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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.2 Prévention du drainage minier acide

Comme nous l’avons vu dans la section 2.1, la production de DMA qui résulte de l’oxydation de sulfures métalliques en présence d’eau et d’oxygène constitue l’une des problématiques environnementales les plus critiques de l’industrie minière. Lorsque l’on sait que des rejets miniers sont potentiellement acidogènes, il est primordial de prendre des mesures qui atténueront leurs impacts environnementaux. Au cours des dernières années, beaucoup de progrès ont été réalisés quant à la gestion environnementale des rejets miniers problématiques (Aubertin et al., 2002 ; Bussière, 2007). Une des mesures qui permettent de limiter les incidences environnementales du DMA consiste à contrôler sa production par une approche préventive. Les techniques préventives qui sont utilisées visent essentiellement à exclure un ou plusieurs des éléments responsables des réactions d’acidification à savoir : l’oxygène, l’eau et les sulfures.

En climat humide, les approches de prévention du DMA visant à exclure l’apport de l’oxygène aux résidus problématiques sont considérées comme les plus efficaces (MEND, 2001). Une de ces approches consiste à construire un recouvrement en matériaux naturels composés de plusieurs couches de sols superposés dans le but de garder au moins une des couches saturées ou quasi saturées en vue de limiter la migration de l’oxygène vers les résidus réactifs tout en limitant l’infiltration de l’eau jusqu’aux rejets (Aubertin et al., 1995 ; 2002). Cette technique est appelée couverture avec effets de barrière capillaire (CEBC).

Les CEBCs qui sont une solution pratique et efficace pour limiter la génération de DMA en climat humide (Bussière et al., 2006, 2007 ; Dagenais et al., 2006) consistent à recouvrir le site de rejets miniers problématiques de plusieurs couches de matériaux présentant des caractéristiques granulométriques et des propriétés hydrogéotechniques différentes afin de prévenir le contact entre les résidus miniers et l’oxygène.

2.2.1 Principe de fonctionnement hydrogéologique d’une CEBC

Dans un climat humide comme celui du Québec, le principal objectif d’une CEBC est de limiter la diffusion de l’oxygène vers les résidus problématiques afin de réduire l’oxydation des minéraux sulfureux. Ces recouvrements sont constitués de deux à cinq couches de sols distincts configurés de sorte à créer des effets de barrière capillaire (Aubertin et al., 2002). Le principe de ce type de

recouvrement est de minimiser le flux d’oxygène en maintenant au moins une des couches du recouvrement à un degré de saturation élevé.

Les effets de barrière capillaire sont créés lorsqu’un matériau à granulométrie relativement fine (en référence à la couche de faible perméabilité ou couche de rétention d’eau) est placé au-dessus d’un sol plus grossier (couche de support) (figure 2-1). Ces effets de barrières capillaire sont causés par la différence en termes de propriétés hydrogéotechniques non saturées et de granulométrie entre les deux matériaux. Ces différences de propriétés hydriques en termes de courbe de rétention d’eau et de fonction de perméabilité font que le matériau fin conserve un haut degré de saturation et limite les flux d’oxygène de l’atmosphère vers les résidus générateurs de DMA (Aubertin et al., 1995 ; Bussière et al., 2004). Ces effets de barrière capillaire tendent alors à limiter l’écoulement de l’eau de la couche de matériau fin vers la couche de matériau à granulométrie grossière du fait que le matériau grossier se draine facilement et atteint rapidement une conductivité hydraulique non saturé (ku) inférieure à celle du matériau fin (figure 2-1). De ce fait, l’eau est retenue dans le

matériau fin par les forces capillaires et ne s’écoule pas dans le matériau grossier tant que le matériau fin à l’interface n’approche pas d’une saturation complète (c’est-à-dire une succion supérieure à l’AEV du matériau grossier).

Au cours des dernières années, les systèmes de CEBC ont montré leur efficacité quant à leur capacité à prévenir le drainage minier acide. Des travaux menés sur des sites tels que le site LTA (Bussière et al., 2006) et le site Lorraine (Bussière et al., 2009) ont confirmé le fonctionnement et l’efficacité de tels systèmes. La capacité d’une CEBC à limiter la migration de l’oxygène et la formation de DMA a été examinée par plusieurs auteurs (Aachib et al., 1994 ; Aubertin et al., 1995 ; Mbonimpa et al., 2003), et ce pour différentes configurations et divers matériaux. Les études ont montré que le flux d’oxygène dans les résidus miniers était réduit si le degré de saturation de l’une des couches de la couverture, particulièrement la couche de rétention d’eau, demeurait élevée et typiquement supérieur ou égale à 85%. La mise en œuvre d’une CEBC est relativement simple (Ricard et al., 1997) et sa longévité peut être excellente lorsqu’elle est construite avec des matériaux à plasticité faible (Dagenais, 2005 ; Bussière et al., 2007).

2.2.2 Configuration typique d’une CEBC

Un exemple de recouvrement de type couverture avec effets de barrière capillaire est présenté à la figure 2-2. Les deux premières couches, A et B servent à protéger les trois couches suivantes (à savoir les couches C, D et E) contre l’érosion, les intrusions biologiques et humaines et les effets des cycles de gel-dégel et de mouillage-séchage (Bussière et al., 2001). Les couches C, D et E constituent les principales composantes qui permettent à la CEBC de jouer son rôle de barrière à l’oxygène.

La couche C, appelée couche drainante, a plusieurs fonctions. Elle joue un rôle important dans la performance du recouvrement. Avec une granulométrie grossière et une conductivité hydraulique saturée élevée (entre 10-3 cm/s et 10-1 cm/s), elle permet de contrôler les écoulements d’eau des couches supérieures en les dirigeant latéralement ; ce qui permet de réduire l’infiltration dans la couche D. La couche drainante confère une meilleure stabilité au recouvrement en diminuant la pression interstitielle dans ce dernier. Le choix du matériau de la couche drainante permet de créer une barrière à la remontée capillaire venant de la couche D; ce qui permet à la couche D de conserver l’humidité (Bussière et al., 2001). Cette couche peut être constituée de matériaux granulaires naturels tels le sable ou le gravier.

La couche D, appelée couche de rétention d’eau (ou couche de faible perméabilité), constitue la véritable barrière aux échanges entre les rejets et l’extérieur. Grace à sa capacité de rétention d’eau, elle permet de limiter la migration de l’oxygène vers les résidus sulfureux en restant presque

saturée. Cette couche est faite d’un matériau fin ayant un contraste granulométrique avec les couches C et E important pour que les effets de barrière capillaire s’établissent et que la teneur en eau y reste élevée. La conductivité hydraulique saturée est relativement faible pour les matériaux (habituellement argileux ou silteux) constituant la couche de rétention d’eau (généralement inférieure ou égale à 10-5 cm/s) ; ce qui limite ainsi l’infiltration d’eau dans la couche E. Le degré de saturation élevé et la faible infiltration d’eau permettent de diminuer significativement la production de DMA des résidus sulfureux placés sous la couverture (Aubertin et al., 1995 ; Bussière et al., 2001).

Figure 2-2: Configuration typique d’une CEBC utilisé comme barrière à l’oxygène (Aubertin et al., 1995)

La couche E, appelée couche de support, avec une granulométrie grossière est responsable des effets de barrière capillaire qui s’établissent à l’interface avec la couche D. Avec sa conductivité hydraulique élevée et sa faible capacité de rétention d’eau, cette couche se draine rapidement. De la même façon que la couche C, une conductivité hydraulique saturée de 10-3 cm/s à 10-1 cm/s

convient habituellement aux matériaux de la couche E. Tout en empêchant la remontée capillaire du lixiviat des résidus sulfureux, cette couche sert de support pour les autres couches du

recouvrement et doit avoir des caractéristique géotechniques et mécaniques adéquates pour subir les charges de la machinerie lourde lors de la mise en place du recouvrement.