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Commençons tout d’abord, par un petit rappel sur la responsabilité de l’infirmière dans la PCD. En milieu hospitalier, les infirmières sont principalement responsables de l’évaluation, du soulagement de la douleur et de l’évaluation de l’efficacité des interventions mises en place (Habich et al., 2012). L’infirmière, tel qu’énoncé dans la Loi de l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ), a le devoir « d’évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique : l’exercice infirmier consiste à évaluer l’état de santé, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec son environnement et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs » (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2015a, section VIII, article 36). Nous verrons dans ce paragraphe les différentes pratiques inadéquates de PCD qui ont été observées dans cette étude.

4.2.1 Sous-évaluation de la douleur

La sous utilisations des échelles de la douleur est parmi les constatations de notre étude. En effet, le dépistage de la douleur n’était pas toujours suivi d’une évaluation formelle à l’aide des échelles valides. L’EVENDOL est disponible pour les infirmières dans ARIANE, déjà numérisé. Une formation a été donnée sur son utilité et son utilisation. La revue des dossiers des participants nous a permis de savoir si l’EVENDOL a été complété ou pas. En tenant compte de l’âge l’EVENDOL était applicable dans 33 cas (âge de 0 à 7 ans) et l’EVA était applicable dans 8 cas (âge de 8 à 17 ans). Cependant, l’EVENDOL n’a été utilisé que dans 6 % des cas (2/33) et l’EVA a été utilisé dans seulement 25 % des cas (2/8). Nous pouvons peut-être expliquer le peu de confiance des infirmières à l’utilisation de l’échelle expliqué par le fait que ces infirmières ont trouvé que ce n’était pas essentiel d’entrer leur évaluation dans le dossier informatisé à l’aide du logiciel

Ariane, malgré qu’elles eussent été formées à son utilisation. L’observation directe a révélé cette constatation d’après les échanges verbaux entre les infirmières qui reflètent l’évaluation non formelle de la douleur.

En comparant les résultats de cette étude avec ceux de Ali (Ali et al., 2014) résultants de l’enquête prospective, menée auprès des urgentologues pédiatres au Canada, nous constatons une différence au niveau de l’utilisation des échelles d’auto-évaluation (les échelles le plus souvent utilisées sont les échelles numériques dans 80 % des cas et le Wong-Baker Faces Scale dans 40 % des cas). Alors que les échelles observationnelles comme le FLACC, l’EVENDOL, le CHEOPS et le Non-communicating Children’s Pain Checklist-Revised étaient rarement utilisées (7 %) (Ali et al., 2014) ce qui est semblable à nos résultats. Si on compare les résultats de cette étude à l’étude descriptive multicentrique de Todd et ses collègues (2007), qui a été réalisée aux États Unis et au Canada. Cette dernière a révélé que les soignants ont de bonnes pratiques de PCD en lien avec l’évaluation de la douleur : celle-ci a été notée dans 83 % des cas (Todd et al., 2007). Nous constatons donc que les pratiques d’évaluation de la douleur dans la SU sont inférieures à celles des hôpitaux qui ont participé à leur étude. Nous pourrions expliquer la différence entre la présente étude et les deux études de Todd et Ali au niveau de l’utilisation des échelles d’auto-évaluation de la douleur par le fait que leurs résultats sont basés sur des entrevues, et non pas des audits de dossier. Ces résultats peuvent donc ne pas refléter la gestion de la douleur pédiatrique de manière concrète, étant donné que le sondage fait appel à la mémoire du professionnel et nous apporte un portrait qui est moins fiable, car il est subjectif, autrement dit, il est biaisé. En d’autres termes, les résultats d’une enquête observationnelle ainsi qu’un audit de dossier seront plus représentatifs puisqu’il s’agit des données écrites et observées directement et écrites. Par ailleurs, lorsqu’elles sont bien documentées, les données issues des audits représentent d’une manière plus concrète les évaluations et interventions réalisées avec le patient.

Une autre explication possible à la sous-utilisation de l’EVENDOL par les infirmières est leur expérience de travail. Effectivement, les infirmières travaillant depuis de nombreuses années en pédiatrie sans échelle validée sont habituées à voir des enfants en douleur et à les évaluer selon leur expérience, comme relatée dans les verbatim dans le cas d’un enfant brûlé au 2e degré, la maman disait à l’infirmière que son enfant « veut faire pipi », l’infirmière a refusé sa demande en expliquant que son enfant est « est souffrant, et qu’il

ne faut pas qu’il bouge ». Plus tard, l’infirmière a précisé « Je vois d’après ses comportements qu’il est souffrant, je n’utilise pas d’échelles, car c’est difficile d’obtenir une estimation de la part de l’enfant ». Pourtant l’enfant avait 9 ans et l’utilisation de l’EVA aurait été possible dans ce cas. Pour conclure, tel qu’abordé au début de ce mémoire, la perception des soignants quant à la douleur de l’enfant continue à être un obstacle à l’utilisation des échelles appropriées et qui leur sont disponibles à la SU.

4.2.2 Analgésie sous optimale

Une des constatations de cette étude est que l’administration des antalgiques n’est pas relative aux scores de douleur (nous avons observé l’administration de Tylénol © seulement pour une douleur sévère « 9/10 »). Cette constation est confirmée par l’absence d’évaluation formelle de la douleur par les infirmières. Ainsi, l’algorithme qui a été implanté à la salle d’urgence pour les infirmières est sous utilisé. Une hypothèse possible à cette sous-utilisation de l’algorithme est que les nouvelles infirmières recrutées n’ont pas bénéficié de la formation qui a eu lieu à l’implantation de l’algorithme.

En ce qui interventions non pharmacologiques, le faible pourcentage retrouvé dans nos résultats (19 %) nous laisse constater que le recours aux interventions non pharmacologique est une faille dans les pratiques des infirmières de la SU, et qui devrait être amélioré. Cette étude montre que l’analgésie de la douleur procédurale demeure peu importante pour les infirmières. Étant donné l’absence de recours à l’analgésie topique avant une ponction veineuse, ainsi que le faible taux d’administration du sucrose ou le recours à d’autres méthodes de distraction ou les exercices de respiration durant l’ensemble des procédures douloureuses observés à l’exception de la ponction lombaire (ponction veineuse, cathétérisme urinaire et aspiration bronchique).

Les résultats de cette étude vont à l’encontre de ceux de Ali et ses collègues (2014) qui soutiennent que 70 % des soignants font recours à l’analgésie topique avant un cathéter intraveineux. On peut expliquer cette différence par le devis de l’étude : nos résultats reflètent les vraies pratiques via une enquête observationnelle. En revanche dans l’étude de Ali, il s’agissait d’une enquête prospective avec un questionnaire ce qui implique un biais de répondeur (de désirabilité sociale). De plus, les questionnaires étaient administrés aux chefs de service et non pas aux infirmières pratiquantes. Une hypothèse se pose, si

c’était les infirmières et non pas des chefs de service qui avaient répondu au questionnaire, ils auraient peut-être eu des résultats différents.

Pour conclure tout ce qui précède, malgré la formation donnée à la suite de l’implantation de l’algorithme dans notre salle d’urgence, ce dernier reste sous utilisé pour le soulagement de la douleur.

4.2.3 Absence d’implication des enfants et leurs parents dans les soins

Tel qu’abordé dans la section 1.3.5., les parents ont un rôle important dans la prise en charge de la douleur. En effet, les parents sont proches de l’évaluation de l’enfant que l’évaluation qu’en fait l’infirmière (Grahn et al., 2016). En outre, la mise en contribution des parents dans les soins est cruciale pour le confort de l’enfant (Bauchner et al., 1994 ; Bearden et al., 2012 ; Cohen, 2008 ; Wolfram et al., 1997). Dans la littérature, seulement peu d’études se sont intéressées à examiner l’implication des parents. Le second objectif de cette étude était de décrire l’interaction avec les enfants, les parents et leur implication dans les soins. Les résultats montrent qu’aucun enseignement n’a été donné à l’enfant/sa famille sur les stratégies de PCD en tenant compte de leurs préoccupations et mécontentements. Pourtant, il est largement démontré dans la littérature que l’implication des enfants et des parents dans les soins favorise une meilleure PCD et réduit l’inconfort tout en facilitant le déroulement du soin (Grahn et al., 2016). Il serait donc pertinent de préparer et d’éduquer les parents afin de les impliquer adéquatement dans la PCD de leurs enfants (Krauss et al., 2016).

4.2.4 Contention physique

Le recours à la contention physique a été largement remarqué (80 % des cas). En effet, afin de garantir l’efficacité des soins, les infirmières préféreraient immobiliser les enfants en les enroulant à l’aide d’un drap. Les verbatim suivants illustrent ce fait : « on fait une petite saucisse pour être sûr qu’il ne bouge pas », « On va faire de toi une petite saucisse, ça ne fait pas mal ! » ce qui est considéré comme une fausse rassurance. Des études ayant examiné la contention physique signalent que cette technique se fait hors de la volonté des enfants. Or, étant très jeunes, les enfants ne peuvent manifester aucun accord ni refus avant les procédures et par la suite, le personnel hospitalier peut convaincre les parents que recourir à la contention est bénéfique pour leur enfant, ceci leur évitera de refaire l’acte deux fois (Maurice et al., 2002). « On ne peut pas imaginer la détention d’un adulte

pour effectuer une procédure douloureuse ou désagréable sans la sédation ou l’analgésie et pourtant cela se produit systématiquement avec les enfants » (Maurice et al., 2002). Les raisons possibles aux recours à la contention physique sont le manque de personnel, le manque du temps et parfois même de la paresse des soignants (Maurice et al., 2002). « En effet, avec l’encombrement des départements et les longs temps d’attente, nous ne prenons pas le temps donner à l’enfant une explication complète des procédures proposées leur permettant de gagner la confiance nécessaire pour coopérer avec nous » (Maurice et al., 2002).

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