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Prévention d’une récidive hémorragique :

Matériels et Méthodes

B. Indications chirurgicales :

3. Prévention d’une récidive hémorragique :

La décision thérapeutique dépend de la prédictibilité du risque. Ce sont les données de la fibroscopie qui sont les plus précises dans ce point, et l’examen doit être renouvelé régulièrement.

Si les varices apparaissent peu tendues, sans congestion de la muqueuse, il est tout à fait possible de n’envisager aucun traitement actif [27], dans la mesure où un certain nombre de conditions soient remplies ; il faut que la surveillance du patient puisse être assurée de manière rigoureuse et que l’environnement médical (médecin traitant, hôpital le plus proche) soit disponible et parfaitement informé des risques et des mesures à prendre en cas d’hémorragie. De plus, certaines mesures préventives de base sont indispensables en particulier la proscription de tous les médicaments pouvant favoriser une hémorragie à savoir les antiagrégants plaquettaires, les anticoagulants, et les ulcérigènes (AINS, corticoïdes). D’autre part, la prescription d’un bétabloquant en absence de contre-indications (asthme, insuffisance cardiaque…) est souhaitable ; il faut insister sur la gravité d’un arrêt brutal du médicament, acte responsable d’une récidive pouvant être fatale.

Par contre, en cas de signes d’HTP majeure (varices tendues, congestion de la muqueuse œsophagienne) ou en cas d’hémorragie digestive, le traitement d’hémostase fait appel le plus souvent aux méthodes endoscopiques : Sclérose ou ligature élastique. Ces méthodes assurent l’éradication des varices avec un taux de 88 à 95 %, la ligature étant plus rapide que la sclérothérapie [99,170] ; cependant, leur pratique est très limitée dans notre contexte ; d’une part, parce que cela nécessite un praticien expert et un anesthésiste pédiatre disponible (difficultés techniques limitant la ligature chez le petit enfant) et demande un suivi régulier avec des séances répétées, condition impossible chez des malades habitant loin comme c’est le cas de la quasi-totalité de nos patients ; d’autre part, parce cette thérapie constitue un traitement symptomatique et ne corrige pas l’hypertension portale ainsi que ses autres complications tels que l’hypersplénisme d’où un taux de récidive précoce avant même l’éradication des varices, atteignant 26 à 39 % des cas et un taux après l’éradication de 12 à 31 % [99,171]. De plus, des varices gastriques ou de siège ectopique ainsi qu’une gastropathie sévère échappent généralement au traitement endoscopique et sont à haut risque de récidive d’où l’intérêt d’une intervention décompressive.

Plusieurs études contrôlées [51] ont comparé les résultats de la chirurgie, principalement de l’opération de Warren, à ceux de la sclérose endoscopique des VO dans la prévention des récidives hémorragiques variqueuses. Ces études ont généralement mis en évidence un avantage de l’opération de Warren par rapport à la sclérothérapie sur le risque de récidive hémorragique mais pas d’avantage en terme de survie. L’indication opératoire ne parait donc légitime que chez les malades qui ont une récidive malgré un traitement médicamenteux par β-bloquant correctement suivi et / ou un traitement endoscopique des VO.

Le Tourneau [172] suggère de reculer au maximum l’indication opératoire chez l’enfant de moins de 10 ans et de maintenir comme critère principal d’indication, le critère clinique d’hémorragie gravissime, répétée ou persistante.

Ceci dit, la chirurgie garde une grande place dans le traitement de cette pathologie. C’est souvent des patients ayant besoin de transfusions itératives, d’un traitement endoscopique répétitif et dont la prise en charge médicale n’est pas codifiée, ou c’est encore des patients indisciplinés ou habitant loin d’un centre pouvant traiter l’hémorragie en urgence.

Une fois l’indication chirurgicale est posée, un bilan local minimal comportant un écho-doppler ou mieux un angio-scanner permettra de préciser le degré d’extension du cavernome ainsi que l’état des veines du système porte. Un autre bilan régional recherchera des V.O par fibroscopie et précisera leur hauteur, leur grade et les lésions associées. Un bilan hépatique, généralement normal chez ces enfants avec HTP extra-hépatique, constitue une condition physiologique favorable à l’intervention [51].

Le bilan local étant fait, le choix de la méthode dépendra du degré d’extension du cavernome et de la thrombose portale souvent présente.

a. Anastomoses porto-caves :

Elles sont indiquées en cas de perméabilité du tronc porte, donc elles n’ont pas une grande place dans le traitement du cavernome portal, elles conviennent surtout chez les cirrhotiques.

L’anastomose sera le plus souvent termino-latérale car le tronc porte est en général trop court pour une latéro-latérale. Seules les anastomoses porto-caves radiculaires utilisant les branches d’origine du tronc porte sont intéressantes dans le traitement du CP du fait de la persistance après ces interventions d’un flux hépatopète ce qui réduirait le risque théorique d’une encéphalopathie plus fréquente dans les dérivations tronculaires et dont l’incidence augmente avec la croissance de l’enfant.

b. Anastomoses spléno-rénales :

C’est une bonne technique si la veine splénique est perméable et de gros calibre. Sa réalisation doit être parfaite, elle est techniquement plus délicate que l’anastomose porto-cave du fait de la nécessité de disséquer la veine splénique derrière le pancréas.

Bismuth [173] a rapporté 59 anastomoses spléno-rénales centrales avec un diamètre de la VS inférieur ou égal à 6 mm, il n’y avait aucun décès ni en post-opératoire immédiat ni à distance, et aucun des malades n’a présenté d’encéphalopathie, mais il y a eu 4 thromboses de l’anastomose. Dans un cas le diamètre de la VS est directement responsable de l’échec ; une VS de 2 mm de diamètre a été utilisée pour une anastomose d’urgence et du fait de l’hémorragie en cours, le traitement anticoagulant n’a pas été prescrit. Dans les autres cas, la thrombose de l’anastomose a été due soit à la thrombocytose soit à la compression de l’anastomose par la racine du mésocôlon gauche. Parmi ces 4 malades, 1 seul a ressaigné, et les 4 ont été réopérés et ont nécessité une anastomose mésentérico cave qui est restée perméable.

Warren [174] a noté un cas d’encéphalopathie développée 20 ans après une anastomose spléno-rénale centrale. Il préfère l’anastomose distale qui la considère comme procédure de choix quand il y a une VS perméable et de gros calibre.

Pour Le Tourneau [172], dans son étude concernant 4 interventions de Warren dont 3 réalisées chez des enfants porteurs d’un CP, les interventions ont été contrôlées en post-opératoire précoce par une SPG, la pression intrasplénique a dans tous les cas baissé de 10 mm Hg, les shunts étaient tous perméables et aucun malade n’a ressaigné.

Marmon [175] a publié un cas de cavernome portal chez un nourrisson de 9 mois pesant 8 kg traité par une anastomose spléno-rénale distale, l’hémorragie a été contrôlée avec succès et l’anastomose n’a pas thrombosé, avec un recul d’un an.

Benjamin [13], dans une étude à propos de 3 cas de CP comprimant la voie biliaire, a proposé chez un malade une anastomose spléno-rénale distale. L’ictère a disparu après la réalisation de l’anastomose, avec un recul de 5 ans.

Broto [55], a traité deux malades parmi 14 cas de CP par une intervention de Warren ; l’anastomose a permis de contrôler le saignement sans aucune récidive hémorragique ni thrombose de l’anastomose après 1 an de surveillance.

Pour Dibi [50], l’anastomose spléno-rénale distale de Warren a été réalisée chez 11 enfants dont l’âge varie entre 4 ans et ½ et 14 ans, avec un diamètre de la VS compris entre 6,4 mm et 15 mm, et une anastomose spléno-cave termino-latérale dans 3 cas associée à une déconnexion azygo-porte.

Botha et al. [176] a rapporté récemment les résultats d’une expérience de 15 ans de shunts porto-systémiques chez des enfants ; il avait réalisé 17 ASRD, l’âge moyen était de 3 à 17 ans ; le résultat était bon dans la majorité des cas hormis une sténose du shunt dans 1 cas, une récidive hémorragique dans 1 cas et une ascite dans 2 cas, avec un recul de moins d’un an à 14 ans. Cette équipe a exprimé ses préférences par rapport à cette intervention décompressive et sélective sans risque d’encéphalopathie.

Dans notre série, il a été pratiqué 2 ASRD, l’une avec et l’autre sans déconnexion, ainsi qu’une anastomose spléno-cave distale, l’âge respectif des malades était de 14 ans, 10 ans et 5 ans avec un diamètre de la VS de 13,1mm, 12,5 mm et 5 mm respectivement. L’hémorragie a été contrôlée dans tous les cas sans aucune récidive. Une thrombose est survenue avec une disparité de calibre de la VS sur ASRD (obs. n°7) ayant disparu sous anticoagulant.

c. Anastomoses mésentérico-caves :

En absence de la veine porte et chaque fois que la VS est thrombosée ou a un calibre insuffisant, que le patient a été splénectomisé, ou encore qu’une anastomose spléno-rénale antérieure a échoué, c’est à l’anastomose mésentérico-cave que l’on doit faire appel.

Elle est très intéressante chez le petit enfant, elle permet d’intervenir dès l’âge de 4 à 5 ans car la VCI est déjà assez volumineuse.

L’efficacité de cette intervention apparait actuellement indiscutable, elle permet la conservation de la rate sans compromettre les possibilités de dérivations spléno-rénales spontanées, elle baisse la pression portale de manière progressive comme en témoignent l’amélioration avec le temps de l’hypersplénisme, du volume de la rate et des varices œsophagiennes. Les suppléances par la fémorale profonde, la région fessière et la veine iliaque interne s’établissent rapidement dans les premiers jours post-opératoires. Il persiste cependant une stase modérée au niveau du membre inférieur correspondant, comme en témoigne une discrète augmentation du volume. Cette stase n’entraîne pas de gêne fonctionnelle ou esthétique mais sera sûrement à surveiller dans l’avenir.

Pour Léger [52], l’anastomose mésentérico-cave est préférable à une anastomose spléno-rénale avant l’âge de 7 ans.

Bismuth [173] l’avait réalisée dans 19 cas de CP chez l’enfant, il n’a noté aucun cas de récidive hémorragique ni d’encéphalopathie ni de thrombose de l’anastomose, il l’a même proposée chez 4 malades après thrombose d’une anastomose spléno-rénale centrale.

Alvarez [177] a rapporté, parmi 35 enfants ayant eu une anastomose ilio-mésentérico-cave par retournement, un seul cas ayant présenté des troubles veineux des membres inférieurs à l’adolescence.

A propos de l’intervention de Drapanas, elle a l’avantage d’assurer un très bon drainage du système porte au travers d’une veine de gros calibre comme la veine jugulaire interne avec un débit élevé du fait d’un effet d’aspiration par la VCI dont on a pas interrompu la continuité. Vaysse [178] a rapporté 4 observations de dérivation mésentérico-cave en H avec greffon veineux (dont 3 veines iliaques externes) chez des enfants dont l’âge est compris entre 10 et 18 ans ; parmi ces 4 enfants, 2 sont porteurs d’un CP. L’intervention a été réalisée après impossibilité (Rein unique dans un cas) ou échec d’une anastomose spléno-rénale. Dans tous les cas, les résultats étaient excellents, aucune thrombose de l’anastomose n’a été notée avec un recul de 3 ans, mais il a constaté la persistance d’une discrète stase veineuse du membre inférieur du côté du prélèvement ; on lui préfère le greffon jugulaire.

Valayer [27], dans une étude concernant 86 enfants traités par la technique de Drapanas dont 59 cas de CP, a constaté une perméabilité et une efficacité de l’anastomose dans 95% des cas, il y a eu 6 échecs concernant des dérivations faites dans des conditions difficiles, 3 d’entre elles ont été reprises avec succès. Parmi les complications, il a noté 3 cas d’occlusions post-opératoires, 2 cas d’hémorragies intra-péritonéales, il n’y a eu aucun cas d’encéphalopathie secondaire, le recul moyen étant de 3 ans.

Pour Broto [55], parmi 4 anastomoses mésentérico-cave par greffon, il a noté un seul cas de récidive hémorragique 11 mois après l’anastomose.

Dans la série de Dibi [50], l’anastomose mésentérico-cave a été indiquée chez 12 enfants dont l’âge était compris entre 2 ans et ½ et 15 ans, porteurs d’une thrombose spléno-portale ou ayant une VS de petit calibre. Dans 5 cas parmi ces 12 cas, une intervention de Drapanas utilisant un greffon jugulaire a été réalisée avec succès.

L’équipe de Bicêtre [61,179] préfère ce type de shunt méso-cave en H depuis les années 1980s pour sa facilité de confection et ses résultats excellents. Il permet un arrêt des récidives hémorragiques, une amélioration de la qualité de vie avec une disparition de la splénomégalie et de l’hypersplénisme, un affaissement du cavernome et par conséquent régression d’une biliopathie portale. Ailleurs, il ne s’est jamais compliqué d’encéphalopathie chez des enfants avec cavernome porte.

Dans notre série, une anastomose de type Drapanas utilisant un greffon jugulaire a été confectionnée chez 2 enfants âgés de 10 ans et de 7 ans qui présentaient des récidives hémorragiques et chez qui la VS était thrombosée. Le diamètre de la VMS était respectivement de 10 mm et 11,3 mm. L’évolution était bonne et sans récidive hémorragique. Une ascite en post-opératoire immédiat a été notée dans un cas.

Une recherche dans la littérature de méta-analyses larges et d’essais prospectifs randomisés, comparant les dérivations portosystémiques chirurgicales en général aux autres méthodes thérapeutiques utilisées dans la prévention des récidives hémorragiques par rupture de varices oesophagiennes, a conclu aux résultats suivants [180]:

- Le risque de récidive hémorragique est significativement plus élevé après

traitement médical qu'après dérivations portosystémiques sans différence significative de mortalité.

- Les dérivations portosystémiques présentent 3,6 fois moins de risque de

récidive hémorragique (11,4 vs 42 %), deux fois plus de risque d'encéphalopathie (21,1 vs 10,3 %) que la sclérothérapie sans différence statistiquement significative de mortalité ni de survie.

- La récidive hémorragique et l'échec du traitement sont plus fréquents après

traitement radiologique (TIPS) rendant ce traitement plus coûteux que la chirurgie.

- La récidive hémorragique est 2,4 fois plus fréquente après chirurgie directe

sur les VO (23,8 vs 9,9 %), alors que le taux d'encéphalopathie est 13 fois plus important après anastomoses portosystémiques (29,8 vs 2,2 %), sans différence de survie. Notons que le risque d’encéphalopathie n’est significatif que chez des malades ayant une insuffisance hépato-cellulaire.

d. Déconnexion azygo-porte :

C’est une modalité thérapeutique des complications hémorragiques de l’HTP indiquée en urgence ou différée en cas d’impossibilité de réaliser une dérivation veineuse lorsque toutes les veines sont pathologiques ou lorsqu’il y a une contre indication à ces dérivations (syndrome hépato-pulmonaire, une hypertension artérielle pulmonaire ou hépatopathie contre-indiquant une chirurgie lourde) qui est une situation très rare dans l’HTP extra-hépatique.

Berger [104], dans une étude concernant 6 enfants porteurs d’un CP, chez qui a été réalisée une dissection ligature œsophagienne type Vosschulte modifiée par Rehbein, après échec d’une anastomose spléno-rénale dans 2 cas, le recul va de 5 à 8 ans, aucune récidive hémorragique n’a été notée. À la fin, il a regroupé les avantages et les inconvénients de cette technique de la façon suivante :

- D’un coté, cette méthode n’est pas limitée par l’âge ni par la taille des

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