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II.1.3.1 Pédagogie de projets et collaborations

Les professeures-documentalistes ne sont pas soumis à un programme d’enseignement disciplinaire à faire passer aux élèves. Cette marge de manœuvre offre

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une liberté, propice à la créativité. Aussi, la pédagogie de projet est-elle au cœur de ma pratique et je la promeus au quotidien, convaincue qu’elle donne du sens aux apprentissages, auxquels elle associe pleinement les élèves en tant qu’acteurs engagés, qui accèdent ainsi progressivement à l’autonomie. Elle leur offre la possibilité de prendre des initiatives, de collaborer avec leurs pairs et de développer de la sorte leur raisonnement et créativité. Et c’est de cette manière aussi que je suis convaincue qu’il est le plus efficace de travailler en tant qu’enseignant pour s’accroître et prendre de l’essor. Pour ma titularisation, j’ai eu à réaliser un petit mémoire, que j’ai décidé de faire porter sur le travail en partenariat. La collaboration était déjà pour moi, dès l’entrée dans le métier, essentielle à la réalisation de celui-ci et porteur d’une richesse professionnelle évidente, en termes d’apprentissages sur le métier, sur les autres et sur soi ; ses apports prennent toujours, à mes yeux, le pas sur les éventuelles tensions que la coopération peut générer par ailleurs. Peut-être est-ce parce que j’ai eu la chance d’évoluer au sein d’équipes avec lesquelles il était agréable de travailler, ou, ne pouvant m’associer à tous les collègues, j’ai pu le faire avant tout avec ceux qui étaient favorables au partenariat. J’ai la chance de travailler en collaboration avec des professeurs de toutes disciplines, ce qui forcément m’ouvre à de multiples champs de connaissances et aux divers programmes d’enseignement. Je pense que la coopération apporte une ouverture d’esprit et est propice, par le contact avec d’autres professionnels, à étendre ses propres compétences ; on apprend des autres, à leur contact, en interagissant pour trouver la meilleure solution, celle-ci étant plus accessible en y réfléchissant à plusieurs plutôt que de manière solitaire. Elle permet en effet de se frotter à d’autres points de vue et styles professionnels. Elle demande de respecter, en toute humilité, les idées qui émanent d’autrui et de composer avec en lui octroyant certaines concessions. Elle amène aussi à s’affirmer par ailleurs, en se montrant force de proposition, et, pourquoi pas, fédérateur. On se construit de la sorte soi-même. Le croisement des regards enrichit par ailleurs la créativité et ainsi les productions finales mutualisées. Le raisonnement qui précède cette co-construction nous fait avancer également.

La plupart des séances pédagogiques que je mène sont animées conjointement ; j’ai donc toujours eu l’habitude du regard d’un autre adulte sur la façon dont j’exerce mon métier. Déjà, ce regard enjoint à se surpasser, et il est propice également à porter un regard réflexif sur sa propre pratique. Être, par ailleurs, le témoin de la façon dont d’autres professionnels déploient leur autorité, font passer les apprentissages, s’adressent aux élèves, comme d’autant d’exemples, que l’on a le loisir de choisir ou pas de suivre, en tout cas de modèles

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de stratégies susceptibles d’être déployées face à des situations similaires rencontrées, permet d’accroitre son répertoire d’actions. En plus de ces interventions conjointes auprès des élèves, la collaboration en amont, pour planifier celle-ci et préparer des outils pédagogiques, ainsi qu’en aval, pour évaluer ensemble, permettent de s’élever également. On ne voit plus que par son propre spectre. Cela est d’autant plus vrai concernant les échanges et la collaboration avec des personnels non-enseignants. J’ai été amenée à travailler avec des infirmières scolaires et des conseillers principaux d’éducation par exemple, qui ont une autre vision, ce qui est propice à des prises de conscience.

Le travail en équipe, source d’émulations, permet bien d’aiguiser sa pensée et son esprit critique sur ce qui est réalisé et est ainsi susceptible d’apporter un perfectionnement. La confrontation à l’altérité peut déclencher une évolution dans ses pratiques et une modification de sa posture professionnelle ; il s’agit donc bien d’une source possible de développement.

II.1.3.2 L’établissement d’exercice

II.1.3.2.1 Appréciation subjective du contexte professionnel

Je n’ai pas connu beaucoup d’établissements scolaires. Une fois titulaire, j’ai enseigné dans le lycée professionnel dont je parlais précédemment. Pour toutes les raisons décrites, je ne m’y épanouissais pas autant que j’aurais voulu. Aussi, dès que j’ai eu l’opportunité de changer d’établissement, ai-je demandé ma mutation, quitte à faire un peu plus de route pour aller travailler. J’ai été cette fois nommée en collège, là les élèves se battaient presque pour avoir une place au CDI, ils me remerciaient après y avoir passé une heure ; je m’y sentais donc utile. Le plaisir d’exercer ma profession, que j’ai retrouvé tel que je l’avais connu lors de mon année de stage, mais là avec plus d’expérience et donc d’assurance en moi, m’a aussi encouragé à entreprendre davantage et autrement. D’autant plus que j’avais du répondant en face de moi, des élèves plus impliqués, qui participaient beaucoup, et étaient prêts pour certains à s’engager dans des clubs ou ateliers sur la base du volontariat. Les collègues étaient partants aussi pour coopérer à de multiples projets. Ainsi l’environnement dans lequel on exerce joue, d’après moi, un rôle important dans la manière dont on vit notre profession ; s’il est positif et tourné vers l’apprentissage, il nous fait nous sentir heureux dans notre travail et participe à notre amélioration. L’épanouissement, ainsi apporté, nous rend à même de rayonner autour de soi et ainsi à

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contribuer à ce climat formateur, climat qui, dans une boucle positive, nous incite à nous déployer encore davantage.

Cela fait maintenant quinze années que j’exerce dans ce petit collège rural, composé aujourd’hui de 340 élèves et de 26 professeurs. Mais celui-ci a connu des modifications, avec des établissements alentours qui ont fermé, aussi a-t-il accueilli à plusieurs reprises de nouveaux apprenants et enseignants. J’ai également eu l’opportunité de restructurer complètement le Centre de Documentation dans lequel je travaille. Ces nouveautés, changements organisationnels et structurels me semblent nécessaires pour ne pas se scléroser. J’estime par ailleurs avoir la chance d’exercer dans un établissement très porteur ; ses performances positives et son dynamisme sont soulignés dans le texte de référence qu’est le Contrat d’objectifs, avec des jeunes qui s’impliquent dans la vie de l’établissement et une équipe très investie dans une multitude d’initiatives qui ont été particulièrement valorisées ces dernières années par l’équipe de direction et portées à la connaissance des personnes extérieures, par la voie de la presse notamment. Une mise en valeur et une reconnaissance qui donnent envie de continuer d’exercer au mieux sa profession. La plupart des enseignants qui y travaillent ont une grande conscience professionnelle et se démènent pour améliorer leur enseignement en faveur des élèves. Je pense que nous avons le sentiment d’œuvrer tous ensemble, dans une démarche collective, aux apprentissages et à l’épanouissement des apprenants, et par là-même en faveur de leur réussite. Ce mouvement collégial est porteur. La majeure partie d’entre nous n’est pas revendicative ni opposée d’emblée à ce qui lui est proposé, mais tâchent de composer pour tendre vers ce qu’on lui demande et des attendus en constante évolution. Le climat est donc tourné vers la progression, et c’est une des raisons pour laquelle je n’ai pas ressenti l’envie de muter.

II.1.3.2.2 Implication et prises de responsabilité

Un autre élément qui fait que je n’ai pas le sentiment d’avoir faire le tour des possibles dans ce collège est que j’ai eu le loisir de piloter et de coordonner certaines activités, ce qui m’a donné par moments le sentiment d’être au carrefour de celles-ci. Déjà, étant donné que je suis davantage sur place que mes collègues de disciplines (mon quota horaire de présence est plus important que le leur), je suis l’interlocutrice privilégiée à qui l’on s’adresse par exemple lors de projets menés à plusieurs enseignants ; je relaye ainsi les informations entre les professeurs qui sont moins amenés à se voir, je centralise en quelque sorte ce qui est décidé et cela me confère ainsi une position stratégique qui me

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vaut d’avoir une grande visibilité de ce qui se passe et de ce qui se décide. Par ailleurs, j’occupe depuis quelques années la mission de référente culture. Dans ce cadre, je réalise un état des lieux de tout ce qui se fait dans le domaine artistique et culturel pour une mise en cohérence et une optimisation ; cela me demande des compétences communicationnelles pour être tenue informée et avoir une vision globale des initiatives dans ce champ, mais aussi pour relayer les propositions des partenaires externes. En tant que facilitatrice, il me revient d’une part de conforter les projets existants, et d’autre part, d’encourager l’émergence de nouveaux. Ce genre de fonction un peu particulière qui octroie une responsabilité au sein de son environnement de travail est, d’après moi, moteur également de développement. Enfin, j’ai eu l’opportunité d’être associée par mes chefs d’établissements successifs à la rédaction du Contrat d’objectifs et à la présentation de sa version auprès de l’Inspection Académique, ce qui m’a permis d’en entrevoir les ressorts. Aussi ai-je pu prendre part au diagnostic, à la définition d’objectifs, d’actions prioritaires et d’indicateurs à même d’évaluer les évolutions de notre collège. En cernant mieux les problématiques de l’établissement et la politique choisie pour accompagner la réussite des élèves, on est plus à même de s’y inscrire et d’agir selon les mêmes priorités. On peut d’autant mieux œuvrer dans le même sens que la ligne de conduite réfléchie et décidée par l’équipe de direction, si déjà on en a une pleine conscience et compréhension, toutes deux étant facilitées par le fait d’avoir pu participer à en esquisser les contours. II.1.3.2.3 Confiance et reconnaissance au sein de l’établissement

Acquérir de la reconnaissance au sein de son établissement d’exercice peut, à mon sens, inciter aussi à montrer ce dont on est capable. Le besoin que l’on a, en tant que professeur-documentaliste, de nouer des partenariats pour pouvoir déployer le volet pédagogique de son métier, demande de faire valoir ce que peut apporter, en termes de plus-value pédagogique, le fait de travailler ensemble au CDI plutôt que seul dans sa salle de classe. J’ai eu ainsi à promouvoir mes propositions éducatives, pédagogiques et culturelles, que, du coup, j’ai été amenée à parfaire pour avoir des arguments à apporter. Par exemple, j’ai exposé aux professeurs de disciplines qui étaient le moins enclins à collaborer (des matières scientifiques notamment), ce que l’on pourrait imaginer de mener ensemble, ce que cela apporterait aux élèves, tout en argumentant sur le fait que cela ne ferait rien perdre pour autant dans l’avancée dans leur progression. Par ailleurs, dans le cadre de la semaine de la presse par exemple, je soumets des idées de séances qui pourraient relever de différentes matières, avec des objectifs visés correspondant aux

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programmes. Je montre également le résultat de certains projets, des productions d’élèves, que je valorise, pour donner envie aux collègues de se lancer. Je présente aux professeurs de français les nouveaux Concours de lecture et d’écriture organisés au niveau national et je m’escrime à leur donner envie d’y participer. J’ai ainsi toujours eu à cœur d’obtenir une reconnaissance de mon travail de la part de mes collègues et de retirer du travail que l’on mène ensemble un sentiment de compétences, qui vient en partie de l’apport qu’ils expriment retirer de ce partenariat. Par ailleurs, l’estime et la reconnaissance que j’ai pu obtenir des Principaux avec lesquels j’ai travaillé m’ont encouragée à me maintenir au niveau d’exigences atteint, voire à aller plus loin encore, que ce soit sur le plan pédagogique mais aussi dans mon investissement dans l’établissement (présence dans les différentes instances par exemple), afin de ne pas décevoir et d’être à la hauteur de leurs attendus. Ainsi, la valorisation et la reconnaissance institutionnelle du travail entrepris et réalisé par les équipes me semblent constituer un ressort dans le travail.

II.1.3.2.4 Management

J’ai vu se succéder plusieurs chefs d’établissement. Certains impulsent plus que d’autres l’envie de se dépasser, en encourageant les initiatives et en apportant leur confiance. Il est important également je pense qu’ils montrent eux-mêmes la voie en donnant le meilleur dans le travail qu’ils accomplissent. En effet, je peux donner l’exemple d’un chef d’établissement que j’ai connu qui ne semblait pas motivé par son travail ; il ne s’en cachait pas vraiment, se plaignait de la charge que celui-ci lui causait et communiquait davantage sur ses loisirs que sur le travail en lui-même et la vie de l’établissement avec son équipe ; celle-ci s’en plaignait et une sorte de démotivation a semblé gagner tout le monde petit à petit. Les efforts et initiatives n’étaient déjà pas encouragées, mais quand ils subsistaient tout de même, ils n’étaient ni soutenues ni valorisés. Alors que j’ai actuellement affaire à une principale bien plus dynamique, qui donne réellement de sa personne et de son temps, est très consciencieuse pour faire au mieux son travail afin que le cadre organisationnel serve de manière optimale l’aspect pédagogique. L’impact sur l’équipe est flagrant : chacun se sent porté, et, gagné par cet entrain, souhaite se conduire de la même manière. Se montrer ainsi exigeant avec soi-même donne l’autorité et la légitimité pour l’être avec les autres. Ces attentes, combinées à une humanité et une compréhension des difficultés de chacun (des obligations et

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problèmes familiaux par exemple), sont d’après moi la clé d’un management susceptible d’obtenir le meilleur de chacun.

II.1.4 Les dispositifs institutionnels