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Pratiques du design interactif : le terrain « LEKTUM » et sa portée (2009-2014) 41

Partie 2 — Faire et penser le numérique (2003-2012) : genèse et

2.3. Pratiques du design interactif : le terrain « LEKTUM » et sa portée (2009-2014) 41

À partir de l’année 2007, fort de l’expérience « pp7 » (2.1) et de la culture du projet découverte à l’École Boulle (1.3), j’ai commencé à développer une activité professionnelle de webdesigner indépendant. Exerçant d’abord seul sur des projets Web de petite taille pour lesquels je prenais moi-même en charge toutes les phases de travail (conception, graphisme, développement), je me suis entouré ensuite de graphistes puis, à mesure que les projets prenaient de l’ampleur, de développeurs.

Deux ans plus tard, en 2009, j’ai créé LEKTUM, agence de design interactif pour les métiers de l’art et de la culture, le monde du savoir et de la recherche, le secteur public et associatif. Pendant cinq ans, dont les trois années de la thèse, j’ai créé avec mes collaborateurs des identités visuelles, des sites Web et des services en ligne pour de grandes institutions culturelles, académiques ou citoyennes, souvent dans le cadre de marchés publics dont j’ai été lauréat.

Parmi mes clients, on peut citer le Centre André Chastel (UMR 8150 CNRS, Université Paris-Sorbonne), les Abattoirs (Musée d'art moderne et contemporain à Toulouse et FRAC Midi-Pyrénées), le Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés (UMR 8134 CNRS, École des Ponts ParisTech et Université Paris-Est Marne-la-Vallée), la Bibliothèque des Phares (École des Ponts ParisTech), la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, le Muséum National d’Histoire Naturelle, le Centre de Documentation de la Musique Contemporaine, le Ministère de l'Éducation Nationale, la Délégation Interministérielle à l'Éducation Numérique en Afrique, le Centre musical Fleury Goutte d'Or Barbara de la Ville de Paris, le Syndicat Français des Artistes-interprètes, l’Association Française des Cinémas d'Art et d’Essai, AIDES, ATTAC France, La Gazette de Montpellier, l’École Boulle…

Directeur de la création et directeur technique, j'ai personnellement piloté chaque projet en dirigeant des graphistes et des développeurs, et en réalisant moi-même l'architecture de l'information et l'UX design. Les projets avaient trait soit à des enjeux de communication (identités visuelles, sites Web, e-mailing, réseaux sociaux et community management, etc.) soit à des problématiques relevant

des humanités numériques (bases de données et outils en ligne pour chercheurs, artistes, architectes...). Ces projets, tous réalisés avec l’outil de gestion de contenu Drupal, m’ont apporté une solide expertise en design numérique, en conduite de projets et développement informatique, c’est-à-dire au fond une connaissance intime du comportement et du fonctionnement de ce que j’ai appelé dans la thèse la « matière calculée » (ou matière informatisée). C’est de ces expériences dans les métiers de l’Internet que provient en effet mon idée du numérique comme matière créative susceptible de réinventer l’expérience.

Ces années de terrain sont aussi celles de mes charges de cours en multimédia interactif à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne où, grâce à mes contacts au sein de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines dont j’étais (et suis toujours) membre, j’ai eu l’opportunité d’enseigner. En lien direct avec ma pratique professionnelle, j’y ai dispensé pendant près de trois ans des enseignements de niveau Master touchant le Web 2.0 et les services Cloud, la publication Web, la maîtrise d’ouvrage interactive (analyse et conception de projet multimédia), la maîtrise d’œuvre interactive (direction artistique interactive, direction éditoriale, direction de projet) et l’infographie.

C’est aussi pendant ces années de pratique professionnelle que je me suis rapproché de l’association Designers interactifs, qui m’a permis de me former aux aux méthodologies les plus récentes et offert diverses opportunités.

En 2012, alors que j’approchais de la fin de la thèse, j’ai publié un article dans le premier numéro de la revue Interfaces numériques. Intitulé «  Qu’appelle-t-on “design numérique” ? » (hal-01154867), ce papier illustre encore aujourd’hui de manière paradigmatique l’inséparabilité du travail philosophique de ma thèse et de ma pratique professionnelle au sein de LEKTUM. Reprenant les acquis de mon Court traité du design publié deux ans plus tôt, l’article proposait de définir le « design numérique » en opposition au « design numériquement assisté » tout en le situant historiquement par rapport au « design d’interaction » (point de vue de la pratique professionnelle). Mais, en replaçant la question du numérique au sein de la «  révolution phénoménologique  » globale qu’il représente (point de vue de la thèse), cet article montrait aussi en quoi l’expression « design numérique » est plus pertinente que les autres pour désigner l’ensemble des activités de conception impliquant la « matière informatisée ». À la fin du texte,

je proposais une redéfinition de la matière à l’ère numérique en distinguant entre « matière mécanisée » et « matière informatisée », et je tentais d’esquisser les fondements philosophiques du champ du design numérique.

Comme on peut l’imaginer, ces années furent particulièrement intenses et éprouvantes, mêlant à la fois pratiques entrepreneuriales et créatives, recherches philosophiques, charges de cours universitaires et enseignements à l’École Boulle, où j’avais obtenu d’exercer à mi-temps pendant trois ans. L’ironie du sort veut qu’en 2012, grâce à l’expertise acquise, c’est moi qui ai dirigé le projet de refonte du site Web de l’École Boulle et qui en ai conçu l’architecture de l’information et le design d’expérience utilisateur. Une manière de « rendre » à l’école tout ce qu’elle m’avait donné. Aujourd’hui, elle est devenue mon client et le site qui a vu le jour le 20 septembre 2012, neuf ans après le site « pp7 », est toujours en ligne.

๏ S. Vial, « Qu’appelle-t-on “design numérique” ? », Interfaces numériques, vol. 1/1, 2012, p. 91-106 :
 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01154867

2.4. Une philosophie du numérique : la thèse enfin