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INTERACTION AVEC LE VEHICULE AUTOMATISE

A ce jour, et aux regards des enjeux économiques et de la rupture technologique engagée, les recherches sur l’acceptabilité du véhicule automatisé ont principalement porté sur l’étude de l’intention d’achat et de l’adaptation fonctionnelle du conducteur à cette voiture particulière (Merat et al., 2017). Lorsqu’il s’agit d’étudier l’interaction avec les autres usagers de la route, et en accord avec les enjeux sociétaux et environnementaux proposés, les études ont privilé-gié les relations du véhicule automatisé avec les usagers vulnérables. L’originalité de cette thèse tient donc dans l’étude du comportement d’interaction du conducteur de véhicule con-ventionnel avec le véhicule automatisé.

Le piéton, avec d’autres usagers vulnérables, a focalisé à ce jour les études sur la prédiction du comportement d’interaction avec un véhicule automatisé (Merat et al. 2017; Camara et al., 2018a). Pour être socialement acceptable, le véhicule automatisé doit ne pas être dange-reux pour les plus vulnérables. Pourtant, force est de constater que l’étude d’interaction du conducteur de véhicule conventionnel avec le véhicule automatisé a été négligée. Cette étude est essentielle aujourd’hui dans l’organisation de la mobilité intégrant les véhicules automati-sés. Plusieurs arguments justifient que l’on étudie aujourd’hui le comportement d’interaction d’un conducteur de véhicule conventionnel avec un véhicule automatisé. Le comportement d’interaction est lié à la performance de conduite comportant une interaction humain/robot, son efficacité, sa fluidité qui sont nécessaires notamment à la gestion du trafic et ses corol-laires (gestion du temps, gestion de la pollution, nuisances associées aux congestions, fort/inconfort de la conduite …). Cette efficacité est dépendante de la représentation des con-ducteurs de ce véhicule différent qui pourrait être considéré comme inférieur, non sûr, ou au contraire envisagé avec une surreprésentation de sécurité et de conservatisme qui le rendrait gênant sur la route. Elle est liée à des comportements de conduite particuliers, comme une interaction non coopérative dont le sens est à préciser : soit le comportement d’interaction

Thèse Géraldine VAN DER BEKEN – Rôle de l’acceptabilité dans l’interaction entre un véhicule conventionnel et un véhicule automatisé (2020)

du conducteur humain pourrait être défensif, en refusant l’interaction; soit le comportement d’interaction avec le véhicule automatisé pourrait être agressif, en forçant des priorités ou obligeant le véhicule automatisé à modifier son comportement pour s’adapter; soit le com-portement d’interaction du conducteur humain pourrait être neutre, c’est-à-dire ne pas im-pliquer des différences par rapport à une interaction avec un véhicule connu. Le deuxième argument justifiant l’étude du comportement d’interaction est de juger si cette interaction peut s‘organiser ou non dans un même espace : si l’interaction avec le véhicule automatisé s’avère impossible ou difficile, les autorités administratives devront envisager des espaces dé-diés, isolés des conducteurs humains. L’aménagement des villes, l’organisation de la mobilité, le design urbain en seront impactés. La préparation des conducteurs à cette interaction, dans leur formation initiale est aussi un argument pour étudier en amont le comportement d’inte-raction conducteur/véhicule automatisé. Apprendre à prévoir le comportement de l’autre, es-timer l’effet de sa conduite sur l’autre pourrait dépendre de la particularité de ce véhicule en rupture technologique. Étant un véhicule différent, le véhicule automatisé pourrait provoquer des comportements particuliers lors de l’interaction, dont il convient de préciser la portée et d’en identifier les déterminants.

Parmi les propositions pour expliquer une éventuelle différence de comportement d’interac-tion avec le véhicule automatisé par rapport au véhicule convend’interac-tionnel, nous proposons d’in-vestiguer l’effet de l’acceptabilité manifestée à son endroit. L’acceptabilité est ici retenue comme un jugement avant l’implémentation de la technologie (Schade & Schlag, 2003). Ce jugement est basé sur les constructions sociales (perceptions, attitudes, valeurs sociales) du conducteur qui rendent l’objet et son usage acceptable, et qui sous-tendent le type de com-portement avec la technologie non encore implémentée, dans une dynamique temporelle. Les modèles de l’intention comportementale permettent d’investiguer cette étude des cons-tructions sociales qui prédisent le comportement. Ils sont cependant centrés sur le compor-tement d’usage direct de l’objet, un objet qui doit être connu pour que les représentations puissent se construire, et non sur le comportement d’interaction avec cet objet non encore implémenté. L’UTAUT, en tant que modèle intégratif, est aussi le plus robuste et valide dans cette perspective. Cependant, l’UTAUT, comme les autres modèles de l’acceptance, est sou-vent augmenté de variables pour améliorer le pouvoir prédictif du comportement final en

Thèse Géraldine VAN DER BEKEN – Rôle de l’acceptabilité dans l’interaction entre un véhicule conventionnel et un véhicule automatisé (2020)

fonction du contexte d’usage, des activités associées ou du type d’utilisateur. Ainsi, les fac-teurs liés à la relation usager/objet typique de l’usage d’un dispositif automatisé sont propo-sés pour expliquer l’intention comportementale d’interaction comme les facteurs liés à la rup-ture technologique (le degré d’automation), la confiance ou l’anxiété face aux robots. Cette variabilité des construits ne nous paraît pas satisfaisante et il semble nécessaire de clarifier les déterminants considérés comme essentiels. Notre premier objectif sera donc de préciser la façon dont le jugement d’acceptabilité se construit. Une méta-analyse analysant scientifique-ment la multitude de publications sur l’acceptabilité des innovations technologiques avant leur implémentation devrait nous fournir cette réponse.

L’intérêt d’étudier les constructions sociales rendant acceptable la technologie est de pouvoir prédire le type de comportement associés à cette technologie. Nous visons l’étude du com-portement d’interaction avec cet objet, le véhicule automatisé étant entendu comme un objet social particulier, disposant des caractéristiques de l’automation et de l’intelligence artificielle. Cet objet social perçoit, analyse, décide et agit en fonction de l’environnement et des autres usagers de la route, sans intervention humaine. Il interagit avec d’autres conducteurs dans un même espace et un même temps. Cet objet convoque aussi, en tant qu’objet particulier, des comportements particuliers, en lien avec la technophilie, l’anxiété technologique, l’attitude ou encore la confiance. L’effet de l’acceptabilité sur le comportement d’interaction pourrait être sous l’influence de sa valence : accepter (c’est-à-dire avoir une acceptabilité forte, posi-tive) un objet pourrait amener à un comportement différent que lorsque la technologie n’est pas acceptée (c’est-à-dire avoir une acceptabilité faible, négative). Nous faisons l’hypothèse qu’une acceptabilité forte du véhicule automatisé est liée à une intention d’utiliser cet objet. Et que cette intention d’utiliser le véhicule automatisé sera aussi une acceptation de le voir évoluer sur nos routes, de voir d’autres conducteurs les utiliser et par voie de conséquence d’interagir avec eux dans la circulation au même titre qu’un véhicule conventionnel. Une per-sonne ayant une forte acceptabilité du véhicule automatisé, quand bien même n’aurait-elle pas acheté cet objet, sera plus coopérative dans son interaction sur la route avec lui qu’une personne ayant une faible acceptabilité du véhicule automatisé. Notre proposition, en ré-sumé, est que le comportement d’interaction avec un objet considéré comme acceptable sera différent du comportement d’interaction avec un objet jugé comme non acceptable.

Thèse Géraldine VAN DER BEKEN – Rôle de l’acceptabilité dans l’interaction entre un véhicule conventionnel et un véhicule automatisé (2020)

Ainsi, trois objectifs seront menés dans la cadre de nos travaux. D’abord nous étudierons le processus d’acceptabilité, en identifiant les facteurs permettant de mesurer l’acceptabilité d’un objet technologique non implémenté via les déterminants de l’intention comportemen-tale. Cette première étude conduite au travers d’une méta-analyse devrait permettre d’éla-borer un questionnaire parcimonieux et valide en ne retenant que les déterminants essentiels de l’acceptabilité. Elle comblera un déficit, puisque qu’aucune synthèse sur l’intention d’utili-ser un objet non disponible, sous forme de méta-analyse, n’a, à notre connaissance, été pro-posée à ce jour. Ensuite, nous montrerons que l’acceptabilité d’une innovation technologique non encore implémentée est prédicteur du type de comportement lors d’une interaction avec lui par deux autres études. Un questionnaire en ligne (étude 2) testera que l’acceptabilité du véhicule automatisé est prédictrice de l’intention comportementale d’interaction à une inter-section impliquant un véhicule automatisé. Enfin, une étude sur simulateur de conduite (étude 3) vérifiera que le comportement objectivement mesuré d’un conducteur en interac-tion avec un véhicule automatisé est en lien avec l’inteninterac-tion comportementale estimée dans la première étude et que ce comportement est dépendant de l’estimation subjective de l’ac-ceptabilité du véhicule automatisé telle que mesurée par notre questionnaire. Nous cherche-rons également à mesurer l’effet retour du comportement lors des premières expériences d’interaction sur l’acceptabilité globale à l’égard du véhicule automatisé.

Notre hypothèse générale est que le comportement d’interaction avec le véhicule automatisé préalablement jugé comme acceptable est identique au comportement d’interaction avec un véhicule conventionnel; a contrario, le comportement d’interaction avec le véhicule automa-tisé préalablement jugé comme non acceptable est différent du comportement d’interaction avec un véhicule conventionnel. L’acceptabilité du véhicule automatisé, mesurée avant toute utilisation réelle, est prédictrice de l’intention de l’utiliser, et en conséquence du type de com-portement d’interaction entretenu avec lui sur la route.

Thèse Géraldine VAN DER BEKEN – Rôle de l’acceptabilité dans l’interaction entre un véhicule conventionnel et un véhicule automatisé (2020)

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