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Chapitre 1 : Etat de l’art sur les arômes poivrés et la rotundone

3. La rotundone, le principal contributeur à l’arôme poivré des vins rouges

3.7 Impact des facteurs environnementaux et viticoles

3.7.5 Pratiques viticoles

Dans la plupart des cas, la synthèse de la rotundone est affectée négativement par l’exposition de la zone des grappes. Un modèle a permis

d’établir que des températures de baies supérieures à 25 °C impactaient

négativement la rotundone sur Syrah N (Zhang, et al. 2015a). Sur cépage Duras N dans le Sud-Ouest de la France, un effeuillage réalisé à la véraison sur les deux

faces du rang pénalise fortement (de -53 à -69%) la concentration en rotundone dans les vins (Geffroy, et al. 2014). En Nouvelle-Zélande, il a également été reporté qu’une augmentation de l’exposition à la lumière réduisait de 20% la concentration en rotundone des baies de Syrah (Logan 2015). Cependant, des résultats contradictoires ont été obtenus dans le Nord-Est des Etats-Unis sur cépage Noiret N puisque qu’une exposition prolongée de la zone des fruits au rayonnement a engendré un gain en rotundone (Homich, et al. 2017). Une tendance similaire a également été observée sur Fer N produit dans un vignoble au climat frais (Geffroy, et al. 2019b). Selon les auteurs de la première étude, la blessure physique provoquée par l’effeuillage pourrait stimuler la production de rotundone. Ceci semble peu plausible puisque l’échardage, une pratique consistant à éliminer les entre- cœurs, n’induit pas le même effet (Geffroy, et al. 2019b). Comme d’autres sesquiterpènes, la synthèse de la rotundone est susceptible d’être favorisée par le rayonnement. Dans les vignobles au climat frais, l’effeuillage pourrait favoriser l’éclairement des raisins tout en ayant un impact limité sur leur température de surface. Cette hypothèse est cohérente avec des observations mettant en évidence une contribution positive de l’irradiation moyenne et de l’ensoleillement au cours

de la période mi-véraison – récolte, pour prédire la concentration en rotundone des vins (Geffroy, et al. 2019a).

Les vins issus d’un traitement irrigué juste avant la véraison (4 apports de 10 mm) présentent une concentration en rotundone de 29 à 38% plus élevée que des vins issus d’une modalité non irriguée (Geffroy, et al. 2014). L’irrigation constitue

ainsi un levier efficace pour favoriser l’accumulation de la rotundone dans les raisins. Afin d’améliorer la concentration en rotundone des vins, tout en limitant l’effet dépréciatif de l’irrigation sur la richesse phénolique des vins, un système viticole combinant 5 irrigations équivalentes à 14 mm de précipitations et passerillage éclaircissage sur souche (PES) a été expérimenté avec succès (Geffroy, et al.

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2016b). La technique du PES consiste à sectionner sur une vigne conduite en guyot la branche à fruits, 2 à 3 semaines avant la récolte. Le système testé présente par rapport au témoin, un gain significatif en degré potentiel, en composés phénoliques et en rotundone. Dans le cadre de cette étude, des mesures de température ont montré que l’irrigation n’avait pas d’impact sur la température de surface des raisins. Ainsi, le gain en rotundone induit par l’irrigation est davantage susceptible d’être dû à un effet direct plutôt qu’à un effet indirect, conséquence d’une modification du microclimat des baies.

La concentration en rotundone dans les vins n’est pas impactée par l’éclaircissage des grappes et le niveau de charge en raisins (Geffroy, et al. 2014).

En Australie, des essais ont été menés afin de retarder la maturité en ayant recours à des pulvérisations d’acide naphtalène acétique à 50 mg/L, une auxine de synthèse (Davies, et al. 2015). En retardant la maturité de 23 jours, cette pratique s’est avérée intéressante pour améliorer la concentration en rotundone des raisins à la récolte.

3.8 Impact des techniques de vinification et des variables œnologiques

Contrairement à d’autres composés aromatiques provenant de précurseurs inodores ou formés pendant la fermentation, la rotundone est directement extraite de la pellicule du raisin pendant la vinification. La majorité de ce composé est extraite entre le 2ème et le 5ème jour de fermentation, lorsque l’activité levurienne et la

production d’éthanol sont maximales (Siebert et Solomon 2011). Une étude a montré que seulement 10% de la rotundone présente dans les raisins étaient extraits lors de la fermentation, et que 6% se retrouvaient dans le vin en bouteille (Caputi, et al. 2011). L’addition d’éthanol ou de sucre équivalent à un enrichissement de 4%. vol.

permet d’atteindre un pourcentage d’extraction supérieur à 19% en fin de fermentation alcoolique (Zhang, et al. 2017).

Des pertes importantes sont observées au cours du soutirage, de la filtration et du collage des vins en lien vraisemblablement avec la nature

hydrophobe de la molécule (LogP prédit = 4.98) et ses propriétés à se lier à d’autres

particules (Caputi, et al. 2011). Le LogP, aussi appelé Log Kow, est une mesure de la solubilité différentielle d’une molécule dans l’octanol et dans l’eau. Cette valeur est égale au logarithme du rapport des concentrations de la substance étudiée dans l’octanol et dans l’eau. Une valeur positive et élevée signifie que la molécule est plus

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soluble dans l’octanol et dans l’eau et donc possède un caractère hydrophobe ou lipophile.

Compte tenu de sa localisation dans la pellicule, les techniques de vinification sont susceptibles d’avoir une incidence sur la concentration finale dans le vin. Une étude a permis de comparer l’impact de plusieurs techniques de vinification et de variables fermentaires sur la rotundone (Geffroy, et al. 2017). Aucune des

techniques expérimentées, y compris l’addition d’enzymes de macération et une macération préfermentaire à froid de 72 heures à 4 °C, n’a permis de favoriser la rotundone dans les vins par rapport à un témoin vinifié à 25 °C, pendant 8 jours. Au contraire, une diminution de 20% a été observée pour les modalités macération semi-carbonique, fermentation à l’aide d’une souche de Saccharomyces uvarum, fermentation à 30 °C pendant 8 jours, et fermentation à 25 °C pendant 8 jours suivie d’une macération post-fermentaire de 6 jours. Il est communément admis qu’une augmentation de la durée et de la température de macération favorise l’extraction des composés pelliculaires. Dans les conditions expérimentales de cette étude, il semblerait que la rotundone ait été absorbée par les lies dont la précipitation a été davantage marquée pour ces traitements. Les faibles concentrations en rotundone mesurées pour les modalités thermovinifiées et vinifiées en rosé s’expliquent par le retrait précoce des pellicules.

La molécule est très stable, évolue peu dans les vins en bouteille même

après plusieurs années de stockage et n’est pas « scalpée » par l’obturateur

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