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C. Epidémio-surveillance des infections à entérovirus en France

IX. Prévention des infections et développement d’un vaccin

Le succès des campagnes de vaccinations pour éradiquer la poliomyélite fait apparaître l’utilisation d’un vaccin contre l’EV-A71 comme un moyen efficace d’enrayer la dissémination de ce virus et de contrôler la survenue d’épidémies chez les très jeunes enfants. Plusieurs groupes pharmaceutiques en Chine, à Singapour, au Japon, en Malaisie et à Taiwan développent actuellement des vaccins contre l’infection à EV-A71 (Liang et al, 2013). Les vaccins candidats sont développés en utilisant différentes lignées cellulaires et des

Tableau 5. Vaccins inactivés en cours développement contre l’EV-A71

Organisation Souche (genogroupe)

Lignée cellulaire Milieu Technologie Adjuvant Statut d’essais cliniques

Vigoo FY strain (C4) Vero Sans sérum Système

microcarrier en bioréacteur

Aluminum Hydroxyde

Phase III achevée

Sinovac Souche H07 (C4) Vero Sans sérum Incubateur

cellulaire

Aluminum Hydroxyde

Phase III achevée

CAMS Souche M01 (C4) KMB-17 Avec sérum Incubateur

cellulaire

Aluminum Hydroxyde

Phase III achevée

NHRI Souche E59 (B4) Vero Sans sérum Bouteilles

roulantes

Aluminum Hydroxyde

Phase I achevée

Inviragen - (B3) Vero Sans sérum Incubateur

cellulaire

Aluminum Hydroxyde

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souches de différents sous génogroupes. Les valences antigéniques qui ont été choisies répondent à des préoccupations épidémiologiques nationales : le sous génogroupe C4 dans les projets en Chine et des souches du génogroupe B dans ceux développés à Singapour et Taiwan. Parmi les modes de préparation vaccinale figurent les vaccins à virus atténué (virus non pathogène), les vaccins de type pseudo-particules virales (capsides vides sans génome dont la structure est similaire à celles des virions infectieux), les vaccins sous-unités à protéines virales recombinantes (protéine VP1) et les vaccins à virus inactivé. Les projets de vaccins basés sur les trois premières approches sont encore en phase de développement sur des modèles animaux.

Les vaccins à virus inactivé ont été développés plus rapidement en raison des progrès récents dans les technologies de production (par exemple les cultures cellulaires sans sérum). Ils se caractérisent par un degré élevé d’immunogénicité, une bonne stabilité et une sureté déjà éprouvée. La virulence de la souche virale est inactivée par un traitement au formaldéhyde ou à la chaleur. Cinq vaccins à virus inactivé sont en développement [Tableau 5] : trois projets chinois sont basés sur un virus C4, un projet taiwanais utilise un virus B4 et le dernier est développé avec une souche B3 à Singapour ; les trois premiers projets sont au stade III des essais cliniques (Li et al, 2014). Une préparation vaccinale avec une souche C4 conjuguée à un adjuvant d’alun présente une efficacité protectrice de 90% chez 10 000 participants dans un essai clinique de phase 3. De nombreux points restent à étudier : l’efficacité du vaccin contre des souches de sous génogroupes différents et les effets secondaires à long terme (Zhu et al, 2013). Les deux autres vaccins basés sur des souches de sous-génogroupes B3 et B4 sont encore en phase 1 (Kung et al, 2014).

Ces trois préparations présentent une bonne efficacité et pourraient constituer les premiers vaccins disponibles pour la population chinoise particulièrement affectée par les épidémies à EV-A71. Les améliorations à réaliser portent notamment sur le contrôle qualité de la production (il n’existe pas de standards internationaux concernant les lignées cellulaires, les souches virales et les antisérums). Concernant l’efficacité d’un vaccin contre l’EV-A71, la difficulté majeure est liée à la variabilité génétique de ce virus au cours du temps ; par conséquent, des études d’épidémiologie moléculaire seront impératives pour analyser l’évolution génétique des souches qui continueront à circuler lorsque le vaccin sera utilisé. Enfin, les vaccins en développement ne protègent pas des infections causées par les autres sérotypes d’entérovirus responsables de la maladie pied-main-bouche, CV-A16 notamment, qui sont en co-circulation avec l’EV-A71. Des approches de vaccins bivalents (EV-A71 / CV- A16) ou multivalents sont actuellement envisagées (Cai et al, 2014). Le développement des

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vaccins anti-maladie pied-main-bouche pose la question de la rationalité de cette approche dans la mesure où les sérotypes d’entérovirus qui peuvent causer cette maladie sont très nombreux.

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LES METHODES

D’ANALYSE

PHYLODYNAMIQUE :

CONCEPTS

GENERAUX ET

APPLICATION A

L’EPIDEMIOLOGIE

VIRALE

Figure 30. Techniques d’étude phylodynamique d’une population virale

a. Représentation phylogénétique des relations de parentés génétiques dans un échantillon d’individus. La longueur des branches est exprimée en distance génétique par rapport à l’ancêtre commun.

b. Chronogramme construit en utilisant une horloge moléculaire estimée avec les dates d’isolement des souches, permettant la datation moléculaire des ancêtres communs établis par la reconstruction

phylogénétique. La longueur des branches est exprimée en distance génétique par rapport à l’ancêtre commun à l’ensemble de l’échantillon en fonction de l’unité de temps utilisée.

c. Représentation phylogénétique en fonction du temps (datation moléculaire) montrant les changements en acides aminés survenus entre les ancêtres communs (adaptation moléculaire). La longueur des branches est exprimée en distance génétique par rapport à l’ancêtre commun à l’ensemble de l’échantillon en fonction de l’unité de temps utilisée.

d. Représentation phylogéographique montrant les relations phylogénétiques en fonction du temps et de la localisation géographique estimée pour chaque ancêtre commun. La probabilité de la localisation géographique est estimée d’après celles des souches de l’échantillon. Cette analyse permet de reconstruire l’histoire de la dissémination de l’agent pathogène.

e. Schéma représentant le principe de la théorie de la coalescence utilisée en phylogénie moléculaire. Chaque cercle représente un cas d’infection, positionné en fonction du temps. Les cercles rouges et gris indiquent respectivement les infections échantillonnées et celles qui ne l’ont pas été ; l’ancêtre commun à l’ensemble de l’échantillon est indiqué en noir.

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L’analyse phylodynamique désigne une discipline intégrative née de la convergence des méthodes utilisées en biologie évolutive et en épidémiologie : elle relie l’inférence* phylogénétique et la dynamique des populations d’agents infectieux. Les développements les plus récents tentent d’intégrer à cet ensemble les modèles d’analyse utilisés en épidémiologie des maladies infectieuses (cet aspect ne sera pas traité). L’analyse phylodynamique est particulièrement adaptée à l’étude épidémiologique des virus à ARN car la vitesse de leur évolution est telle que les changements adaptatifs et les facteurs épidémiologiques qui en sont la cause peuvent être modélisés sur la même échelle de temps.

L’analyse phylodynamique appliquée à l’épidémiologie virale utilise le polymorphisme génétique pour modéliser conjointement la structure des populations virales en fonction du temps, leur démographie, leur dissémination entre différentes zones géographiques et la sélection (adaptation moléculaire) [Figure 30]. L’étude des processus phylodynamiques des virus est en plein essor grâce au séquençage des génomes, aux ressources informatiques disponibles pour l’analyse de jeux de données de plusieurs milliers de séquences et aux méthodes statistiques de modélisation des processus évolutifs et épidémiologiques. Au cours des dix dernières années, des progrès importants ont été réalisés pour intégrer les modèles* utilisés en phylogénie moléculaire (en particulier la coalescence pour la datation moléculaire) à ceux qui sont utilisés pour analyser la démographie et la distribution géographique (phylogéographie).