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La prévention au cœur des priorités des dernières réformes

B. DES RÉFORMES ET PLANS D’ACTION SUCCESSIFS AUX RÉSULTATS ENCORE

2. La prévention au cœur des priorités des dernières réformes

Au cours de la période récente, la politique de santé au travail est apparue excessivement centrée sur la surveillance de l’état de santé des salariés. Les réformes récentes témoignent d’une volonté des acteurs concernés de mettre l’accent sur la prévention.

a) Le troisième Plan santé au travail : l’expression d’une ambition partagée qui se heurte au manque de moyens

À partir de 2005, les pouvoirs publics ont cherché à donner une impulsion coordonnée aux différentes actions concourant à l’amélioration de la santé au travail en lançant des plans pluriannuels (PST) issus de la concertation entre le ministère du travail, le ministère de la santé, les partenaires sociaux, la branche AT-MP, les agences sanitaires et les acteurs de la prévention, dans le cadre du COCT.

1 Gras Savoye Willis Towers Watson, résultats statistiques de l’absentéisme 2018. Étude portant sur un panel de 546 entreprises et 256 054 salariés et portant sur les arrêts (maladie et AT-MP) supérieurs à trois jours.

Le dernier plan santé au travail (PST 3), prévu pour la période 2016-2020, met en avant « l’ambition d’un renouvellement profond de la politique

de santé au travail » et est le fruit d’un consensus rare et unanimement salué

entre les parties prenantes.

Ce plan acte la nécessité d’opérer un changement de paradigme en faveur d’un accent mis sur la prévention, à rebours d’une « vision centrée sur

la réparation et donc d’un travail avant tout potentiellement pathogène ». Outre la

poursuite des efforts de prévention des risques classiques, ce plan doit permettre la prise en compte de risques organisationnels (usure professionnelle, risques psychosociaux) ainsi que l’anticipation de risques émergents (perturbateurs endocriniens, nanomatériaux…).

Le troisième plan santé au travail

Le PST 3 s’articule autour de trois axes stratégiques. Le premier consiste à « donner la priorité à la prévention primaire et au développement de la culture de la

prévention ». Le deuxième axe stratégique concerne l’amélioration de la qualité de

vie au travail comme levier de santé, de maintien dans l’emploi et de performance économique et sociale des entreprises. Enfin, le renforcement du dialogue social et des ressources de la politique de prévention, notamment en direction des TPE-PME constitue un troisième axe qui doit faciliter la mise en œuvre des actions relevant des deux premiers.

Il se décline en trois axes et 52 actions pour lesquels un pilote est clairement identifié (DGT mais aussi CNAM, Anact, OPPBTP…). En février 2019, toutes les actions prévues avaient été lancées et 82 % avaient produit des résultats, selon le bilan de mi-parcours produit par le ministère du travail.

Le PST est décliné en plans régionaux (PRST) tenant compte des spécificités locales et négociés au sein des Croct. Selon les réponses transmises à vos rapporteurs par la DGT, les 17 PRST adoptés comportent en moyenne une trentaine d’actions (507 au total) et constituent une « avancée

considérable ». Quatre régions ont d’ailleurs lancé un site internet dédié à leur

PRST.

L’ensemble des acteurs rencontrés par vos rapporteurs s’accordent pour considérer que le PST constitue un cadre stratégique et opérationnel essentiel pour orienter les interventions en matière de promotion de la santé au travail. Pour autant, l’inflation du nombre d’actions inscrites dans ces documents stratégiques ne s’est accompagnée ni d’un renforcement des moyens à la disposition des différents acteurs ni de la mise en place d’outils de gouvernance et de pilotage permettant une mise en œuvre à la hauteur des ambitions affichées. Selon la DGT, ces lacunes constituent « le défaut

b) Le recentrage de l’action des médecins du travail ouvre des interrogations quant au service rendu

Les missions de la médecine du travail ont été réformées par la loi du 8 août 20161 et son décret d’application du 27 décembre 20162.

Jusqu’au 1er janvier 2017, tout salarié devait bénéficier d’un examen médical d’embauche par un médecin du travail préalablement à sa prise de poste et d’examens médicaux périodiques au moins une fois tous les 24 mois3.

Dans un contexte de pénurie chronique de médecins du travail, ces règles, qui apparaissaient excessivement exigeantes pour la majorité des salariés dont le poste n’implique pas de risque particuliers, ont été modifiées dans le sens d’une concentration de l’attention sur les salariés les plus à risque.

Depuis le 1er janvier 2017, l’examen médical d’embauche a été remplacé, pour les salariés dont le poste n’implique pas une exposition à des risques particuliers, par une visite d’information et de prévention (VIP) réalisée dans un délai de trois mois à compter de sa prise de poste et au moins une fois tous les cinq ans. Cette visite peut être réalisée, outre le médecin du travail, par un collaborateur médecin, un interne en médecine du travail ou un infirmier. À l’issue de cette visite, un suivi adapté peut être prévu si l’âge, l’état de santé, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels le salarié est exposé le justifient.

Parallèlement à cet assouplissement pour les salariés peu exposés, un suivi individuel renforcé a été prévu pour « tout travailleur affecté à un

poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail ».

Ce suivi comprend notamment un examen médical d’aptitude en lieu et place de la VIP, réalisé par un médecin du travail préalablement à l’embauche et renouvelé selon une périodicité déterminée par le médecin du travail et au moins tous les quatre ans.

Cette réforme, qui est en partie une réponse pragmatique à la pénurie de médecins du travail, a parfois été mal perçue par les employeurs, qui voyaient en la visite médicale annuelle la contrepartie à leur cotisation au SST alors même que la visite obligatoire revêtait souvent un caractère purement formel. Cette perception démontre les progrès qui doivent être réalisés dans la prise de conscience de l’importance de la prévention. En effet, la mission des médecins du travail et, plus largement, des SST, dépasse largement les visites médicales prévues par le code du travail et passe notamment par les visites de site et les échanges avec le chef d’entreprise. Il n’en demeure pas moins vrai que les solutions consistant à pallier l’insuffisance de ressources médicales ne peuvent représenter qu’un optimum de second rang.

1 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

2 Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail. 3 Ces examens médicaux périodiques pouvaient toutefois être remplacés par des entretiens infirmiers associés à des actions pluridisciplinaires annuelles.