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Une pratique du tiers-payant en progrès substantiel, hors part complémentaire

1 LE TIERS PAYANT INTEGRAL ET GENERALISABLE : PRINCIPES ET DEFINITION

1.1 Une pratique du tiers-payant en progrès substantiel, hors part complémentaire

1.1.1 Les progrès substantiels récents sont liés aux obligations légales et aux solutions trouvées par le régime obligatoire

Chez les médecins, la pratique du tiers-payant s’est fortement développée avant même la promulgation de la loi du 26 janvier 2016. En effet les cas d’obligation légale de tiers-payant correspondent à la fois à une problématique d’accès aux soins de nombreuses personnes qui seraient mises en difficulté si elles devaient avancer leurs frais de soins, ou même la seule part couverte par le régime obligatoire, et à une problématique de simplification pour les professionnels et les assurés.

Tous demeurent en effet encore trop souvent confrontés aujourd’hui à des procédures dispersées, des rejets ou erreurs trop nombreux ; et les outils logiciels restent insuffisants et mal déployés, malgré les progrès réalisés par l’assurance maladie obligatoire, et plus récemment les assureurs maladie complémentaire, encore imparfaitement unifiés et organisés. Si l’union nationale des organismes complémentaires d’assurance-maladie (UNOCAM), créée par la loi du 13 août 2004, demeure l’instance politique regroupant tous les assureurs-maladie complémentaires (AMC), elle a délégué à une association inter-AMC la gestion et coordination des problèmes opérationnels, système d’information et tiers-payant notamment.

Les progrès sont cependant substantiels : en seulement 3 ans, de 2014 à 2017, la pratique du tiers-payant, obligatoire et volontaire, est passée pour l’ensemble des actes médicaux, médecins généralistes et spécialistes confondus, radiologues inclus, de 33 % des actes à 47 % des actes.

Les cinq cas d’obligation légale de tiers-payant (accidents du travail-maladies professionnelles, CMU complémentaire, aide à la complémentaire santé (ACS), soins en rapport avec une affection de longue durée (ALD), et maternité) représentent en 2017 le tiers des actes, avec un taux de tiers-payant qui atteint 85 %, et continue de progresser vers la cible de 100 %. Mais le reste de la pratique médicale n’atteint que 28 % de tiers-payant.

Bien que le champ des obligations ait été fortement étendu entre 2014 et 2017, les statistiques tous régimes de la CNAMTS permettent de suivre l’évolution du tiers-payant par profession sur la période récente, de 2013 à 20174. Outre une amélioration graduelle de la pratique du tiers-payant volontaire chez l’ensemble des professionnels hors médecins et chirurgiens-dentistes, on peut constater pour l’ensemble des médecins (généralistes et spécialistes, radiologues inclus) :

 qu’en dehors des cas devenus obligatoires en 2017, la pratique du tiers-payant volontaire est passée d’environ 22 % à 28 % pour l’ensemble des médecins,

 que les obligations récentes de 2015 et 2017 ont permis de porter la pratique du tiers-payant d’environ 40 % pour la maternité à plus de 60 %, d’environ 80 % pour l’ACS à près de 95 %, et pour les soins en rapport d’environ 60 % à plus de 80 %, la pratique concernant CMUC et ATMP restant stable à 98 %,

4 Voir le graphique en annexe 1.

 qu’au total, si les progrès sont substantiels, l’obligation juridique ne transforme que graduellement la pratique, d’une part, et la pratique évolue substantiellement en dehors de toute obligation juridique, d’autre part ; la rapidité et l’ampleur des changements de pratique sont liés à la demande des professionnels, mais aussi à la disponibilité et la diffusion des outils logiciels, dont les délais sont connus et longs, entre 6 et 18 mois, même dans les cas d’obligation juridique.

Tous les acteurs souhaitent que le mécanisme de tiers-payant soit aussi simple, rapide et fiable que possible : il doit non seulement n’entraîner aucune charge administrative, de temps ou de procédure supplémentaire, mais il doit d’abord supprimer ou réduire fortement les charges, rejets et procédures actuels, qui demeurent non négligeables malgré les progrès apportés par les investissements, essentiellement numériques réalisés par l’assurance-maladie obligatoire et complémentaire, les professionnels et leurs éventuels prestataires ou fournisseurs de logiciels. Le tiers-payant s’imposera pour tous les acteurs rencontrés, dès lors qu’il fera regagner du temps professionnel, médical en particulier, et uniquement s’il le fait, les préoccupations financières de recouvrement, fiabilité, réconciliation venant en second rang sans être négligeables.

De telles solutions simples ont été mises en œuvre depuis 2016, aux dates prévues par la loi, soit le 1er juillet 2016 et le 1er janvier 2017 pour les dépenses prises en charge à 100 % par le régime obligatoire, au titre de l’affection principale des personnes en affection de longue durée, et de l’assurance maternité, ainsi que pour les personnes bénéficiant d’une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), depuis la création de celle-ci au 1er janvier 2000, et pour celles bénéficiant d’une aide à la complémentaire santé (ACS) depuis le 1er juillet 2015.

Il s’agit dans les deux premiers cas d’un tiers-payant exclusif par l’assurance-maladie obligatoire, et dans les deux derniers cas, d’un tiers-payant coordonné par l’assurance-maladie obligatoire, qui dispose des informations nécessaires pour récupérer auprès des organismes complémentaires la part qu’ils prennent en charge. En d’autres termes, le professionnel est en flux unique avec le régime obligatoire.

Des marges d’amélioration subsistent donc tant pour les cinq cas légaux d’obligation de tiers-payant, surtout ACS et ALD-maternité, en termes de taux de rejet ou de dysfonctionnement, et de pratique du tiers-payant, que pour les personnes et les soins pris en charge à 100 % par le régime obligatoire, à différents titres, essentiellement les pensionnés d’invalidité non bénéficiaires d’ALD ou de CMUC-ACS, et des situations de prévention ou de prise en charge spécifiques (exonérations diverses du ticket modérateur).

1.1.2 L’organisation du tiers-payant pour la part complémentaire demeure à ce jour complexe, en l’attente de la diffusion d’outils nouveaux

Mais, même lorsque certains professionnels médecins, sages-femmes ou auxiliaires médicaux, sont volontaires, a fortiori en centre de santé, pour pratiquer le tiers-payant pour tout ou partie de leur patientèle, au-delà des cas d’obligation de tiers-payant ou de prise en charge à 100 % par le régime obligatoire, seules les premières bases rendant ultérieurement possible le tiers-payant avec une part complémentaire ont à ce jour été posées.

La chaîne de valeur du tiers-payant apparaît en effet excessivement complexe, compte tenu de la multiplicité des professionnels de santé et des assureurs maladie, obligatoires, et surtout complémentaires, et des intermédiaires, éditeurs ou prestataires rémunérés s’intercalant entre eux (concentrateurs techniques, éditeurs, organismes de paiement pour le professionnel, organismes de tiers-payant, courtiers et délégataires de gestion pour les AMC).

Les bases proposées par les AMC restent cependant contestées car perçues comme insuffisamment concertées, et hors du cadre collectif ou conventionnel, qu’il s’agisse du contrat individuel de

tiers-payant disponible sur le portail inter-AMC depuis janvier 2017, de l’attestation complémentaire normalisée, de la garantie et du délai de paiement, du téléservice de droits ou de l’éclatement en double flux demandé au professionnel.

Les normes de système d’information mises au point par le régime obligatoire (option ADRi, avenant retour sur paiement) sont incomplètement mises à disposition par les éditeurs et déployées chez les professionnels concernés compte tenu des réticences qui subsistent et des modèles économiques (tarification des mises à jour, options et maintenances), malgré les incitations récemment mises en place dans le cadre conventionnel : le versement des premiers forfaits structure intervient au premier semestre 2018 au titre de l’année précédente.

Les normes de système d’information mises au point par les AMC (téléservice d’interrogation des droits et calcul de la part complémentaire (IDB-CLC) pour médecins, auxiliaires, et centres de santé) n’ont fait l’objet à ce jour d’aucun agrément de logiciel de professionnel et seront diffusées après agrément dans des conditions de tarification et de dynamique encore assez incertaines.

Le degré de complétude, de fiabilité, de délai et garantie de paiement du dispositif inter-AMC ne peut être évalué par aucun indicateur disponible actuellement, tant sur les interrogations des téléservices de droits, marginales chez les professionnels libéraux, que sur les flux électroniques réalisés après leur interrogation ; le volume de demandes de remboursements électroniques (DRE) reste en 2017 encore marginal par rapport au volume de feuilles de soins électroniques (FSE). Il faudra par ailleurs encore deux ans pour que les téléservices similaires soient généralisés dans le cadre de la numérisation de la facturation hospitalière aux AMC (actes et consultations externes ou séjours des établissements publics et privés).

Pour autant, grâce aux efforts coordonnés des régimes obligatoires et complémentaires, en lien avec les professionnels, grâce aux investissements numériques réalisés ou en cours, et aux savoirs faires et technologies des nombreux acteurs de la chaîne de facturation des professionnels libéraux, des solutions techniques simples, transparentes et accessibles en termes de tarification pour les professionnels médecins et auxiliaires commencent à apparaître : elles sont susceptibles d’être utilisées par l’ensemble des médecins et auxiliaires dans le cadre d’un tiers-payant généralisable, conforme aux obligations légales, et volontaire en-dehors de ces cas d’obligation, au choix du professionnel.

Le calendrier et la cible de cette transformation de la chaîne de facturation, et de la chaîne de valeur qu’elle représente, sont au cœur de la concertation menée au premier trimestre 2018 : les missions, contributions et valeur ajoutée de chaque acteur sont en effet en jeu dans cette transformation, qui doit rester cohérente avec celles du système de santé et de la protection sociale, notamment complémentaire, en apportant à tous les acteurs, usagers et professionnels en premier lieu, simplification et meilleur accès aux soins, donc équité par la réduction d’inégalités de santé.

1.1.3 Le tiers-payant intégral se pratique déjà mais de manière différenciée selon les professions de santé

Le tiers-payant intégral correspond à une dispense d’avance de frais du patient sur la part des dépenses prise en charge par l'assurance maladie obligatoire (AMO) ainsi que sur celle prise en charge par les organismes d‘assurance-maladie complémentaire (AMC).

En 2018, le paysage des assureurs maladie obligatoires et complémentaires poursuit ses transformations résultant des lois de financement récentes ou décrites en particulier par le rapport IGAS de 2016 et par le panorama DREES de 2016 :

 Pour les régimes obligatoires l’adossement au régime général au 1er janvier 2018 du Régime social des indépendants avec une transition de deux ans et celui du régime étudiant aux deux échéances de rentrée universitaire 2018 (nouveaux étudiants) et 2019 (tous les étudiants affiliés) contribueront à simplifier la coordination entre régimes et les enjeux de système d’information et de tiers-payant, en réduisant notamment les changements de régime et les rejets de tiers-payant ;

 Pour les assurances maladies complémentaires, la réduction du nombre d’entités et leur regroupement dans des groupes de taille et solidité croissantes se poursuit en longue période sous le coup des normes prudentielles européennes (Solvabilité II) et de la mise en œuvre au 1er janvier 2016 de l’Accord national interprofessionnel qui oblige tout employeur à proposer à ses salariés un contrat collectif d’AMC.

Selon la DREES, en 2014, environ 600 AMC couvrent par des contrats collectifs (liés au contrat de travail) ou individuels 88 % de la population française5, dont 453 mutuelles, 94 sociétés d’assurance et 26 institutions de prévoyance, qui protègent ainsi respectivement 58 %, 22 % et 20 % des bénéficiaires d’une complémentaire santé. Le nombre d’organismes a été divisé par 3 depuis 2001, essentiellement pour les mutuelles, et la concentration s’accroît : la part des 50 plus gros organismes par le chiffre d’affaires est passée de 54 % à 72 % entre 2006 et 20146.

Les statistiques de la CNAMTS permettent de mesurer le taux de tiers-payant de façon agrégée pour l’ensemble des actes facturés par les professions de santé ou pour chaque profession, en distinguant les différents publics ou modalités de tiers payant. S’agissant d’actes remboursables, dont le nombre et la valeur sont très différents selon les professions, le taux agrégé apparaît très élevé (92,3 % en 2017 dont 87,5 % hors cas d’obligation), mais il est influencé par la part des actes facturés en pharmacie (deux tiers des actes en nombre) et la pratique ancienne et massive du tiers-payant en pharmacie (99,5 % en 2017 dont 99,3 % hors cas d’obligation).

Les chirurgiens-dentistes ont le plus faible taux de tiers-payant de l’ensemble des professions, 10,7 % en 2017, mais ils partagent avec l’optique et l’audioprothèse deux particularités : ils sont concernés par la négociation en cours pour un reste à charge zéro, et par la pratique des réseaux de soins, décrite par le rapport IGAS de juin 2017 ; des plateformes gèrent la problématique des devis et accords préalables des complémentaires, qui remboursent la majorité de ces frais de soins, mal pris en charge sauf exception par le régime obligatoire. A l’issue de la négociation reste à charge zéro, et pour les prises en charge qui atteindront cet objectif, la pratique du tiers-payant, forte chez les opticiens et audioprothésistes, faible chez les dentistes, pourra être modifiée et favorisée selon des modalités qui restent à préciser.

Le rapport prend en compte les spécificités exprimées par chacune des professions dans la concertation et analyse spécifiquement la pratique du tiers-payant des médecins libéraux, généralistes et spécialistes, le cas échéant hors le cas particulier des radiologues7.

5 Le panier de soins couvert par la CMU complémentaire est défini règlementairement : ses 5,5 millions de bénéficiaires sont en général (dans 87 % des cas) gérés par exception par un régime obligatoire, et dans 13 % des cas par une AMC, le fonds CMU publiant annuellement la liste des AMC offrant un contrat CMUC, En revanche, seules les AMC gèrent les contrats couvrant 1,2 millions de bénéficiaires de l’Aide à la complémentaire santé (ACS), qui sont normalisés (3 niveaux de garanties dénommés A, B ou C). Tous les autres contrats sont librement négociés dans un cadre collectif ou individuel, le marché étant régulé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui contrôle les organismes et leurs comptes, quel que soit le code dont relève l’AMC (code de la mutualité ou code rural pour les mutuelles, code des assurances ou code des institutions de prévoyance).

6 Voir en annexe 2 le tableau extrait du rapport d’activité 2016 du fonds CMU (annexe 5 de ce rapport).

7 La pratique du tiers-payant chez les radiologues est élevée compte tenu de la nature des actes de radiologie et de la règle des actes couteux, qui rend obligatoire le tiers-payant sur tous les actes coûteux (coefficient supérieur à 60 ou valeur excédant 120 €) : ainsi le taux de tiers-payant en radiologie est de 72,8 % en 2017 dont 65,4 % hors cas d’obligation. Les actes de radiologie représentant 12,3 % des actes médicaux (en nombre). Les personnes dans les cinq cas d’obligation représentent 23 % des actes de radiologie au lieu de 34 % pour l’ensemble des actes médicaux.

Les cinq cas d’obligation se répartissent en deux cas historiques sur les accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP) et pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), depuis sa création à compter du 1er janvier 2000, qui représentent ensemble environ 10 % des actes médicaux ; les trois cas récents découlent d’une part de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 s’agissant des bénéficiaires de l’Aide à la complémentaire santé (ACS), pour lesquels le tiers-payant est obligatoire depuis le 1er juillet 2015, et d’autre part de la loi du 26 janvier 2016, s’agissant des personnes relevant de l’assurance-maternité et des soins en rapport avec une affection de longue durée (ALD), pour lesquels le tiers-payant est obligatoire depuis le 1er janvier 2017.

Hors situations d’obligation, la pratique du tiers payant est limitée à 20,4 % pour les généralistes et 23,5 % pour les spécialistes hors radiologie en 2017, taux les plus faibles des professions de santé, après celui des chirurgiens-dentistes, comme le montre le graphique pour l’ensemble des professions.

Graphique 1 : Taux de tiers-payant volontaire 2017 par profession (hors cas d’obligation)

Source : CNAMTS ; En bleu foncé le tiers-payant AMO+AMC, bleu moyen le tiers-payant AMO 100 % et en bleu clair en haut, le tiers-payant AMO seule sans la part AMC, taux exprimés en % des actes remboursés.