.

La dernière interrogation qui guidera cette première partie porte sur les dynamiques de formation du groupe professionnel et les revendications de « juridiction », c’est-à-dire d’un contrôle exclusif sur un ensemble déterminé de tâches de travail, qu’il formule12. Or, la constitution du groupe est marquée par une double tension : tension entre une exigence démocratique de « rendre le pouvoir » aux groupes dominés en s’effaçant derrière eux et l’affirmation d’une différence entre professionnels et profanes, d’abord ; tension entre la forte valorisation symbolique du titre « community organizer » et le manque de reconnaissance sociale et professionnelle des individus qui accomplissent au quotidien les tâches de mise en représentation par la participation attachées à ce rôle.

11 D.S. Walls, Community Organizing, op. cit.

64 On peut identifier trois moments principaux dans la formation du groupe des community

organizers. Remontant jusqu’au début du XXe siècle et poussant jusqu’à la fin des années 1950,

le premier chapitre exposera les conditions sociales et politiques d’émergence des « procédures » de mise en représentation par la participation proposées par Alinsky. Le deuxième chapitre reviendra sur la séquence contestataire allant de la fin des années 1950 au milieu des années 1970, qui voit s’élargir le territoire professionnel où se situent les community

organizers sous l’effet conjugué des différentes mobilisations collectives et des recompositions

des politiques sociales fédérales. Enfin, le dernier chapitre montrera comment le métier se structure véritablement à la fin des années 1970 grâce à la rencontre des deux groupes jusqu’alors distincts des professionnels formés par Alinsky et des anciens militants des années 1960, selon un processus similaire à celui qu’observe Éric Phélippeau pour « l’invention de l’homme politique moderne »13.

Les analyses développées dans cette partie s’appuient sur plusieurs fonds d’archives14 : ceux de l’Industrial Areas Foundation (IAF), conservés à Chicago et à Austin, mais aussi d’instituts de formation, de fondations philanthropiques, d’institutions d’action sociale (le Chicago Area Project, le Welfare Council of Metropolitan Chicago coordonnant l’action sociale municipale), ou encore d’une organisation professionnelle, la National Organizers Alliance. Ces sources archivistiques sont complétées par certains entretiens biographiques réalisés au cours de l’enquête ethnographique.

13 Les analyses de Phélippeau sont elles-mêmes inspirées des travaux de Norbert Elias sur la marine britannique. É. Phélippeau, L’invention de l’homme politique moderne, op. cit.

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Chapitre 1

Aux origines d’une offre de réforme hybride, des années 1930 aux années 1950

« Il n’est sans doute pas d’instrument de rupture plus puissant que la reconstruction de la genèse : en faisant resurgir les conflits et les confrontations des premiers commencements et, du même coup, les possibles écartés, elle réactualise la possibilité qu’il en ait été (et qu’il en soit) autrement et, à travers cette utopie pratique remet en question le possible qui, entre tous les autres, s’est trouvé réalisé. »

Pierre Bourdieu, Raisons pratiques, 1994, p. 107

La reconstruction de la genèse d’un phénomène social est un puissant instrument pour rompre avec les récits convenus et reçus des origines. Pour espérer reconstruire la sociohistoire du rôle de faiseur de représentants qu’exercent les community organizers, ces récits canoniques, au centre desquels se trouve Saul Alinsky, constituent un point de départ obligé. Car il est indéniable qu’Alinsky mène une carrière d’entrepreneur politique « [accomplissant] des actes spéculatifs de recomposition créative qui remettent en cause les frontières existantes de l’autorité1 », et que la forme et la trajectoire que prend cette carrière, toujours à cheval entre monde du travail social et champ politique, marquent la manière dont se structure le groupe professionnel et la position sociale qu’il occupe. Mais on verra dans ce chapitre que les origines du « community organizing » ne se trouvent pas tant dans l’activité d’Alinsky en tant que telle, dans le contexte du Chicago des années 1930, de la crise économique, du crime organisé et de la contestation sociale, que dans une temporalité plus longue, mêlant une pluralité d’agents et d’institutions, qui voit se constituer une offre politique située au croisement de pratiques d’intervention sociale réformatrices et d’une valorisation active de la participation citoyenne.

Depuis le tournant du siècle, Chicago est l’un des hauts lieux d’une « nébuleuse réformatrice2 » dont on trouve d’autres exemples contemporains à travers les pays

1 « Engage in speculative acts of creative recombination in ways that challenge the existing boundaries of authority », Adam Sheingate, « Political Entrepreneurship, Institutional Change, and American Political Development », Studies in American Political Development, 2003, vol. 17, no 2, p. 202.

2 Christian Topalov (ed.), Laboratoires du nouveau siècle : la nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1880-1914, Paris, Editions de l’EHESS, 1999.

66 occidentaux3. Aux États-Unis, cette nébuleuse s’appelle « mouvement progressiste »

(Progressive movement). Porté par la présidence du républicain4 Theodore Roosevelt

(1901-1909), le mouvement défend un discours réformateur offensif, cherchant à apporter des réponses sociales et politiques aux dérives monopolistiques du laissez-faire économique ou de la corruption politique tout en s’opposant au discours de classe des secteurs radicaux des mouvements ouvriers et au spectre du socialisme5. Derrière ce mouvement se trouve une coalition hétéroclite d’hommes d’affaires, de philanthropes, de travailleurs sociaux et d’intellectuels défendant la nécessité de réformes graduelles, inscrites dans l’horizon d’une harmonie sociale interclassiste, où initiative privée et intervention de l’État en matière sociale doivent se compléter. Mais la guerre et le virage politique à droite des années 1920 marginalisent les positions réformatrices au sein du champ politique : le temps est à la valorisation de l’initiative privée, à la croissance économique, à la croyance dans le progrès technique. La crise économique de 1929, en même temps qu’elle se transforme rapidement en crise sociale et politique, « désectorise » la société étatsunienne et réouvre l’espace des possibles sociaux et politiques6.

C’est dans une double conjoncture critique marquée par le spectre de la contestation ouvrière et par une plus grande intervention de l’État en matière sociale impulsée par Franklin Roosevelt que l’initiative inaugurée dans le quartier ouvrier immigré de Back of the Yards par Saul Alinsky et ses alliés apparaît comme coup tactique pour les différentes forces sociales qui donnaient traditionnellement forme au domaine de l’intervention sociale privée. S’inscrivant dans la tradition libérale et réformatrice de la community organization, qui encourage les classes laborieuses urbaines, largement composées d’immigrés de première ou deuxième génération, à « s’aider elles-mêmes » à résoudre leurs problèmes, les « procédures » utilisées par Saul Alinsky mettent en avant les vertus de la responsabilisation sociale des habitants des quartiers ouvriers par la participation à la gestion de leurs affaires quotidiennes tout en affirmant une

3 Susanna Magri et Christian Topalov, « De la cité-jardin à la ville rationalisée. Un tournant du projet réformateur (1905-1925) dans quatre pays », Revue française de sociologie, 1987, vol. 28, no 3, p. 417‑451.

4 L’installation du clivage bipartisan opposant démocrates et républicains dans les décennies qui suivent la fin de la Guerre de Sécession (1861-1865) et jusqu’aux réalignements politiques des années 1930 ne recouvre pas une opposition gauche-droite : de même que sur certains sujets, comme la lutte contre la corruption politique et le clientélisme municipal, peuvent être portés par des élus républicains, de même les élus démocrates des anciens États confédérés sont de fervents défenseurs de la ségrégation et de la suprématie blanche.

5 Kevin Mattson, Creating a Democratic Public: The Struggle for Urban Participatory Democracy during the Progressive Era, University Park, Penn State University Press, 1998 ; Michael McGerr, A Fierce Discontent: The Rise and Fall of the Progressive Movement in America, 1870-1920, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; Maureen Flanagan, America Reformed: Progressives and Progressivisms, 1890s-1920s, New York, Oxford University Press, 2006.

6 Michel Dobry, Sociologie des crises politiques : la dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2009.

67 méfiance à l’égard des structures étatiques. Elles encouragent la participation citoyenne à la vie politique et le pluralisme démocratique tout en maintenant le jeu partisan à distance. La mise en représentation des dominés en tant que « peuple » responsable et citoyen constitue à la fois un outil pour combattre la misère et pour faire vivre le système démocratique.

Pour comprendre comment se constitue cette offre politique hybride, fabriquant de la représentation populaire et profane à l’intersection de pratiques d’intervention sociale et de mobilisation citoyenne, ce chapitre reviendra d’abord sur ses conditions de possibilité, qu’on situera dans la nébuleuse réformatrice qui existe alors à Chicago. On se penchera ensuite sur la trajectoire propre de Saul Alinsky pour expliquer comment ce travailleur social, fils d’immigrés juifs russes, formé à la sociologie à l’Université de Chicago, a pu faire converger et cristalliser les investissements de plusieurs forces sociales réformatrices et des mouvements de contestation portés par la frange radicale du syndicalisme. La création de l’Industrial Areas Foundation permet d’institutionnaliser cette alliance de circonstance et de la diffuser dans les années 1940 et 1950, dans un contexte où l’anticommunisme et l’importance accordée à la « question raciale » redéfinissent positivement les initiatives sollicitant la participation citoyenne. Enfin, la dernière partie de ce chapitre montrera comment le processus de légitimation de la community organization s’accompagne de l’élaboration d’un rôle de « faiseur de représentants ».

1. Chicago, laboratoire de la réforme

Dans les premières décennies du XXe siècle, Chicago apparaît comme un laboratoire de la réforme sociale, un haut lieu du mouvement progressiste. Si d’autres grandes villes sont elles aussi le théâtre de mouvements dynamiques7, Chicago concentre comme nulle autre les principales composantes du mouvement. Des figures nationalement célèbres comme Jane Addams ou les sœurs Grace et Edith Abbott, mais aussi de nombreux anonymes, en particulier des femmes8, y luttent sur de nombreux fronts, tant en matière de lutte contre la tuberculose9

que de mobilisation pour améliorer la collecte des déchets, de rationalisation de la planification

7 Pour le cas de Boston, voir notamment Eric C. Schneider, In the Web of Class: Delinquents and Reformers in Boston, 1810s-1930s, New York, NYU Press, 1993.

8 Maureen Flanagan, Seeing with Their Hearts: Chicago Women and the Vision of the Good City, 1871-1933, Princeton, Princeton University Press, 2002.

68 urbaine que de défense des droits des travailleurs et des immigrés10. L’Université de Chicago est un lieu de renommée mondiale où s’élabore un langage de la réforme mêlant indissociablement travail scientifique, action sociale et philanthropie11. Et une myriade d’associations locales propose de nombreux services et tentent d’instaurer des formes locales d’entraide et de solidarité12.

Dressant un diagnostic sévère des maux de l’industrialisation et de l’urbanisation, le mouvement progressiste se construit contre un discours de classe naissant. Chicago est sans doute la ville où la violence des rapports sociaux est la plus exacerbée. Elle est alors la deuxième ville des États-Unis, le point d’arrivée pour des centaines de milliers d’immigrés venus de toute l’Europe, l'archétype de la ville-champignon, la seule ville américaine dont la population double entre 1880 et 1900 pour atteindre près d’un million sept cent mille personnes, dont la moitié est née à l’étranger13. Ces nouveaux arrivants trouvent à s’embaucher dans les nombreuses entreprises qui constituent le tissu économique dense de la ville, qui est tout à la fois la capitale du rail, la « boucherie du monde », ainsi qu’un grand centre sidérurgique, métallurgique et textile14. La croissance économique et l’étalement urbain nourrissent une misère sociale, que les sciences sociales naissantes appellent bientôt « problèmes urbains », qui devient le terreau sur lequel grandissent des mouvements de contestation. Car Chicago est le centre des mouvements socialistes, anarchistes et anarcho-syndicalistes, une ville ouvrière qui menace régulièrement de se soulever contre l’ordre établi15.

Imprégné de libéralisme politique, le mouvement progressiste cherche à « réinventer le peuple », « une catégorie sociale conçue en termes larges et non différenciée par des intérêts de

10 Rivḳah Shpaḳ-Lisaḳ, Pluralism & Progressives: Hull House and the New Immigrants, 1890-1919, Chicago, University of Chicago Press, 1989.

11 Martin Bulmer, The Chicago School of Sociology: Institutionalization, Diversity, and the Rise of Sociological Research, Chicago, University of Chicago Press, 1984.

12 Thomas Lee Philpott, The Slum and the Ghetto: Neighborhood Deterioration and Middle-Class Reform, Chicago, 1880-1930, New York, Oxford University Press, 1978 ; Robert Halpern, Rebuilding the Inner City: A History of Neighborhood Initiatives to Addresss Poverty in the United States, New York, Columbia University

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